Grande-Bretagne (suite)
Le déclin de l'après-guerre
En 1945, provincialisée par la culture américaine, l'Angleterre est aspirée par les médias : tourbillon de signes dont ne surgit aucune image. La littérature en sort amoindrie. Sir Winston Churchill (1874-1965), plus connu pour son action à la tête du gouvernement britannique que pour ses dons de plume, reçoit un étonnant prix Nobel de littérature en 1953. La gauche poétique retrouve la vérité des conflits intérieurs, et même les voix nouvelles paraissent vieillottes. Croyant sacrifier intelligemment à l'anti-intellectualisme, l'Angleterre se dérobe aux mythes. Reste la frustration des « Jeunes Gens en colère », la violence des poètes, d'une tendresse désespérée (Dylan Thomas) ou du déchirement intérieur (Ted Hughes). L'ombre de dérision suit de près toutes ces violences où les catholiques, de plus en plus influents, voient la résurgence du Mal éternel (G. Greene, A. Burgess). La fascination pour la cruauté (Fowles), voire pour le cannibalisme (Golding), gagne. L'Angleterre n'a même plus l'énergie d'aimer son désespoir. Même l'angoisse sonne creux et tourne à l'absurde (Beckett, Pinter). Sous le glacis de normalisation qui coagule la culture occidentale, l'Angleterre ressasse son crève-cœur de survivant.
Le réveil post-moderne
Mais, depuis les années 1980, le courant postmoderne revitalise la littérature anglaise : de nouveaux venus comme Peter Ackroyd, Martin Amis, Julian Barnes, Ian McEwan ou Graham Swift font couler un sang-neuf dans le roman britannique. L'écriture féminine ou féministe brille sous la plume d'Angela Carter, de Caryl Churchill, de Jeanette Winterson ; A.S. Byatt fait revivre l'Angleterre des années 1950 à 1970 ou entrelace brillamment l'époque victorienne avec la fin du XXe siècle. L'Écosse fait son retour en force, avec Iain Banks, Alasdair Gray, James Kelman, Janice Galloway, William McIlvanney et le très médiatique Irvine Welsh. Les anciennes colonies contribuent également à cette effervescence : Salman Rushdie, Hanif Kureishi, Kazuo Ishiguro, Timothy Mo... Un nouveau théâtre de la cruauté fait son apparition (Howard Barker, Sarah Kane). Ce bouillonnement culturel se prolonge dans le domaine de la création artistique, lorsque le monde entier se laisse fasciner par l'insolence des « Young British Artists » des années 1990.
La littérature enfantine
Enfin, il serait injuste de passer sous silence la contribution majeure de la Grande-Bretagne dans un domaine particulier : la littérature enfantine, d'une richesse fascinante.
Au XVIIIe siècle, les pédagogues remettent à l'honneur l'héritage ancestral des « nursery rhumes », ces comptines dont l'origine remonte parfois au Moyen Âge, qui accompagnent les jeux des enfants et leur initiation au monde. C'est sur ce fond culturel commun que s'appuie Lewis Carroll pour en donner des versions subtilement parodiques ou subversives dans les aventures de son Alice. Les auteurs britanniques créeront dans son sillage une littérature enfantine de qualité, en pariant tantôt sur une douce absurdité qui oppose le monde des enfants à celui des adultes (c'est à Pamela Travers [1906-1996] qu'on doit la série des Mary Poppins, 1934-1975), tantôt sur un bestiaire plaisamment humanisé. L'Écossais Kenneth Grahame (1859-1932) s'est rendu célèbre avec le Vent dans les saules (1908), utopie pastorale où la société animale calque la société humaine. Beatrix Potter (1866-1943) charme la Belle Époque avec les aventures de héros tels que les lapins Peter Rabbit ou Benjamin Bunny, le canard Jemina Puddle-Duck auxquels les enfants s'identifient aisément. On doit à Alan Alexander Milne (1882-1956) un classique : Winnie l'Ourson (1926) ; c'est Michael Bond (né en 1926) qui crée en 1960 le personnage de l'ours Paddington. Avec quelques centaines de romans destinés aux jeunes adolescents (le Club des Cinq, le Clan des Sept), la prolifique Enid Blyton (1897-1968) domine le XXe siècle, mais elle est aussi la créatrice d'un personnage qui ravit les tout-petits : Oui-Oui. Enfin, dans les années 1990, l'Anglaise J.K. Rowling devient un véritable phénomène dans le monde de l'édition, avec le succès planétaire du personnage Harry Potter, le jeune sorcier.