Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
L

Lampo (Hubert)

Écrivain belge d'expression néerlandaise (Anvers 1920 – Essen 2006).

Le succès même de ses romans psychologiques (Hélène Defraye, 1945) et historiques (le Diable et la Vierge, 1955) l'amena à abandonner un genre qu'il jugea frappé de stérilité. Ses nouveaux récits et ses nouvelles introduisent à un « réalisme magique » de tonalité messianique (la Venue de Joachim Stiller, 1960 ; Hermione surprise, 1962 ; les Cygnes de Stonehedge, 1972 ; les Empreintes du pied de Brahma, 1972 ; Un parfum de santal, 1976 ; Dites-donc Judith, 1983). On lui doit aussi des pièces de théâtre (la Tentation, 1977) et des essais (le Roman d'un roman, 1951, sur Alain-Fournier ; l'Anneau de Möbius, 1967-1972 ; Dialogues avec mon Olivetti, 1980, Retour en Atlantide, 1995).

Lamprecht der Pfaffe « le Clerc »

Poète allemand (1re moitié du XIIe s.).

On lui attribue la Chanson d'Alexandre (vers 1120-1130), poème dont l'intérêt réside particulièrement dans le choix d'un héros de l'Antiquité païenne et parce qu'il marque le début de l'influence française dans la littérature médiévale allemande : Lamprecht a pris pour modèle l'Alessandréide d'Albéric de Briançon. Mais l'œuvre est d'une inspiration nettement chrétienne : l'auteur insiste sur la vanité des entreprises humaines. Les aventures d'Alexandre le Grand seront au centre de bien d'autres œuvres du Moyen Âge allemand.

Lamy (Bernard)

Religieux et écrivain français (Le Mans 1640 – Rouen 1715).

Oratorien, professeur de rhétorique et de philosophie, il doit s'exiler dans un couvent du Dauphiné en raison de son cartésianisme Mathématicien et vulgarisateur scientifique (Entretiens sur les sciences, 1683), il a laissé des Nouvelles Réflexions sur l'art poétique (1668) et une Rhétorique ou l'Art de parler, continuellement augmentée dans ses 6 éditions de 1670 à 1741, qui voit, dans une perspective cartésienne, l'union de la rhétorique et d'une théorie des passions.

Lancelot-Graal

Ce titre moderne désigne un vaste ensemble de romans en prose, composés entre 1215 et 1235, qui dessinent dans les manuscrits dits cycliques le parcours du Graal, de son « invention » au soir de la Passion à son parcours et à sa disparition au sein de l'univers arthurien. Le plus ancien noyau de cette « somme » romanesque est la trilogie Lancelot en prose, Queste del Saint Graal et Mort du roi Arthur, qui unit et développe à partir de Chrétien de Troyes l'histoire d'amour de Lancelot et de Guenièvre et le motif de la quête du Graal, lancé par le Conte du Graal. L'Estoire del Saint Graal, composée après coup, remonte jusqu'aux origines du Graal, le Merlin, attribué à Robert de Boron, et une Suite Merlin assurant le raccord avec le Lancelot en prose. Une conception d'ensemble a sans doute déterminé la mise en recueil a posteriori de ces textes composés par des auteurs différents. De style et de tonalité très divers, ils proposent une somme à la fois thématique et esthétique du répertoire narratif du roman arthurien et des modes d'écriture que peut s'approprier la prose, de la chronique pseudo-historique à l'écriture du sacré en passant par le récit d'aventure et d'amour.

   Ce dernier mode prédomine dans le Lancelot en prose, qui conte les enfances du héros (auprès de la dame du Lac) et les aventures qu'il mène à bien pour mériter l'amour de la reine Guenièvre tout en s'intégrant à l'espace arthurien. Les aventures de Lancelot, de son lignage (ses cousins Lionel, Bohort, son demi-frère Hector) et des autres chevaliers arthuriens (Gauvain et ses frères, Perceval et ses frères, etc.) sont disposées selon la technique de l'entrelacement qui dilate l'espace-temps du récit tout en permettant une hiérarchisation des aventures, donc des personnages. Lancelot triomphe dans les épreuves qui, comme la conquête de la Douloureuse Garde devenue la Joyeuse Garde, mettent en jeu ses qualités de parfait chevalier et de parfait amant. Il échoue à celles qui exigent une virginité du cœur et du corps réservée au fils bâtard que lui donne la fille du Roi Pêcheur (le gardien du Graal depuis Chrétien) : Galaad. Privilégiant l'écriture allégorique, la Queste du saint Graal s'ordonne en effet autour de Galaad, l'élu du Graal, accompagné de Perceval (qui passe ici au second rang) et de Bohort. Condamnant l'aventure chevaleresque gratuite et l'amour charnel, la Queste leur substitue des aventures, des semblances, qui font signe vers le divin et dont les ermites, omniprésents, se chargent d'élucider la signification. D'autres aventures, réservées aux élus, sont la manifestation des mystères de la Foi. Galaad seul aura accès, avant de mourir, à la vision suprême des secrets du Graal. À la dimension moralisante – la Quête peut être lue comme l'Évangile de la chevalerie – se superpose une quête du savoir, du mystère des origines, emblématisées par le Graal qui, à cette date, ne peut se dévoiler qu'en Dieu. Achevant le cycle, la Mort du roi Arthur, construite comme une tragédie de la fatalité, dit la mise à mort du monde arthurien, causée par la révélation (c'est Morgain qui s'en charge) de la liaison entre la reine et Lancelot. Plus sûrement que les tirades moralisantes de la Queste, l'irruption de la jalousie et de la haine entre les lignages signifie dans cette fin de cycle la mise à mort de l'utopie courtoise, de la possibilité d'une harmonieuse relation d'amour entre le chevalier, la reine et le roi. Reprenant à la Queste les procédés de l'écriture allégorique, l'Estoire del saint Graal, centrée sur les aventures du Graal, de Joseph d'Arimathie, de son fils Joséphé et de leur entreprise de christianisation, est aussi un roman de fondation. Y sont élucidées les origines des aventures qu'a présentées de manière plus fragmentaire la Queste et on y raconte aussi la fondation des lignages qui vont assurer le transfert et la garde du Graal dans l'espace qui lui est destiné : la Grande-Bretagne en attente d'Arthur. Composite, l'Estoire de Merlin lie l'histoire du prophète telle que la conte le Merlin en prose (texte qu'elle reproduit) au récit de tonalité guerrière des débuts difficiles du règne d'Arthur en lutte contre ses barons.

   Le cycle du Lancelot-Graal parvient ainsi dans son extension maximale à créer un univers romanesque clos, construit à l'imitation du monde réel, qui s'est forgé son espace-temps, ses personnages, ses règles de fonctionnement et un système de valeurs dans lequel les vertus mondaines des plus brillants héros entrent en tension avec les valeurs chrétiennes. Galaad le pur est sans doute l'élu de la Quête du Graal, mais il ne peut accéder à cette gloire que parce qu'il est le fils de Lancelot, le meilleur chevalier du monde et le plus parfait représentant des vertus de l'amour humain. Cette somme romanesque, dont le succès ne s'est jamais démenti jusqu'au XVIe siècle au moins, a été aussi la source et le modèle de très nombreux récits arthuriens en prose comme le Tristan en prose, Guiron le Courtois, la Suite du Merlin, etc., ou encore, au XIVe siècle, le Roman de Perceforest.