Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Strougatski (Arkadi et Boris Natanovitch)

Écrivains soviétiques, Arkadi (Batoumi 1925 – Moscou 1991) et Boris Natanovitch (Leningrad 1933).

Ils se sont consacrés à la science-fiction après leurs premiers succès dans le récit d'anticipation (les Revenants des étoiles, 1962 ; Il est difficile d'être un dieu, 1964). Leurs romans, de tonalité satirique, relèvent à la fois de l'utopie et de la fable philosophique (l'Arc-en-Ciel lointain, 1963 ; le Dernier Cercle du paradis, 1965 ; l'Escargot sur la pente, 1966-1968 ; la Seconde Invasion des Martiens, 1968 ; les Mutants du brouillard, 1972 ; Stalker : le pique-nique au bord du chemin, 1972 ; le Scarabée dans la fourmilière, 1982 ; Un milliard d'années avant la fin du monde, 1983).

Sttau Monteiro (Luís de)

Écrivain portugais (Lisbonne 1926 – id. 1993).

Adaptant la technique de Brecht au contexte portugais dans sa pièce Heureusement la lune est claire (1961), il dénonce la violence et plaide pour le respect des droits de l'homme.

Stuparich (Giani)

Écrivain italien (Trieste 1891 – Rome 1961).

Il s'engage comme volontaire dans la Grande Guerre avec son ami Slataper et avec son frère écrivain Carlo. Il consacre une biographie à Slapater (1922) et un émouvant portrait à son frère, qui se suicida durant la guerre (Colloque avec mon frère, 1925). Stuparich est l'auteur de récits réalistes (Femmes dans la vie de Stefano Premuda, 1932), autobiographiques (la Guerre de 1915, 1931 ; l'Île, 1942 ; Trieste dans mes souvenirs, 1948). Ses romans évoquent tantôt le déchirement des consciences irrédentistes lors de la Première Guerre mondiale (Ils reviendront, 1941), tantôt l'actualité politique, sociale, morale et religieuse (Simon, 1953).

Sturgeon (Edward Hamilton Waldo, dit Theodore)

Écrivain américain (New York 1918 – Eugene, Oregon, 1985).

Après avoir exercé de nombreux métiers, il fait ses débuts littéraires à la fin des années 1930 dans Astounding S. F. S'il est l'un des grands noms de l'âge d'or de la science-fiction, c'est aussi l'un des précurseurs du courant moderne qui se préoccupe plus des incidences morales et sociales de la science que des gadgets technologiques. Sa carrière épouse les rythmes irréguliers de sa vie affective dominée par cinq mariages, une ribambelle d'enfants et quelques dépressions plus ou moins graves. S'il excelle dans la nouvelle, il donne à ses thèmes favoris leur expression la plus efficace dans le Cristal qui songe (1950) et les Plus qu'humains (1953) : dans un retour aux valeurs de l'enfance, il voit le dépassement d'une humanité où règnent le mal et la solitude, et son accession à un stade supérieur englobant toutes les créatures et autorisant le contact avec d'autres races, pour le plus grand bien de ces dernières (le Viol cosmique, 1958). Dans la plupart de ses romans (Vénus plus X, 1960), Sturgeon alterne les plans, les temps et les narrateurs sans pour autant altérer la cohérence et la fluidité de son récit.

Sturluson (Snorri)

Écrivain islandais (Hvamm 1178 ou 1179 – Gut Reykjaholt 1241).

Chef et politicien d'envergure, scalde, mythologue et philosophe, il a tiré de l'oubli et élucidé une culture qui, sans lui, resterait inintelligible à bien des égards. Probablement auteur d'une des grandes Islendingasögur, celle du scalde Egill Skallagrímsson et, à coup sûr, de la prestigieuse collection des sagas royales, intitulée par la suite Heimskringla, il y retrace, avec une science admirable du portrait en action et un sens étonnant du rationalisme historique, la vie des rois norvégiens, des origines mythiques à nos jours. Composée vers 1230, la Heimskringla (« Orbe du monde », ainsi appelée d'après ses deux premiers mots) est un recueil de seize sagas qui embrassent l'histoire de la Norvège depuis les origines mythiques (Ynglinga Saga) jusqu'à Magnus Erlingsson (1164). Le joyau en est la Saga de saint Oláfr, où, rompant avec l'hagiographie de son temps, Snorri fait du saint un portrait étonnamment équilibré et objectif. Par sa méthode rationaliste, son coup d'œil réaliste, la sobriété de son style, la Heimskringla est un des chefs-d'œuvre de l'historiographie médiévale européenne. Mais la postérité a également retenu son Edda, dite en prose). Entre 1220 et 1230, s'inspirant d'un manuscrit de l'Edda poétique, il composa un manuel de poétique à l'usage des apprentis scaldes : leur art, en effet, non seulement ne peut se pratiquer sans une connaissance parfaite des règles formelles extrêmement élaborées de la poésie scaldique (allitérations, résolutions, accentuation, retour de graphies), mais aussi, à cause de la règle qui interdit de nommer choses et gens par leur nom, de procédés de vocabulaire (heiti et kenningar) qui impliquent une science très poussée de la mythologie païenne : ce savoir, après plus de deux siècles de christianisme, se perdait et c'est pour le sauvegarder que Snorri rédigea son livre. Celui-ci, après un prologue evhémériste (les dieux y sont donnés pour des hommes, des sorciers venus d'Asie et divinisés), se présente en trois parties. La première, le Háttatal (« Dénombrement des mètres »), qui est aussi un poème de louanges à l'intention du roi de Norvège Hákon Hákonarson et du jarl Skuli, énumère, exemples à l'appui, les 101 mètres proposés à la virtuosité des scaldes. Les deux suivantes, le Skáldskaparmál (proprement : « Poétique ») et la Gylfaginning (« Fascination de Gylfi »), ont précisément pour tâche d'élucider les heiti (procédé métonymique qui fournit des séries de synonymes, comme de dire « quille » pour bateau) et les kenningar (métaphores filées : « le cavalier du coursier de la mer » = le marin) sans lesquelles il n'est pas de poésie scaldique. La Gylfaginning y parvient au prix d'une affabulation simple : le roi suédois Gylfi pénètre dans un palais où siègent trois divinités qui répondent tour à tour à ses questions sur les dieux, l'origine du monde, les demeures célestes, les grands mythes, etc. Le but de ces enseignements est de justifier tous les procédés lexicologiques qui renvoient à un savoir mythologique. Au terme de cet entretien, tout, palais et triade divine, disparaît, Gylfi a été victime d'une « fascination ». Le Skáldskaparmál met pareillement en scène le dieu Aegir qui rend visite, en leur palais d'Ásgardr, aux Ases et questionne le dieu de la poésie, Bragi, sur l'origine de la poésie. Les réponses font appel à force mythes et légendes et nous permettent d'élucider la plupart des grands textes scaldiques connus. L'autre intérêt de l'ouvrage tient à sa valeur pédagogique : Snorri parvient à donner tout un trésor de renseignements sans lesquels des pans entiers de la mythologie nordique nous resteraient à jamais obscurs. C'est à lui, au premier chef, que revient l'honneur d'avoir fait de l'Islande le Conservatoire des antiquités germano-scandinaves.

   La saga d'Egill Skallagrimsson, de la catégorie des Islendingasögur, écrite au début du XIIIe s., est peut-être due à Snorri Sturluson. Elle retrace la destinée d'un Islandais exceptionnel du Xe s., qui fut un redoutable Viking, un dangereux magicien et l'un des grands scaldes de l'Islande. Sur un fond sauvage et fruste, l'auteur est parvenu à brosser un portrait étonnamment vivant et humain.