Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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mandchoue (littérature)

Le mandchou est issu du groupe méridional des langues toungouses, qui font elles-mêmes partie des langues altaïques (langues agglutinantes, parlées par peu de locuteurs sur une aire très étendue [Asie centrale et Sibérie], caractérisées par leur richesse vocalique et un système de déclinaison complexe : jusqu'à 20 cas). Les Mandchous ne possédèrent d'alphabet qu'en 1599, lorsque Erdeni et Kakaï adaptèrent à leur langue l'alphabet mongol – système perfectionné en 1632 par Daxaï, puis au XVIIIe s. La littérature mandchoue est pour l'essentiel une traduction de la littérature chinoise, mais selon des critères culturels et administratifs très précis (annales historiques, ouvrages didactiques et moraux, etc.). Du premier tiers du XVIIe s. date un ouvrage original, les Annales véridiques des Mandchous, mais la période de vitalité de la littérature mandchoue se confond avec les règnes des empereurs Kangxi (1662-1722) et Qianlong (1736-1796) : traduction des classiques chinois, de traités militaires et économiques, publication (1682) d'un dictionnaire mandchou-chinois (que prolongeront le Miroir des Qing pour les cinq sortes de langues et le Traité des mots des pays d'Occident de 1766), mais aussi adaptations d'œuvres littéraires célèbres comme le Jinpingmei (traduit en 1703) et le Xixiang ji (traduit en 1710). Cependant, dès le début du XIXe s., la sinisation des Mandchous s'accélère et les derniers lambeaux de la littérature mandchoue (réduite le plus souvent à des documents juridiques et officiels) disparaissent avec l'empire en 1911.

mandéenne (littérature)

Le mandéen, dialecte araméen oriental, est la langue d'une littérature gnostique (mandâ correspond au grec gnôsis) qui exprime la doctrine d'une secte religieuse caractérisée par la pratique fréquente du baptême et le syncrétisme. Le mandéisme présente de grandes ressemblances avec le johannisme (les missionnaires des XVIe-XVIIe siècles parlaient des « chrétiens de saint Jean »), mais intègre en même temps des influences babyloniennes, persanes et manichéennes. La littérature mandéenne repose sur trois livres principaux dont les différents éléments ont été écrits entre le VIIe  et le Xe s. Le Ginzâ (Trésor) comprend les 18 traités de cosmogonie et de morale du Ginzâ de droite et les 94 pièces du Ginzâ de gauche, qui décrivent le voyage de l'âme dans l'au-delà. Le Sidrâ de Yahyâ (Livre de Jean) rassemble une évocation de la vie de Jean-Baptiste, des paraboles, des prescriptions dogmatiques, des récits mythologiques comme la légende de Miryaï Le Qolastâ (Quintessence), ou Livre des âmes, réunit, sous forme de textes rythmés encadrés d'indications en prose, une liturgie de la vie (masbutâ : baptême des vivants) et une liturgie de la mort (masiqtâ : baptême des mourants). D'autres textes sont encore connus des survivants actuels de la secte (quelques milliers d'individus dispersés au Liban et en Iraq) : textes divinatoires (Livre des constellations), recueils liturgiques ou didactiques (Couronnement du grand Shishlam, Divan d'Abatur), le plus souvent poétiques.

Mandelstam (Ossip Emilievitch)
ou Ossip Emilievitch Mandelchtam

Poète russe (Varsovie 1891 – près de Vladivostok, 1938).

Fils de commerçants juifs, il fit des études de lettres à Paris et à Heidelberg. Un des pères de l'acméisme, il voulut être l'apôtre d'une poésie charnelle et musicale, rigoureuse et riche en références culturelles. Son premier recueil porte le titre emblématique de Pierre (1913-1916) : il compare le mot à ce matériau pesant, concret, et affirme avoir appris la poésie auprès des bâtisseurs de Notre-Dame de Paris. Son goût pour les cultures du passé, son « classicisme » stylisé, en l'écartant de la révolution, lui imposent une retraite en Crimée (1918) dont sortira le recueil Tristia (1922), bilan intime et historique des années de guerre civile, où le lyrisme jaillit en réminiscences et en associations verbales insolites, révélant un univers poétique désormais autonome et hermétique qui constate « la fin de l'Histoire ». Isolé au sein du monde littéraire, il se tourne vers l'autobiographie (Bruit du temps, 1925), l'expérimentation de formes narratives neuves (le Sceau égyptien, 1928 ; Voyage en Arménie, 1933) et la réflexion critique (De la poésie, 1928 ; Entretien sur Dante, écrit vers 1930, publié en 1967). Il est exilé une première fois (1934) pour avoir composé une épigramme contre Staline. Son Cahier de Voronej (1935-1937), écrit à la veille de sa seconde arrestation, marque l'apogée de sa recherche sémantique et rythmique.

Mandeville (Bernard de)

Écrivain anglais (Rotterdam, Hollande, 1670 – Hackney, 1733).

Auteur d'une thèse de médecine sur l'animal-machine (1689), il reprit, dans la Fable des abeilles (1714), l'argument de Shaftesbury sur l'égoïsme inné de l'animal humain, mais en radicalisant son pessimisme : les vices privés font le bien public. Il est l'un des précurseurs de l'utilitarisme.

Mandiargues (André Pieyre de)

Écrivain français (Paris 1909 – id. 1991).

Souvent associé à la littérature décadente ou maniériste, au romantisme allemand, à l'esthétique baroque, Mandiargues, nullement épigone, entretient avec les formes esthétiques du passé une relation dérangeante. Écrivant en secret des poèmes à partir de 1936, il publie en 1945 Hedera, poème d'inspiration surréaliste, et en 1944 Dans les années sordides, un recueil de poèmes en prose et de contes étranges, qui le font apprécier d'Edmond Jaloux, de Jean Paulhan ou d'André Breton. Son lien au surréalisme tenait à des relations d'estime, notamment pour son fondateur. On le verra participer à certaines manifestations de l'après-guerre. Il suscite l'admiration pour ses récits réunis en des recueils étonnants comme Soleil des loups (1951, prix des critiques), Feu de braise (1959), Sous la lame (1976), et crée une forme nouvelle de fantastique, étroitement mêlé au quotidien, exaltant la féminité, l'amour, la beauté et le don du corps. Certains récits, Marbre (1953), le Lis de mer (1956), constituent un univers à part dans son œuvre. Les mêmes thèmes dominent les romans, comme la Motocyclette (1963), la Marge (1967, prix Goncourt). À 78 ans, il publie Tout disparaîtra, récit d'un érotisme cruel et raffiné, où la mort s'associe de plus en plus à l'exaltation charnelle. De remarquables poèmes sont réunis en « cahiers de poésie », en particulier « la Nuit l'amour » ou « Jacinthes ». Mandiargues a abordé le théâtre avec Isabella Morra (1973) ou Arsène et Cléopâtre (1981). De très nombreux articles traduisant sa grande curiosité pour les arts sont recueillis dans les quatre Belvédère (publiés de 1958 à 1995) qui, avec le Cadran lunaire (1958), expriment sa quête permanente du merveilleux, notamment chez les peintres contemporains.