Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
P

Pázmány (Peter)

Prélat et écrivain hongrois (Nagyvárad 1570 – Presbourg 1637).

Évêque d'Esztergom (1616), puis cardinal (1629), il dirigea la Contre-Réforme hongroise. On lui doit le Guide de la vérité divine (1613) et des textes polémiques souvent violents.

P'Bitek (Okot)

Écrivain ougandais (Gulu 1931 – Kampala 1982).

Romancier en acoli (Dents blanches, 1953-1982), poète en acoli et en anglais (la Chanson de Lawino, 1966 ; la Chanson d'Ocol, 1970 ; la Chanson de Malaya, 1971) ; il reprend sans cesse sur le mode lyrique ou sur un rythme plus narratif (la Chanson de Lawino, 1983) l'évocation de l'Afrique de l'Est, particulièrement des coutumes des Acoli, pour les opposer aux modèles culturels d'importation européenne. Il a aussi eu une importante activité de professeur et de militant de la culture acoli-luo.

Pea (Enrico)

Écrivain italien (Serravezza 1881 – Forte dei Marmi 1958).

Poète (l'Épouvantail, 1914), il est aussi l'auteur d'un cycle de récits autobiographiques, réunis (1944) sous le titre de Moscardino. Sur son expérience en Égypte, où il avait rencontré Ungaretti, il a écrit Vie en Égypte (1949).

Peacock (Thomas Love)

Écrivain anglais (Weymouth, Dorset, 1785 – Lower Halliford, Middlesex, 1866).

Parallèlement à une tentative de romance poétique (Rododaphne ou le Sortilège de Thessalie, 1817) et une version romanesque de l'histoire de Robin des Bois (Maid Marian, écrite en 1818, publiée en 1822), il découvrit sa voie, la parodie, et inventa un genre : le roman satirique d'idées. Le Château de Bizarrerie (1816), l'Abbaye de cauchemar (1818), comme plus tard les Malheurs d'Elphin (1829) et Château Crochet (1831) mettent en scène le romantisme dont il raille la théâtralité au nom d'un bon sens très aristocratique. Son essai les Quatre Âges de la poésie (1820) provoqua la riposte de Shelley (Défense de la poésie).

Peake (Mervyn)

Écrivain anglais (Tianjin, Chine, 1911 – Oxford 1968).

D'abord illustrateur, il créa dans une trilogie romanesque (Titus d'Enfer, 1946 ; Gormenghast, 1950 ; Titus seul, 1959) un monde baroque et fantastique où le jeune souverain d'un royaume imaginaire abandonne son empire au terme d'une longue quête initiatique. On lui doit aussi des poèmes (Les Souffleurs de verre, 1950) et une pièce de théâtre (The Wit to Woo, 1957).

Pedersen (Christian)

Humaniste danois (Elseneur v. 1475 ou 1480 – id. 1554).

Auteur d'un Vocabularium ad usum Dacorum (1530), il traduisit le Nouveau Testament (1529), suivi des Psaumes de David (1531). Il publia plusieurs écrits de Luther et transposa le roman d'Ogier le Danois (1534). Après sa mort, parut sa traduction des Fables d'Ésope (1555). L'œuvre de Pedersen a eu une importance déterminante pour l'évolution de la langue : à la tête d'une imprimerie à Malmö, il a établi l'orthographe danoise.

Pedrolo (Manuel de)

Écrivain espagnol de langue catalane (Arañó, Lérida, 1918 – Barcelone 1990).

De ses quelque soixante-dix romans, les plus connus sont Balanç fins a la matinada (1963), Totes les bèsties de càrrega (1967), Un amor fora ciutat (1970) et le cycle Temps obert (1968-1980), l'une de ses expériences narratives les plus originales : les onze volumes correspondent chacun à l'une des destinées possibles d'un même personnage, Daniel Bastida, selon les différentes directions que pourront imprimer à son existence, alors qu'il est encore tout enfant, les aléas de la guerre civile. C'est d'ailleurs la caractéristique essentielle de la production romanesque de Pedrolo que la prodigieuse diversité des techniques narratives utilisées d'une œuvre à l'autre : il introduit ainsi dans le roman catalan un esprit novateur d'une grande influence sur les écrivains plus jeunes. Pedrolo est aussi l'auteur de recueils poétiques (Esser en el món, 1949 ; Arreu on valguin les paraules, els homes, 1975) et de pièces de théâtre (Homes i No, 1959 ; Tècnica de cambra, 1964). Il a également publié plusieurs volumes de nouvelles, des traductions et des recueils d'articles de journaux. Si l'on peut dégager une constante thématique de cette œuvre considérable, c'est sans contredit la défense de la liberté sous toutes ses formes collectives et individuelles, en dépit de la censure franquiste.

Peer (Andri)

Écrivain suisse d'expression romanche (Sent 1921 – Winterthur 1985).

Ouvert aux courants de pensée européens, il fait de la poésie romanche un résonateur des problèmes du monde contemporain (la Danse du temps, 1946 ; Poésies, 1948 ; Songes, 1951 ; Graffiti, 1959 ; Sous l'enseigne de l'archer, 1960 ; Vainchot, 1977). On lui doit aussi des contes, des essais et des pièces de théâtre.

Péguy (Charles)

Écrivain français (Orléans 1873 – Villeroy, près de Neufmontiers-lès-Meaux, Seine-et-Marne, 1914).

Boursier d'État, il fait de solides études classiques et prépare le concours de l'École normale, où il entre en 1894 pour en sortir sans diplôme en 1897. Avec Marcel Baudouin, dont il épousera la sœur en 1897, il côtoie bien des détresses. La vision de la misère ouvrière à Paris ne s'effacera pas de son esprit. Inscrit au parti socialiste, qu'il juge seul capable de rénover le monde, il écrit une Jeanne d'Arc (1897), voyant en elle la première incarnation de l'âme socialiste. L'inquiète conscience qu'a Jeanne du mal présent reflète les questions qu'il se pose et auxquelles il ne trouve pas de réponse. Il lui importe de chercher le « salut temporel de l'humanité » en instaurant le règne de la justice. Tel est le sens de Marcel, premier dialogue de la cité harmonieuse (1898), qui, par-delà les thèmes d'une équitable répartition du travail, vise à la fraternité universelle. Plus encore, le socialisme doit être une véritable expérience religieuse : les hommes doivent devenir « libres pour la vie intérieure ». L'affaire Dreyfus bouleverse Péguy. Il se jette dans la mêlée ; seule comptent pour lui la vérité et la justice. Il s'éloigne du parti socialiste, d'autant plus que sa tentative de fonder une librairie libre, la librairie Bellais, tourne court et que les décisions prises par le congrès du parti socialiste de 1899 de n'admettre aucune polémique interne le révoltent. Indépendant, il se consacre alors à son projet de « journal vrai » : ce sont les Cahiers de la quinzaine, soit, de janvier 1900 à août 1914, plus de deux cents livraisons, réparties en quinze séries. S'ils s'ouvrent à de nombreux écrivains (Anatole France, Romain Rolland, André Spire, André Suarès, les Tharaud...), ces « cahiers » sont une arme pour la défense des valeurs les plus chères à Péguy. C'est pour lui un engagement de tous les instants, une attaque de front des problèmes spirituels, sociaux, politiques de chaque jour. Même dans ses plus belles méditations (De la grippe, 1900 ; De Jean Coste, 1902), Péguy est l'homme d'un combat. Le thème directeur est une fidélité fondamentale au réel, qui rejette une vérité désincarnée : « Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. » Ainsi de Notre patrie (1905), qui marque une évolution vers le nationalisme, et des différentes Situations (1906-1907), critique violente du monde moderne, où le socialisme de Guesde et de Jaurès a perdu sa vertu originelle : la mystique s'est dégradée en politique. Péguy invite à une révolution « morale », mais ces années de lutte finissent par faire vaciller la flamme. Il passe par plusieurs crises : crise religieuse (« J'ai retrouvé la foi. Je suis catholique », confie-t-il à Lotte en 1908), désarroi et constat d'échec, dont se font l'écho À nos amis, à nos abonnés (1909), Notre jeunesse (1910), Victor-Marie, comte Hugo (1910), crise sentimentale (sa passion pour Blanche Raphaël, qu'il domine et que traduit la Ballade du cœur, posthume, 1976). Péguy opère un « ressourcement ». Il sent l'urgence de dépasser le plan du temporel pour s'élever à celui du surnaturel. Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc (1911) marque le début d'une féconde expérience littéraire au service d'une aventure spirituelle : l'œuvre dévoile le cheminement intérieur de Péguy vers la certitude. Si « le règne du royaume impérissable du péché » existe toujours, il y a dans le ciel « un trésor de grâces » : ne doutons pas de Dieu. Et aussi l'espérance, cette « enfance du cœur », qui illumine le Porche du mystère de la deuxième vertu (1911). La paix de l'esprit ne peut se trouver que dans le « désistement », le « renoncement », le « délaissement » de l'homme, qui sont le premier – et le décisif – acte de foi (le Mystère des saints Innocents, 1912). Ce sont dès lors les grandes poésies : la Tapisserie de sainte Geneviève et de Jeanne d'Arc (1912), la Tapisserie de Notre-Dame (1913), avec la « Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres », Ève (1913), qui offrent la vision d'un monde neuf. Émotions, images, rythmes épousent fidèlement la ligne sinueuse d'une inspiration toute chrétienne, au rythme du pas du pèlerin (Péguy se rend à Chartres en 1912 et en 1913). Les Mystères connaissent l'insuccès. Péguy est attaqué de toutes parts, autant par les « catholiques mondains » que par le « parti intellectuel », qu'il n'a jamais ménagés. Un nouveau théologien. M. Fernand Laudet (1911), puis l'Argent et l'Argent suite (1913) n'épargnent ni les uns ni les autres. Péguy partira pour la « dernière des guerres » avec un détachement mystique, conscient de combattre une fois encore pour une juste cause. Il laissait, après la Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne (1914), une Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne inachevée ; il y laissait transparaître une dernière fois sa méfiance pour les visions du monde « codifiées », qui n'ont pas de racines véritables. Témoin passionné, jusqu'à l'injustice, de la vérité et d'une vérité qui ne peut être que « charnelle », Péguy accomplit sa destinée, solitaire, mais comme peut l'être un prophète, ou l'officier qui attend son destin, debout dans le champ de blé de Villeroy, que ses soldats-paysans, un mois auparavant, avaient moissonné.