Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
I

Ishikawa Takuboku (Ishikawa Hajime, dit)

Écrivain japonais (Iwate 1886 – Tokyo 1912).

S'il a pratiqué divers genres littéraires, il occupe une place à part dans l'histoire du tanka moderne, art du poème bref en trente et une syllabes. Fils aîné et enfant gâté d'un desservant de temple zen, il montre, dès l'âge de 12 ans, un intérêt précoce pour la poésie moderne. Après avoir tenté de vivre de sa plume à Tokyo, où il était parti à 16 ans sans avoir achevé ses études, il retourne dans son pays natal et publie son premier recueil de poèmes libres, Aspirations, en 1905. Au cours de sa courte vie, remplie de difficultés économiques, d'échecs et d'errances, il passa du romantisme au réalisme, écrivit les Nuages sont des génies (roman, 1906), la Situation actuelle de blocage (critique, 1910), marquée par sa position socialiste, et deux recueils de tanka : Une poignée de sable (1910), œuvre maîtresse, et le Jouet triste (1912), publié quelques mois après sa mort à 26 ans.

Isidore de Séville (saint)

Homme d'Église et écrivain latin (Carthagène v. 560 – Séville 636).

Évêque de Séville et conseiller des princes wisigoths, il est l'auteur d'ouvrages érudits (les Étymologies, les Sentences), qui rassemblent toutes les connaissances de son temps en recherchant la nature des choses dans l'origine des mots, et font de lui le dernier encyclopédiste de l'Antiquité.

Isla (José Francisco de)

Écrivain espagnol (Vidanes 1703 – Bologne 1781).

Jésuite, prédicateur fameux, il acheva sa vie en Italie, après avoir été expulsé d'Espagne (1767). Admirateur de la philosophie rationaliste et de la physique moderne (de Descartes à Hobbes), il doit sa renommée à son roman Frère Géronde de Campazas (1758-1767), où il ridiculise la mauvaise éloquence religieuse. Sa traduction du Gil Blas de Lesage (1787-88) eut un succès considérable en Espagne.

Islande

En dépit de son éloignement et du petit nombre de ses habitants, l'Islande a su développer et entretenir une littérature d'une telle richesse que l'on peut parler à bon droit de « miracle islandais ». Si le Moyen Âge s'y taille la plus grande part, cette production ne s'est jamais interrompue et n'a cessé de prodiguer des œuvres aussi nombreuses qu'originales que seules les difficultés de la langue ont privées de la diffusion qu'elles mériteraient. Cela a commencé dès le XIIe s., c'est-à-dire lorsque les descendants des Scandinaves et des Celtes, qui avaient colonisé le pays à partir de 874, ont été mis en état, par l'Église porteuse d'une écriture et de modèles littéraires, de consigner par écrit des traditions ou de composer des ouvrages originaux.

   Au début, semble-t-il, il y eut l'historiographie. Saemundr Sigfusson le Savant (1056-1133), dont l'œuvre a disparu, et surtout Ari Thorgilsson le Savant (1067 ?-1148), auteur du Livre des Islandais, non seulement rédigent l'histoire, sur des modèles augustiniens, des rois de Norvège ou de leur pays, mais mettent au point, déjà, un style fait de clarté et de rigueur et une méthode étonnamment moderne par son objectivité et sa solidité scientifique. Apparaissent aussi les premiers Livres de colonisation, qui contiennent, en germe, les sagas. Puis, les Islandais entreprennent de composer, à partir des anciens poèmes pangermaniques, les grands textes poétiques de l'Edda. On appelle ainsi deux recueils de nature et de date différentes. Le plus ancien, ou Edda poétique, est un recueil des grands poèmes mythologiques, gnomiques, satiriques et héroïco-épiques du Nord. Différente est l'Edda en prose de Snorri Sturluson (1178-1241), qui élucide les problèmes posés par la compréhension de cette mythologie : l'ouvrage comporte une « poétique » proprement dite, puis un « dénombrement des mètres » offerts à la sagacité des scaldes et une élucidation des principaux procédés de vocabulaire indispensables à la poésie scaldique. Pour n'être pas spécifiquement islandaise, cette poésie a vite été une spécialité de l'île, rois et jarls de Scandinavie continentale tenant à s'entourer de scaldes, parmi lesquels il faut mentionner au moins Egill Skallagrímsson (910 ?-990), l'amoureux Kormákr Ögmundarson (XIes.) et Sigvatr Thórđarson (995 ?-1045), chantre de saint Oláfr.

   Puis l'Islande voit l'éclosion d'une littérature de clercs. Ouvrages historiques, grammaticaux, mathématiques ou astronomiques, textes de lois, biographies de saints imitées de l'hagiographie continentale se multiplient : le fleuron de cette production est incontestablement représenté par les sagas qui voient le jour à partir, sans doute, du début du XIIIe s. Le genre a dû commencer par les sagas dites « royales », parce qu'elles retracent la vie des grands rois norvégiens, au premier rang desquels saint Olaf, héros de la Heimskringla de Snorri Sturluson. Suivent les sagas dites « de contemporains », parce qu'elles font la chronique d'événements islandais dont les auteurs ont pu être témoins : ainsi la Sturlunga Saga et les Sagas des évêques islandais et, parallèlement, les grandes sagas dites « de familles » ou « des Islandais » qui comportent tous les chefs-d'œuvre du genre. C'est là qu'éclate un style fait d'économie, de rapidité et de vigueur, une vision du monde réaliste quoique animée d'idéaux héroïques : l'homme y est exceptionnellement conscient de son destin, il s'efforce de le connaître, de l'accepter puis de l'assumer, intraitable sur le sens qu'il a de son honneur et prompt à la vengeance en cas de transgression. Ainsi les sagas de Njáll le Brûlé, chef-d'œuvre entre tous, d'Egill Skallagrímsson, de Grettir le Fort, de Snorri le Gođi, de Gísli Sursson ou de Hrafnkell Gođi de Freyr, entre autres. Par la suite, les auteurs puiseront dans le trésor de légendes pangermaniques pour rédiger les sagas dites « légendaires », comme celle de Hervör, ou celle d'Oddr l'Archer, et les sagas « de chevaliers », imitées de Chrétien de Troyes (Erex saga), ou de nos chansons de geste (Karlamagnuss saga) ou de la matière de Bretagne, voire du cycle d'Alexandre.

   Cet âge d'or sera interrompu avec le passage de l'Islande sous la couronne norvégienne (1264), puis danoise. Ce seront alors les siècles noirs de « la longue nuit », où les Islandais, harassés par les calamités naturelles, reclus dans leur île, ne parviendront à survivre que dans la conscience de leur grandeur passée et celle d'être le « conservatoire » des antiquités nordiques. Les siècles de la Réforme ne verront que quelques traductions de la Bible, et il faudra attendre le XVIIe s. pour voir reparaître de grandes œuvres comme celle d'Arngrímur le Savant (1568-1648) avec sa Crymogaea (1609), la grande préoccupation étant de collecter et classifier les prestigieux manuscrits du Moyen Âge, travail qu'Árni Magnusson (1663-1730) parviendra à mener à terme. Le lyrisme renaît avec Hallgrímur Pétursson (1614-1674) et ses Psaumes de la Passion. Avec l'ère des Lumières, Eggert Olafsson (1726-1768) manifeste sa fidélité au passé par son Voyage à travers l'Islande (1772) et le romantisme nationaliste, en même temps qu'il marque les premières tentatives du retour à l'indépendance (qui ne sera définitivement acquise qu'en 1944), permet une nouvelle floraison de talents dont émerge Bjarni Vígfusson Thorarensen (1786-1841).

   Dès lors, le mouvement est repris. Einar Benediktsson (1864-1940) domine le début du XXe s. par une œuvre qui tente d'animer la littérature d'un nouveau souffle. Mais l'époque contemporaine est tout entière dominée par la figure de Halldór Kiljan Laxness, prix Nobel en 1955, qui concentre dans son œuvre gigantesque l'essence du génie national  : il aura tout tenté, dans tous les genres, catholique, puis marxiste avant d'essayer la sagesse orientale, iconoclaste d'abord pour retourner à l'esprit des sagas, dadaïste puis revenant à la rigueur formelle : il faut retenir des chefs-d'œuvre romanesques comme la Cloche d'Islande (1943-1946), qui décrit un pays acharné à défier un destin contraire. L'Islande, revenue à l'indépendance et rapidement modernisée, va susciter, sous l'impulsion de deux aînés, Jón ur Vör, et Steinn Steinarr, l'ouverture de jeunes écrivains au marxisme et au freudisme, plus généralement aux modèles étrangers, au rang desquels se situe le surréalisme français. Ils sont conduits à rompre avec les formes traditionnelles, héritées de la prestigieuse poésie scaldique. La critique officielle leur donnera, par dérision, le sobriquet d'« atomiques », dénomination qui ne leur convient pas si mal, car ils ont réellement désintégré le verbe islandais pour le forcer à exprimer des sentiments nouveaux dans une forme originale. C'est au cours des années 1960 que plusieurs jeunes prosateurs vont relever le défi du modernisme romanesque. Sans nier l'apport capital de Steinar Sigurjónsson (1928-94), Svava Jakobsdóttir (1930) et Thorsteinn frá Hamri (1938), deux auteurs semblent se détacher, aussi bien par la qualité l'ampleur de leur œuvre, Thor Vilhjálmsson et Gudbergur Bergsson (1932). On a pu dire que Tómas Jónsson, bestseller (1966) a été le premier grand roman moderniste de la littérature islandaise, à la fois par sa remise en cause subversive de toutes les conventions littéraires et par son humour corrosif qui démonte les mythes de la nouvelle société islandaise. Sans doute, Thor Vilhjálmsson avait-il préparé le terrain en recourant à une prose expérimentale dans des récits de voyages et de courtes nouvelles à partir de 1955. Son premier roman, Vite, vite, dit l'oiseau (1968), où il fait œuvre de stylisticien, reflète la conscience mobile et changeante de l'homme moderne. Aujourd'hui, la littérature islandaise est riche de son héritage ancien ou récent, mais aussi de la pléiade de poètes, dramaturges et romanciers nés dans les deux décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale et actuellement dans leur maturité. Première génération née en majorité à Reykjavík, elle a tenu à explorer la vie dans cette nouvelle réalité qu'est la ville, en écrivant des œuvres dont les expérimentations formelles sont plus discrètes que celles de leurs aînés, à l'exception peut-être de celles d'Álfrún Gunnlaugsdóttir (1938), Vigdís Grímsdóttir, Gyrdir Elíasson (1961) et Sjón (1962). Frída Á. Sigurdardóttir (1940), Pétur Gunnarsson (1947), Thórarinn Eldjárn (1949), Steinunn Sigurdardóttir, Einar Kárason (1955) et Einar Már Gudmundsson (1954) sont quelques-uns de ces auteurs. Quelle sera la littérature islandaise du troisième millénaire ? Elle va devoir répondre à un défi qui ne s'est jamais présenté auparavant. Cette culture traditionnellement à la recherche d'influences étrangères se voit maintenant confrontée aux nouveaux moyens de communication informatisés permettant à chacun de vivre dans l'environnement linguistique de son choix. Dès lors, la notion de culture propre à une zone géographique se voit sérieusement remise en cause. Peut-être le destin de la littérature islandaise sera-t-il de se dissoudre dans la masse d'une nouvelle littérature mondiale, écrite seulement dans quelques grandes langues.