Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
V

Virgile, en latin Publius Vergilius Maro (suite)

L'Énéide

Le grand poème épique de Virgile fut publié sur l'ordre d'Auguste après la mort du poète, survenue d'après les Vies le 21 septembre 19 ; une tradition constituée déjà à l'époque de Néron voulait qu'à l'approche de la fin il eût demandé qu'on la détruisît, comme trop imparfaite. Le poème est divisé en deux parties distinctes : les six premiers livres, inspirés de l'Odyssée, évoquent les pérégrinations d'Énée, venu de Troie, jusqu'à son arrivée en Italie ; les six derniers livres racontent la conquête du Latium par les Troyens sur le modèle de l'Iliade. La descente aux Enfers, au chant VI, constitue l'épisode central de l'œuvre. L'épopée débute par l'arrivée des navires troyens sur les côtes africaines. Après la prise et l'incendie de Troie, Énée et ses compagnons, poursuivis par la colère de Junon, ont erré pendant six ans sur la Méditerranée et sont poussés par une violente tempête sur le rivage de Carthage (chant I). Énée raconte à la reine de Carthage, Didon, le siège et l'incendie de Troie (chants II et III). Mais l'amour qui unit la reine au héros troyen est rompu par Jupiter, qui ordonne à Énée de reprendre son voyage. Désespérée, Didon se suicide (chant IV). Après avoir fait escale en Sicile et avoir célébré des jeux funèbres à la mémoire de son père Anchise (chant V), Énée aborde enfin en Italie et, guidé par la Sybille de Cumes, descend aux Enfers où Anchise lui dévoile l'avenir glorieux de Rome et fait défiler devant lui les plus prestigieux de ses descendants (chant VI). Accueilli dans le Latium par le roi Latinus qui lui donne sa fille Lavinia, Énée provoque la jalousie du roi des Rutules, Turnus (chant VII). Énée conclut une alliance avec l'Arcadien Évandre, établi sur le site de la future Rome (chant VIII). La flotte troyenne est détruite par Turnus (chant IX) et, dans les deux chants suivants, le combat s'engage, marqué par les exploits de Pallas, fils d'Évandre, et de la reine guerrière Camille. L'épopée se termine par un combat singulier entre Énée et Turnus et la victoire définitive des Troyens (chant XII). Synthèse de toutes les légendes grecques ou italiennes et des grands épisodes de l'histoire romaine, cette épopée savante est en fait profondément populaire par l'élan patriotique qui l'anime. C'est la puissance romaine future que chaque épisode évoque dans un rapprochement étonnant entre le passé, le présent et le futur (le bouclier d'Énée).

   Hymne à la gloire de Rome et justification de l'Empire romain, l'Énéide apparut tout de suite comme la grande épopée nationale. Énée, renonçant à Didon et aux tentations de l'opulence, Énée mettant fin aux guerres du Latium, adresse le langage le plus clair à des Romains durement saignés par quatre-vingts ans de guerres civiles et conscients, désormais, qu'une grande part de leur infortune découlait de la corruption qu'engendrent les richesses. Auguste, précisément, prône la renonciation à l'impérialisme de conquête et de pillage, la vie modeste et laborieuse, la pacification et la réconciliation. D'autre part, Énée, troyen et ancêtre de Romulus, est le lien qui unit l'Orient et l'Occident de l'empire latin. Virgile offre au nouvel État, sous la forme de l'équivalent de l'édifice homérique, ses références sacrées dans une épopée où le divin se mêle à l'histoire, comme le fera Hugo au XIXe s., racontant la « légende des siècles » pour enraciner dans le plus lointain passé les acquis récents de la Révolution. L'Énéide sonne comme le poème de l'empire universel et, au-delà, comme prophétie de l'unité humaine rassemblée par les dieux et réconciliée. L'Énéide fut imitée par les poètes latins, servit de base, dès le Ier s., à la formation scolaire et inspira sculpteurs et peintres. Sa popularité en fit au Moyen Âge (elle donna lieu au milieu du XIIe s. à une version française, Énéas, qui influença d'une manière décisive le genre du roman) et à la Renaissance un modèle pour de nombreux écrivains, qui s'appuieront sur les scènes mystiques de l'épopée pour faire de Virgile un mage inspiré, le plus chrétien d'entre les païens, celui qui sert de guide à Dante dans la Divine Comédie et qui patronne encore Hermann Broch dans sa méditation sur la création (la Mort de Virgile, 1945). Si Virgile est le père de l'Occident, il est plus encore peut-être, entre les cités antiques et l'État universel, entre le paganisme et le christianisme, l'homme de la charnière des temps.

Virrès (Henry Briers de Lumey, dit Georges)

Écrivain belge de langue française (Nederheim 1869 – 1946).

Exemple du renouveau littéraire catholique né dans le sillage de la Jeune Belgique, il fait de sa Campine natale la terre d'inspiration de récits régionalistes (la Glèbe héroïque, 1899 ; l'Inconnu tragique, 1907 ; la Route imprévue, 1933). Plus que des études de mœurs ou de superstitions populaires, il faut y lire les thèses chrétiennes de l'expiation, du sacrifice et de la réparation.

Virués (Cristóbal de)

Poète espagnol (Valence 1550 – id. 1609).

Composées entre 1580 et 1585, publiées à Madrid en 1609, ses cinq tragédies (la Cruelle Cassandre, l'Infortunée Marcelle, Attila furieux, la Grande Sémiramis, Elissa Didon) lui vaudront d'être mentionné par Lope de Vega dans son Art nouveau de faire des comedias. L'œuvre majeure de ce poète prolifique est une épopée religieuse sur la fondation légendaire du monastère de Monserrat : El Monserrate (1587).

Visage (Bertrand)

Écrivain français (Paris 1952).

L'Italie inspire à cet ancien pensionnaire de la villa Médicis (1984) des romans empreints de réalisme magique (Tous les soleils, 1984, prix Femina ; Angelica, 1988, prix A. Camus ; Bambini, 1993). Il est par ailleurs traducteur de l'italien (Sciascia, Samonà), essayiste (Chercher le monstre, 1978, sur les pouvoirs de la fiction), et fut un temps directeur de la N.R.F. (1996-1998). Les derniers romans marquent un constant renouvellement de sa production (Un vieux cœur, 1998 ; Éducation féline, 1997, récit picaresque animalier ; Hôtel atmosphère, 2001).

Visagier (Jean) , dit Vulteius

Poète français néolatin (Vandy, près de Vouziers, 1510 – Paris 1542).

Régent de collège, puis professeur au collège de Guyenne à Bordeaux, il se rend à Lyon en 1536 et y fréquente le cercle des humanistes qui, à cette époque, y résident ou y séjournent (Dolet, Scève, Rabelais, Nicolas Bourbon, etc.) ; il collabore avec certains d'entre eux à la composition du Tombeau du Dauphin (1536), recueil poétique publié sous la direction de Dolet. Le plus important de ses recueils poétiques, ses Epigrammata (1536-1537) sont inspirés par l'enthousiasme pour la littérature antique et par une profonde dévotion religieuse.