Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
L

Leopold (Jan Hendrik)

Poète hollandais (Bois-le-Duc 1865 – Rotterdam 1925).

La surdité, qui l'isola du monde, fit de son lyrisme, longtemps dédaigné, un art tout de méditation, marqué par son attirance pour la philosophie spinoziste et le mysticisme oriental (Chéops, 1915 ; Vers, 1926). Il a laissé une traduction des quatrains d'Omar Khayyam.

Lepik (Kalju)

Poète estonien (Koeru 1920 – Tallinn 1999).

Émigré en Suède en 1944, il fut l'un des premiers modernistes estoniens de l'après-guerre. Sur un mode tantôt léger, tantôt sombre, son œuvre se déploie autour de la douleur centrale de l'exil et de la patrie perdue. Jouant à réinterpréter avec humour les motifs et les formes de la poésie populaire (la Carrière, 1958), il utilisa également le vers libre pour composer des poèmes plus complexes, caractérisés par de nombreuses répétitions, des images vigoureuses et des associations d'idées surprenantes (Champ de sang, 1973 ; les Hommes de verre, 1978 ; les Villages disparus, 1985).

Lepoitevin de L'Égreville (Auguste) , dit aussi Lepoitevin Saint-Alme, Viellerglé et Prosper

Journaliste et écrivain français (Paris 1791 – id. 1854).

Il publia sous pseudonymes (A. de Viellerglé) des romans (les Deux Hector, Charles Pointel, 1820-1821), notamment avec Balzac (l'Héritière de Birague ; Jean Louis, 1822), donna des pièces historiques (Paoli, 1822) et des comédies. Il fonda le Corsaire-Satan et un journal populaire, la Liberté (1848).

Lera (Ángel María de)

Journaliste et écrivain espagnol (Baides 1912 – Madrid 1984).

Romancier, il décrit la vie des bidonvilles de Madrid (les Oubliés, 1957), l'existence lamentable des apprentis toreros (les Clairons de la peur, 1958) ou la nostalgie des travailleurs espagnols émigrés (Nous avons perdu le soleil, 1963). S'il évoque la guerre civile (Derniers Étendards, 1967), c'est aussi pour jeter un regard sur son enfance.

Lermontov (Mikhaïl Iourevitch)

Écrivain russe (Moscou 1814 – Piatigorsk, Caucase, 1841).

Orphelin de mère, il est élevé dans la propriété de sa grand-mère, qui le tient éloigné de son père. Il entre en 1827 à la Pension noble de Moscou, où il s'enthousiasme avec ses condisciples pour la poésie du jeune Pouchkine, celle des poètes décabristes et les idéaux qui l'inspirent. Il écrit ses premiers poèmes, les Tcherkesses et le Prisonnier du Caucase (vers 1828). Lorsque Nicolas Ier ferme cette institution trop libérale en 1830, il poursuit ses études à l'Université, d'où il est exclu en raison de ses prises de position contre certains professeurs conservateurs. En 1832, il entre dans les hussards de la garde. Il continue cependant d'écrire, travaille au Démon et termine Hadji Abrek (1833). Affecté comme officier à Tsarskoïe Selo, il découvre la vie mondaine, qui lui inspire la pièce Un bal masqué (1835) et un roman inachevé, la Princesse Ligovskaïa (1836). Il réagit à la mort de Pouchkine par des vers violents contre son meurtrier (la Mort du poète, 1837), ce qui lui vaut d'être envoyé au Caucase comme simple soldat. Mais son poème l'introduit à la direction du Contemporain, journal de Pouchkine, où il publie un poème, Borodino (1837). Le Caucase exerce sur son caractère et sur son œuvre une influence énorme. Il revient à Saint-Pétersbourg, termine son Démon (1841), collabore à la revue les Annales de la patrie, où paraissent des récits qui entreront dans Un héros de notre temps (Bella, Taman, le Fataliste, 1939), et fréquente le milieu littéraire et les salons. Il reste cependant un esprit frondeur et, à la suite d'un duel avec le fils de l'ambassadeur de France, il est arrêté et à nouveau exilé, cette fois avec exclusion de la garde et à un endroit dangereux du Caucase, alors que Un héros de notre temps (1839-40) est publié et obtient un grand succès. Il prend part à des combats sanglants, qu'il décrit dans ses poèmes. En 1840 paraît un recueil de ses vers, pour lequel il n'a retenu qu'un petit nombre de poèmes. Un duel, provoqué par une querelle avec son camarade Martynov dans des conditions assez obscures, met fin brutalement à la carrière du plus « pictural » des romantiques (il était un excellent dessinateur amateur).

L'œuvre

Les grands poèmes romantiques

Comme tous les poètes de sa génération, Lermontov subit l'influence des grands romantiques ; celle de Byron est particulièrement sensible dans les premières versions du Démon, commencé en 1828, achevé dix ans plus tard mais interdit à la publication pour son caractère antireligieux. Le poème (poema, c'est-à-dire récit en vers) prend pour sujet l'amour d'un ange déchu pour une jeune Géorgienne, Tamara. Perce le déchirement romantique, entre un orgueil qui condamne le héros à une solitude hautaine et un désir de réconciliation. Sur ce thème peu original, Lermontov a écrit un poème plein de sensualité et de douceur mélodique, inspirées par la beauté du Caucase. C'est au sein de cette nature sauvage que se déroule aussi l'action du Novice (Mtsyri, 1839) : enfant de montagnards recueilli par un monastère, le héros a la nostalgie de son milieu natal, qui brûle en lui comme une idée fixe ; en cela il est l'antithèse de la force négatrice incarnée par le Démon.

   Dans les poèmes de Lermontov dominent les états d'âme romantiques : le poète est en ce monde un exilé, qui ne peut connaître que la souffrance ; incapable de réaliser son idéal, il est amer et mélancolique. Il est seul, volontairement coupé de ses semblables, comme ce « Blanc voilier solitaire

   Dans la brume de la mer bleue... » (le Voilier, 1832).

   C'est que le poète n'a pas sa place dans la société, dans ce « pays de maîtres et d'esclaves » (Adieu, sale Russie, publié en 1890) – qu'il aime pourtant, « mais d'un amour étrange » (Patrie, 1841).

L'œuvre dramatique

Lermontov a écrit six pièces en vers mais, excepté le Bal masqué (1835), il s'agit d'œuvres de jeunesse. Le héros de ce drame a beaucoup de traits communs avec le Démon et avec Lermontov lui-même. Arbénine se sent incompris d'une société incapable de lui offrir le salut et contre laquelle il ne peut que se révolter.

L'œuvre en prose

Le héros désenchanté, cher à Lermontov : le Petchorine du Héros de notre temps (1839-1840) apparaît d'abord dans la Princesse Lougovskaïa (1836, publié en 1882). Personnage central d'un roman composé en fait de cinq nouvelles, il est « un enfant du siècle ». Bella, Maxime Maksimytch, Taman, la Princesse Mary, le Fataliste sont rassemblés sans ordre chronologique et donnent du héros une image d'abord vue de l'extérieur (par le récit d'un vieil officier), puis de l'intérieur (par le récit de Petchorine lui-même). Roman d'aventures, étude de mœurs, le livre pourrait s'appeler « le journal d'un séducteur », qu'un premier amour douloureux a rendu froid, cruel, dominateur, incapable d'éprouver un sentiment vrai. Si l'on veut reconstituer le cadre chronologique, l'action se déroule de 1827 à 1833 et retrace l'histoire d'un jeune officier exilé au Caucase après le complot décabriste. Chacune des nouvelles revient sur un épisode de la vie du héros. Dans Maxime Maksimytch, celui-ci retrouve en Perse son ancien chef, auquel il raconte une partie de sa vie ; c'est ce dernier qui, à sa mort, rassemble les récits pour raconter l'histoire d'une âme tourmentée et perdue par la solitude où la plonge son orgueil.

   Si Lermontov est considéré à juste titre comme le poète romantique russe par excellence, Un héros de notre temps représente une étape importante dans la formation du roman russe : l'intrigue et le cadre romantiques des nouvelles passent au second plan pour faire place au souci de l'analyse psychologique, qui ne concerne pas le seul héros mais touche tous les protagonistes des récits. Pour Gogol, Tolstoï, Tchekhov, la prose de Lermontov fut un modèle de perfection stylistique.