Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Starytskyï (Mykhaïlo Petrovytch)

Dramaturge ukrainien (Klechtchintsi 1840 – Kiev 1904).

Cousin du compositeur Lyssenko, il publia sous l'influence des démocrates de 1860 des vers d'inspiration sociale et panslaviste (la Couturière, Aux frères slaves) et, ami de M. Sadovskyï et P. Saksahanskyï, dirigea de 1883 à 1898 le Théâtre national, pour lequel il écrivit des vaudevilles, des drames paysans (Le sort n'a pas voulu, 1883 ; Gricha, ne va pas danser !, 1890 ; Dans les ténèbres, 1893), des pièces historiques (Bohdan Khmelnytskyï, 1887 ; Marousia Bohouslavka, 1897). Il laisse en russe des romans historiques (Bogdan Khmelnitski, 1894-1897).

Stasiuk (Andrzej)

Écrivain polonais (Varsovie 1960).

Il est l'auteur emblématique de la génération des révoltés qui refusent de faire leur service militaire dans les rangs d'une armée polonaise affiliée à celle de l'Union soviétique (ce qui lui vaut d'être incorporé dans un corps punitif et de connaître la prison), qui rejettent le totalitarisme sous toutes ses formes. Romancier, poète et essayiste, il est parmi les premiers auteurs à publier dans la revue de Cracovie BruLion qui dénonce toute mainmise centralisatrice dans le domaine littéraire. Les héros de ses livres témoignent de l'achèvement d'un itinéraire de près d'un demi-siècle. Au début, il y avait l'internationalisme, le regroupement se faisait derrière le drapeau rouge soviétique, le terme « patrie » était proscrit. Vient ensuite la revendication d'une polonité avec des œuvres comme le roman de T. Konwicki, le Complexe polonais. Être polonais n'est plus un critère identificatoire suffisant pour le héros des narrations conçues après 1989. Il doit pouvoir se situer dans un terroir, une « petite patrie ». Son identité est étroitement liée à son lieu de vie, qui devient un espace mythique capable de le réconcilier avec son histoire. Pour Stasiuk, comme pour de nombreux écrivains de sa génération en Europe de l'Est et du Centre, après les traumatismes que leur infligea le XXe siècle avec ses génocides, ses idéologies totalitaires, ses modifications arbitraires de frontières, ses déplacements de populations par décision politique, la patrie locale (pour Stasiuk, le Bas-Beskide) devient l'espace où l'homme s'accomplit pour y avoir été accueilli, l'espace dont il endosse la responsabilité de la pérennisation des valeurs. S'expriment ainsi la nostalgie des patries perdues à la suite de la Seconde Guerre mondiale (les confins orientaux, Wilno, Lwów, le shtetl...), le rejet de l'uniformisation de la vie dans toutes ses expressions, voulue par le marxisme, l'attention optimale accordée à la multiplicité des cultures, à la richesse de leurs différences, à la nécessaire tolérance mutuelle. La « petite patrie » est ce qui permet de reconstruire une identité personnelle, de redonner sens à une vie à travers un enracinement ancien ou nouveau. Les personnages de Stasiuk sont généralement jeunes et révoltés. Ils refusent l'illusion d'une brillante carrière à laquelle ils préfèrent une existence en quête de liberté, de sentiments et d'émotions authentiques, dont celles induites par la souffrance et la mort ne sont pas occultées. Le style de Stasiuk est emprunt de musicalité, de sensibilité à la valeur essentielle du mot. Le rythme de ses romans est alerte alors même qu'il alterne une forme narrative pure avec des passages plus apparentés à l'essai. Ses principaux écrits sont des romans : les Murs d'Hébron (1992), le Corbeau blanc (1995), Nouvelles galiciennes (1995), Ducla (1997), l'Hiver (2001) ; une autobiographie : Comment je suis devenu écrivain (1998) ; deux pièces pour la télévision : De la mort (1998), Neuf (1999) ; un essai : Mon Europe (2000) ; des poèmes : Poèmes d'amour et d'autres qui ne le sont pas (1994).

Steele (sir Richard)

Écrivain irlandais (Dublin 1672 – Carmarthen, pays de Galles, 1729).

Ami d'Addison, il quitte l'armée et lance en 1709 le journal The Tatler (le Bavard), qui paraît trois fois par semaine, d'abord consacré aux nouvelles mondaines, littéraires et politiques. Addison le rejoint bientôt, pour les articles de politique et les essais moraux. The Tatler parut jusqu'en janvier 1711, époque à laquelle le triomphe du parti tory obligea Steele à suspendre la publication. Vint ensuite The Spectator, publié quotidiennement à Londres du 1er mars 1711 au 6 décembre 1712 par Addison et Steele et, plus irrégulièrement, en 1714, par Addison seul. Les articles, réputés écrits par « Mr Spectator », se faisaient l'écho, en des essais qui sont des modèles du genre, de causeries amicales entre les membres d'un club imaginé par Steele. Pour les Whigs, les deux complices créeront d'autres périodiques : The Guardian (1713) et The Englishman (1713-1716). Chassé du Parlement pour avoir prôné la tolérance (la Crise, 1714), Steele devient, sous George Ier, directeur du théâtre de Drury Lane. Les Amants conscients (1722), son chef-d'œuvre dramatique, met au service de la comédie d'intrigue sa vivacité de pamphlétaire.

Steeman (Stanislas André)

Écrivain belge (Liège 1908 – Menton 1970).

Journaliste, il s'essaye au roman (Un roman pour jeunes filles, 1927), puis s'associe avec un confrère, Herman Sartini, dit Sintair, pour écrire 5 romans policiers. Seul, il créa Mr. Wens, l'un des plus grands détectives littéraires (Six Hommes morts, 1931 ; L'assassin habite au 21, 1939, porté à l'écran par H. G. Clouzot, avec qui il entretint une vive polémique sur la fidélité des adaptations cinématographiques), mais aussi le commissaire Malaise et le privé Désiré Marco. Le suspense lui réussit aussi (Autopsie d'un viol, 1964).

Stéfan (Jacques Dufour, dit Jude)

Poète français (Pont-Audemer 1930).

Il se méfie de l'épanchement lyrique (« Je n'ai jamais eu le cœur de chanter », Xénies, 1992) et écrit pour « abolir l'ennui en épousant le temps qui ravage » (Dialogue avec la sœur, 1987). Son pseudonyme est un masque et un programme (Jude l'obscur, l'apôtre, le juif, Stephen de Joyce), autour duquel il s'invente une biographie (Suites slaves, 1983) et trois sœurs, Ève, Hélène et G(ert)ude, double incestueux, dont les figures se mêlent à celles des Parques, « dures tendres sœurs », et des prostituées, « douces dures consœurs ».

   Sa poésie se nourrit de références très hétérogènes : l'intrusion de rythmes et de tournures de la poésie élégiaque latine casse la syntaxe et le vers français ; son goût pour l'excès le rapproche des baroques. Il joue avec les mots (Povrésies, 1997 ; PrOsÈMES, id.), ranime mots et genres oubliés, dans des textes inclassables (Gnomiques, 1985 ; Scholies, 1992) et des poèmes (Stances, 1991 ; Prosopopées, 1995 ; Épodes, 1999), privilégie les formes brèves (À la vieille Parque, 1989 ; Élégiades, 1993), mais publie aussi de longues Idylles (1973). Ses nouvelles saisissent les Accidents (1984) de la vie (la Crevaison, 1976 ; la Fête de la patronne, 1991).