Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
L

Li Ang (Shi Shuduan, dite)

Romancière chinoise (née en 1952).

Taïwanaise, elle doit son renom à une dénonciation violente du machisme tyrannique sévissant dans la société qui l'a vue naître. En 1983, la Femme du boucher lui vaut à la fois scandale et succès : dans la tradition naturaliste, ce roman décrit crûment les relations sexuelles d'un couple marié qui se défait tragiquement par la révolte finale de la femme opprimée.

Li Bai
ou Li Bo

Poète chinois (Turkestan 701 – Jiangsu 762).

Surnommé le « génie de la poésie », il est avec Du Fu (712-770) le plus grand poète de la Chine classique. Fils de marchand, il se passionne dès sa jeunesse pour la poésie, les arts martiaux et la vie taoïste, refusant de passer les examens. À 27 ans, il part pour le Hubei, où il se marie et se fixe plus ou moins. En 742, le maître taoïste Wu Yun le présente à la Cour. Pendant deux ans, il est choyé par la haute société de Chang'an. Mais, déçu de n'avoir reçu aucune fonction à la hauteur de ses ambitions, il reprend sa liberté. En 744, il quitte la capitale, riche et célèbre. Il mène dès lors une vie sans attaches, au gré de sa fantaisie, de ses amis et de ses protecteurs. En 756, pendant la rébellion d'An Lushan, il est compromis. Jugé coupable et condamné à l'exil, il est gracié en 759. Trois ans plus tard, il se noie en voulant, dit-on, attraper par une nuit d'ivresse le reflet de la lune sur une rivière. La poésie et la personnalité de Li Bo ont fasciné dès son vivant. « Immortel en exil », il semble vivre au-dessus du commun des hommes, hors des contraintes de la société. Son tempérament passionné, ses ambitions immenses, son romantisme turbulent, son goût de l'indépendance sont tempérés par la retenue de cet âge classique, de sorte que son art atteint un équilibre unique. Ses œuvres, rassemblées après sa mort par un parent, comptent 60 textes en prose et 1 024 poèmes. La plupart d'entre eux, dont les deux tiers ont été datés, sont nés au gré des événements de sa vie privée et sont adressés à des contemporains : lettres, remerciements, adieux, banquets. Il dépasse cependant le cadre artificiel de la poésie mondaine et y dévoile tout son être : ses ambitions déçues, sa passion des voyages, de la nature grandiose, son goût pour l'ivresse, sa quête taoïste de l'immortalité. Même ses poèmes historiques ont un élan impétueux et une saveur unique. Li Bai pratique toutes les formes poétiques courantes sous les Tang, avec une certaine prédilection pour la liberté du style ancien et le quatrain régulier de 7 pieds, qu'il composait avec une aisance désarmante. La langue de Li Bai, relativement facile (simplicité du vocabulaire, souplesse syntaxique, hardiesse des images, sincérité du ton), explique en partie son immense succès.

Li Ji

Poète chinois (1922 – 1980).

Auteur paysan de Wang Gui et Li Xiangxiang (1946), long poème narratif (378 couplets) inspiré des ballades paysannes, l'une des rares réussites de la littérature communiste, il continue d'obéir strictement aux Causeries de Yan'an (Mao, 1942) et s'applique, après 1952, à chanter l'épopée du pétrole.

Li Yu

Écrivain chinois (1611 – 1680).

Il occupe une place tout à fait originale dans l'histoire des lettres chinoises, mais son apport dépasse largement le seul domaine littéraire. Ayant très tôt abandonné l'idée de faire carrière dans l'administration impériale, il se lança dans diverses activités dont il tira ses revenus. C'est ainsi qu'il vécut plus de ce que pouvait lui rapporter son imagination que de l'assistance peu fiable des hauts mandarins qu'il côtoya d'abord à Hangzhou (1650-1660), puis à Nankin. En 1677, il retrouve la métropole culturelle à laquelle l'associe définitivement son surnom le plus connu, Hushang Liweng, le Vieux Pêcheur du bord du lac (de l'Ouest). Sa créativité sans cesse en ébullition se manifesta non seulement dans le domaine de l'édition, mais aussi dans celui de la décoration de jardin et de la direction théâtrale. Sa production écrite est à l'image de son caractère. Elle est loin de se résumer, comme on le fait encore trop souvent, aux deux cahiers liminaires de son recueil d'essais libres, Notes jetées au gré du sentiment d'oisiveté. Outre ce texte fondamental qui constitue une véritable dramaturgie dont la valeur n'a cessé d'être prisée depuis sa publication en 1671, il laisse une œuvre riche et variée. Mais c'est surtout dans le roman, genre qu'il privilégia entre 1654 et 1658 avec la diffusion de deux collections de récits courts en langue vulgaire – à savoir Comédies silencieuses et Douze Pavillons – et un roman érotique en vingt chapitres, Chair, tapis de prière, qu'il fait office de novateur. Composée dans l'urgence, cette création révèle un maître dans l'art de construire des intrigues sortant des sentiers battus et un humoriste tapageur qui prend un malin plaisir à user, voire à abuser, de paradoxes. Elle manifeste plus d'une fois l'ambition de son créateur de doter ses textes destinés à la lecture silencieuse des ressorts propres au théâtre. Parallèlement, le théâtre de Li Yu trahit souvent ses liens avec le roman. L'abondance des dialogues, couchés dans une langue vulgaire proche de celle de ses xiaoshuo (contes et roman), y renvoie sans cesse. Quatre de ses dix chuanqi (le seul genre dramatique dans lequel il se manifesta) sont, fait unique, adaptés de ses propres récits. Orchestrateur aussi attentionné que minutieux de ses narrations, Li Yu fut également leur meilleur défenseur et leur plus fervent commentateur : c'est lui seul qui prit en charge leur édition et leur diffusion.

Liban

Littérature de langue arabe

L'apport du Liban dans la renaissance (Nahda) arabe est considérable. Dès la seconde moitié du XIXe s. apparaît une nouvelle élite intellectuelle, rendue sensible aux courants de pensée occidentaux diffusés entre autres par les écoles de missions religieuses européennes et américaines. Elle eut une influence profonde sur l'ensemble du monde arabe, par sa production originale et le regard neuf porté sur les chefs-d'œuvre du passé.

   Les poètes se sont appliqués d'abord à imiter la poésie classique. Trois familles se sont particulièrement illustrées : les Yâzijî, les Bustânî et les Ma'lûf. Avec Khalîl Mutrân, chef de file de l'école romantique, la poésie épouse toutes les formes et épuise tous les thèmes de la sensibilité.

   L'école du Mahjar (émigration syro-libanaise vers les deux Amériques) marque une grande innovation. Autour de Gibrân, une poésie déchirée, nostalgique ou révoltée, entreprend la simplification de la langue et s'ouvre sur la poésie occidentale : Rachîd Ayyûb, Georges Ma'lûf et Mîkhâ'îl Nu'ayma ont aussi inauguré une nouvelle manière de sentir et préparé l'avènement du symbolisme, particulièrement représenté par Sa'îd 'Aql, à côté de la sensibilité romantique d'Ilyâs Abû Chabaka. Autour des poètes de la revue Chi'r (fondée en 1957) s'est produit la révolution du vers libre et du poème en prose, avec Yûsuf al-Khâl, Khalîl Hâwî, Unsî al-Hâjj et le Syrien Adonis. La nouvelle génération, avec 'Abbâs Baydûn et Rachîd al-Da'îf, ébranlée après 1975 par la guerre civile, est celle du refus, de l'absurde, de la fureur, de l'impossible réconciliation entre l'amour et la révolte. La poésie populaire, écrite en arabe dialectal, témoigne d'une grande vitalité avec Emile Mubârak (1901-1979), As'ad Saba (1913-1975), As'ad al-Sab'ali (né en 1910), Joseph Hâchim, 'Ali al-Hâjj, Michel Trad.

   Le genre romanesque doit ses premières œuvres à Jurjî Zaydan pour ses romans historiques, à Gibrân pour ses romans poétiques et à Mîkhâ'îl Nu'ayma, le créateur de la nouvelle libanaise. Il opte avec Tawfîq Yûsuf Awwâd, Halîm Barakât ou K. M. Karam pour un réalisme attentif aux problèmes sociaux du Liban et de la nation arabe. Le courant existentialiste trouve après 1950 des adeptes en Suhayl Idrîs et Jamîl Jabr. Le mouvement féministe, entamé par Mayy Ziyada et Warda al-Yâzijî, est largement poursuivi par Laylâ Ba'albakî, Colette Suhayl et Emilie Nasrallah.

   Une nouvelle génération de romanciers s'est imposée pendant et depuis la guerre civile libanaise, autour de Hudâ Barakât, Hasan Dâwûd, Elyâs Khûrî, Rachîd al-Da'îf, Hanân al-Chaykh et Najwâ Barakât.

   Le Liban est le berceau du théâtre arabe. C'est à Beyrouth en 1848 que fut jouée la première pièce en langue arabe, montée par Mârûn al-Naqqâch. Les premières troupes émigrèrent en Égypte, où elles contribuèrent largement à développer un théâtre arabe. Suhayl Idrîs et Tawfîq Yûsuf 'Awwâd proposèrent un théâtre symboliste, auquel 'Isâm Mahfûz oppose un théâtre politique, défiant la censure et refusant la langue littéraire.