Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Révolution culturelle

Mouvement politique chinois orchestré par Mao Zedong, qui dura de 1966 à 1976, et dont l'influence sur les arts, la littérature et les sciences humaines fut catastrophique. Toute création personnelle, toute publication de livres ou de revues furent prohibées ; la plupart des écrivains furent harcelés, humiliés, torturés. Beaucoup furent « rééduqués » dans les dures écoles du 7 Mai, à la campagne, et interdits d'écriture (Ai Qing, Ba Jin, Ding Ling, Qian Zhongshu, Wu Zuguang) ; d'autres, et non des moindres (Lao She, Zhao Shuli, Wu Han), persécutés, moururent. Toute une génération, privée de culture et d'enseignement, écoles et universités closes, fut systématiquement décervelée : il n'y eut plus d'autre nourriture intellectuelle que les œuvres de Mao, les classiques du marxisme, les romans politiquement corrects de Hao Ran et les « pièces modèles » (yangbanxi) sous le contrôle de Jiang Qing.

Revueltas (José)

Écrivain mexicain (Durango 1914 – Mexico 1976).

Son œuvre romanesque (les Murs d'eau, 1941 ; Dans quelque vallée de larmes, 1956 ; les Raisons de Caïn, 1957 ; les Erreurs, 1964), centrée sur les problèmes sociaux et nourrie d'expériences personnelles, a ouvert par la nouveauté des thèmes et de la technique une voie féconde à la littérature de son pays. Influencé par l'existentialisme, le Deuil humain (1943), son meilleur roman, est une réflexion sur la mort, la révolution et l'identité mexicaines.

Rexroth (Kenneth)

Écrivain et peintre américain (South Bend, Indiana, 1905 – Montecito, Californie, 1982).

Cofondateur, avec Ginsberg et Ferlinghetti, du San Francisco Poetry Center, son nom a d'abord été associé à celui de la beat generation. Sa poésie (Quelle heure ?, 1941 ; le Phénix et la tortue, 1944 ; le Dragon et la licorne, 1952 ; Une ferme du nom de Damas, 1963 ; Ciel Mer Oiseaux Arbres Terre, 1972), où se manifestent le goût des poètes grecs et japonais (qu'il a traduits) et la pratique des surréalistes. Ses essais, intellectuels et humanistes (Un oiseau de la forêt, 1959 ; Essais, 1962 ; les Classiques revisités, 1968 ; la Société alternative, 1970), témoignent de son aptitude à recueillir et à interpréter les influences dominantes de la modernité.

Reyes (Alfonso)

Écrivain mexicain (Monterrey, Nuevo León, 1889 – Mexico 1959).

Son itinéraire de penseur et d'écrivain exerça une influence déterminante sur l'orientation intellectuelle de son pays et de toute l'Amérique latine. Il publia dès 1905 ses premiers sonnets et collabora à des revues. En 1907, il prononça des conférences sur l'esthétique classique, les premières d'une série qui ne s'achèvera qu'à sa mort, et participa à l'Ateneo de la Juventud, centre culturel où dominait l'influence de P. Henriquez Ureña et de José Vasconcelos. Les troubles de la révolution et la mort de son père motivèrent son séjour à Paris : il y subit l'influence de Maurras, de Barrès et de Paul Fort, et se fit connaître par la publication de nombreux articles. Le début de la Première Guerre mondiale le contraignit à gagner Madrid, où il rencontra Bergson et composa un essai en quatre parties qui le rendit célèbre, Vision de l'Anáhuac (1917), soulignant la continuité, des origines jusqu'à l'époque moderne, de la sensibilité mexicaine. De retour au Mexique (1924), il fut ensuite nommé ambassadeur à Paris, à Buenos Aires et à Rio de Janeiro. Avant sa publication complète (1955-1968), la plus grande partie de son œuvre avait paru dans de nombreuses revues d'Amérique ou d'Europe. Le Plan oblique (1920) est une série de dialogues et de sketches. L'œuvre lyrique (Trace, 1922 ; Iphigénie cruelle, 1924 ; Pause, 1926 ; 5 presque sonnets, 1931 ; Autre Voix, 1936) révèle l'influence du Parnasse, puis celle de Mallarmé et de Góngora. L'œuvre critique, souvent conçue comme une autre forme de poésie en prose, concerne la littérature espagnole (Questions gongoriennes, 1927 ; les Vipères de l'Espagne, 1937 ; Chapitres de littérature espagnole, 1939-1945), la littérature classique antique et l'esthétique. Traducteur de Sterne, de Chesterton et de Tchekhov, il a également dirigé les éditions de Ruiz de Alarcón, de Lope de Vega, de Gracían, de l'archiprêtre de Hita et de Quevedo.

Reyes (Salvador)

Écrivain chilien (Copiapó 1899 – Santiago 1969).

Il se fit connaître par un recueil de poèmes (Bateau ivre, 1923) et des contes (le Dernier Pirate, 1925), inspirés par la mer et la vie des ports, thème central de son œuvre en prose, caractérisée par la fantaisie, l'exotisme et la recherche de la modernité (Routes de sang, 1935 ; Mónica Sanders, 1951 ; les Amants désunis, 1959 ; l'Incendie de l'arsenal, 1964). Diplomate à Paris, à Madrid, à Barcelone et à Rome, il a laissé des récits de voyage.

Reyles (Carlos)

Écrivain uruguayen (Montevideo 1868 – id. 1938).

Le monde paysan uruguayen lui inspira l'essentiel de son œuvre romanesque : Beba (1894), relation naturaliste de la vie dans une hacienda ; la Race de Caïn (1900), analyse psychologique ; Académies (1901), brefs récits appartenant au courant moderniste ; le Terroir (1916) et le Gaucho élégant (1923), portrait fidèle des types gauchesques. Un séjour en Espagne lui inspira des contes et un roman (l'Ensorcellement de Séville, 1922).

Reymont (Władysław Stanisław)

Écrivain polonais (Kobiele Wielkie 1867 – Varsovie 1925).

Fils d'un organiste de village, tour à tour apprenti tailleur, acteur ambulant, novice à Jasna Góra, médium, surveillant des voies de chemin de fer, sans avoir jamais fréquenté l'école, il se cultive seul, lit beaucoup de traductions (il ne connaît aucune langue étrangère). Installé à Varsovie (1893), il envoie ses premières nouvelles à des journaux, parmi lesquels Głos, qui le charge de suivre un groupe de pèlerins de Częstochowa : son récit, Pèlerinage à Jasna Góra (1895), le fait connaître. Deux romans, Une comédienne (1896) et Ferments (1897), brossent un tableau de mœurs qui porte la marque du décadentisme de la Jeune Pologne naissante. Ils dépeignent le désenchantement d'une héroïne trop rêveuse dans un théâtre misérable d'abord, dans un manoir de hobereaux ensuite. Dès cette époque, Reymont affirme sa préférence pour le monde paysan qu'il connaît bien, qu'il valorise à l'instar des auteurs de la Jeune Pologne. Paradoxalement, il l'exprime dans un roman sur l'industrialisation naissante. Écrit sur commande, la Terre promise (1897-1899) devait être une œuvre à la gloire du progrès technique, et chanter la vertigineuse industrialisation de Lódź. Reymont y dépeint un milieu d'arrivistes malhonnêtes, prompts au crime et la misère du prolétariat arrivé de la campagne et désormais sans repères. Il reçoit le prix Nobel (1924) pour les Paysans (1902-1909), son chef-d'œuvre. À travers trois récits qui s'enchevêtrent (une année du village de Lipce avec ses travaux rythmés par les saisons, la vie quotidienne des paysans avec leurs soucis, leurs fêtes et leurs deuils, et la saga tragique et passionnée de la famille Boryna), le romancier crée une atmosphère de fruste grandeur. De magnifiques tableaux de la nature, de moins en moins marqués par le style artiste de la Jeune Pologne, des portraits d'un pittoresque sans gratuité, une langue paysanne à laquelle sa stylisation confère une particulière noblesse et d'extraordinaires mouvements de foules font de ce roman un « long poème » épique. En marge du courant littéraire de la Jeune Pologne à laquelle il n'a jamais pleinement appartenu, mêlant l'observation réaliste et le symbole, à la fois naturaliste et esthète, Reymont reste, à l'aube du XXe s., l'irremplaçable chantre d'une Pologne paysanne.