Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
L

Lafosse (Antoine de) , sieur d'Aubigny

Poète français (Paris 1653 – id. 1708).

Racine s'étant retiré du théâtre, de nouveaux noms se firent connaître : Pradon, Boyer, Campistron, mais surtout Antoine d'Aubigny de la Fosse qui avait été secrétaire de Créquy, puis attaché au duc d'Aumont et qui a connu un immense succès pour ses tragédies Polixène (1696), Manlius Capitolinus (1698), Thésée (1700) et Crésus et Calirrhoé (1704). Talma mettait Manlius au-dessus des pièces de Corneille et la jeunesse romantique (Delacroix, Balzac) continua d'aimer cette pièce.

Lagarde (André)

Écrivain français de langue d'oc (Bélesta 1925).

Professeur de collège, il mit sur pied en 1967 le Centre régional d'études occitanes et devint conseiller pédagogique d'occitan pour l'académie de Toulouse. Il publia pendant plus de trente ans dans le quotidien la Dépêche du Midi une chronique d' « Actualitat occitana » très suivie, produisit des émissions de radio et de télévision, présida l'Escòla Occitana et collabora à plusieurs périodiques. Il recueillit des contes (Trois Châteaux du diable, 1968), traduisit en occitan des œuvres de P. Arène, de A. Daudet, de R. Escholier, publia des anthologies et divers ouvrages pédagogiques, un dictionnaire du parler de Rivel (1991) et restitua en parler régional un récit autobiographique (Sinèra ou la montre d'or, 1999) qui vaut par son authenticité et sa richesse dialectale.

Lagerkvist (Pär)

Écrivain suédois (Växjö 1891 – Stockholm 1974).

Les premières œuvres posent le problème, essentiel chez l'écrivain, de la quête éperdue d'une foi, d'un sens et d'un amour à la mesure de sa sensibilité exacerbée. Il triomphe de ce penchant nihiliste en se laissant aller à l'ironie (l'Éternel Sourire, 1920), puis en tentant de hisser la cruauté à la qualité esthétique d'un mythe dans des récits où l'art souverain de la narration, chargée de symboles immédiatement perceptibles (Contes cruels, 1924 ; le Bourreau, 1933), se double d'une méditation sur la montée des périls, ainsi dans l'essai la Vie vaincue (1927) et la pièce antinazie le Roi (1932). Un voyage en Grèce l'oriente vers une défense de l'humanisme impérissable (le Poing noué, 1934), mais c'est avec le Nain (1944) qu'il atteint le sommet d'une inspiration désespérée mais hautaine : la vie y est vue comme une prison dont seuls d'intenses pouvoirs poétiques permettent d'accepter le carcan. Le bouffon d'un prince de la Renaissance italienne, un nain de vingt-six pouces, tient le journal des cruautés qu'il réserve à ceux qui ont une taille normale : meurtres, délations, trahisons. Une incarnation du Mal dont on ne sait si elle participe de la Providence (le nain a été surnommé le « Fléau de Dieu ») ou des beaux-arts.

   Une fascinante imagerie biblique dicte toute une série de romans (Barabbas, 1950 ; la Sibylle, 1956 ; la Mort d'Ahasverus, 1960 ; Pèlerin sur la mer, 1962 ; la Terre sainte, 1964 ; Mariamne, 1967) qui composent une recherche passionnée du sacré, qui, seul, permettrait à l'homme de connaître le véritable bonheur. L'attrait de cette œuvre, que couronna le prix Nobel en 1951, réside dans une ambiguïté consciente qui lui conserve, au-delà des modes et d'une réflexion parfois datée, une authenticité dramatique.

Lagerlöf (Selma)

Romancière suédoise (Mårbacka 1858 – id. 1940).

Très vite, elle découvre que sa vocation sera de ressusciter l'art conteur immémorial du Nord sur un mode nouveau. Si la prose lyrique de la Saga de Gösta Berling (1891) témoigne d'une préoccupation esthétique (bonheur et beauté sont-ils possibles ?), elle rappelle aussi aux nécessités du travail, du devoir et de la responsabilité en exaltant le petit peuple et le pittoresque des traditions. Expulsé de son presbytère pour ivrognerie, le pasteur Gösta Berling échoue dans la joyeuse compagnie des « cavaliers d'Ekeby ». Tous sont hébergés par une femme autoritaire et bonne, la commandante : commence alors pour le pasteur une série d'aventures romanesques le conduisant bientôt à un renouvellement de son existence.

   Divers volumes de contes où le fantastique affleure à tout moment sous la pesanteur du réel (les Liens invisibles, 1894 ; les Miracles de l'Antéchrist, 1897) entendent bien lutter autant contre le matérialisme que contre le fanatisme. Avec les deux volets de Jérusalem (1901-1902), épopée paysanne où mysticisme, culte de la famille et sens du devoir se situent à la limite ténue entre réel et irréel, et surtout les Écus de messire Arne (1903) qui pose le thème central de la faute et de la sanction, l'œuvre atteint sa maturité, manifestée avec éclat par l'ouvrage le plus populaire de toute la littérature suédoise, le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson (1906-1907) : conçu comme un manuel de géographie pour écoliers, ce récit didactique est un conte philosophique qui décrit l'odyssée du petit Nils, transformé en lutin à cause de sa méchanceté et emporté par les oies sauvages dans leurs migrations à travers la Suède. L'influence de Kipling, la foi dans le progrès, un nationalisme profond mais sans naïveté, la thématique morale (le travail seul apporte le bonheur et c'est au contact de la nature que le héros devient bon) font de cet écrit commandé pour les écoles primaires un véritable « roman de formation ». Son inspiration s'oriente ensuite vers des préoccupations religieuses, mais non sans ambiguïté : le Charretier de la mort (1912) est une œuvre de recherche et d'inquiétude, de doutes sur la foi ; la confiance en la Providence, la grâce et la réconciliation, l'obsession de la souffrance humaine dictent l'Empereur du Portugal (1914). Les ouvrages autobiographiques regroupés sous le titre de Mårbacka (1922-1932) et la trilogie des Löwensköld (1925-1928) dépeignent discrètement son idéal, le personnage de Charlotte Löwensköld aimant autrui et la vie, pleine d'humeur et d'humour. Prix Nobel de littérature en 1909, Selma Lagerlöf fut la première femme à entrer (1914) à l'Académie suédoise.

Lahbabi (Mohammed Aziz)

Écrivain marocain d'expression française et arabe (Fès 1922 – Rabat 1993).

Poète (les Chants d'espérance, 1952 ; Ivre d'innocence, 1980 ; Espérance malgré la mort, 1988), romancier et nouvelliste (Espoir vagabond, 1972 ; Morsures sur le fer, 1979), il milite dans ses essais philosophiques (De l'être à la personne, 1955 ; le Personnalisme musulman, 1964 ; Ibn Khaldoun, 1968) pour la rencontre des cultures et des religions dans un esprit d'échange et de compréhension (Du clos à l'ouvert, 1961).