Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Godel (Vahé)

Écrivain suisse de langue française (Genève 1931).

Fils du linguiste Robert Godel (1902-1984) et d'une mère arménienne, il s'est toujours montré attentif aux potentialités secrètes du langage, qu'il a explorées, sans jamais se répéter, dans trois douzaines de livres : poésie (de Signes particuliers, 1969, à Et pour finir, 1997), récits (Exclu inclus, 1988 ; Vous, 1990 ; Un homme errant, 1997), romans (Ov, 1992 ; Arthur Autre ; 1994). Dans certains textes récents (Ici [ailleurs], 2000), sa prose reste obstinément a-thématique et son sens ne se laisse déterminer que par le geste langagier. Il est également l'auteur d'essais et de traductions de l'arménien.

Godwin (William)

Théoricien politique et écrivain anglais (Wisbech, Cambridgeshire, 1756 - Londres 1836).

Prêtre comme son père, il passa, corps et biens, au service de la Raison : Dieu évincé, reste la lumière intérieure. Époux de Mary Wollstonecraft, il inspire toute la « gauche » anglaise. Radical, il prône l'anarchie et l'abolition du mariage (Enquête sur la justice politique, 1793). Son roman Caleb Williams (1794) décrit la machine infernale qui transforme un innocent en coupable : un vieillard généreux mais maniaque qui va jusqu'au crime, un jeune homme reconnaissant et persécuté qui ne pourra aller jusqu'au bout de ses scrupules de conscience ; ces personnages faibles dans un monde injuste appellent une justice fondée sur la pitié et la raison. Saint-Léon (dès 1799) et les Vies des nécromanciens (1834) marquent le retour en force des préoccupations religieuses par le biais du fantastique.

Goes (Albrecht)

Écrivain allemand (Langenbeutingen, Wurtemberg, 1908 – Stuttgart 2000).

Restant à l'écart des écoles littéraires, ce pasteur protestant, ancien aumônier militaire pendant la Seconde Guerre mondiale, n'en avait pas moins une audience remarquable. Dans ses poésies (le Berger, 1934), ses pièces, ses essais (le Poète et son poème, 1966) et surtout ses récits, il s'engage pour les valeurs du christianisme et de l'humanisme, plus nécessaires que jamais dans un temps de violence et de persécution. Les souvenirs de la guerre et la tragédie des Juifs en Allemagne sont au centre d'œuvres comme Jusqu'à l'aube (1950) ou la Flamme du sacrifice (1954).

Goethe (Johann Wolfgang von)

Écrivain allemand (Francfort 1749 – Weimar 1832).

Fils d'une famille bourgeoise aisée, il commence très tôt à écrire. Ses études de droit le mènent à Leipzig, puis à Strasbourg (1770-1771), où Herder lui révèle Shakespeare, Homère, Ossian, la poésie populaire. Une brève idylle avec la fille du pasteur de Sesenheim rendra célèbre le nom de Frédérique Brion.

L'expérience de la cour

Licencié en droit, Goethe devient conseiller à la Cour suprême du Saint Empire à Wetzlar. Là, il s'éprend de Charlotte Buff. Mais elle est fiancée. Goethe s'efface. Le cœur meurtri, d'un seul jet, il écrit en un mois un court roman : les Souffrances du jeune Werther (1774). L'ouvrage a un succès prodigieux dans toute l'Europe. Au moment précis où Frédéric II, roi de Prusse, vient de dire qu'il n'y a pas de littérature allemande digne de ce nom, Goethe lui inflige le démenti le plus retentissant : l'Allemagne prend place dans la littérature universelle. Goethe s'essaie également au drame. Déjà, en 1773, il a publié une chronique historique dramatisée dans le style shakespearien, Goetz von Berlichingen. Il ébauche, entre autres, Prométhée, un premier Faust, commence Egmont, publie des tragédies en prose (Clavigo, 1774 ; Stella, 1776) et écrit des farces comme Satyros (1774) ou les Noces de Hanswurst (1775).

   À l'automne de 1775, il est invité à la cour de Saxe-Weimar pour y être l'ami, le confident, le collaborateur du jeune duc. Bien accueilli, il s'installe à Weimar où il restera jusqu'à la fin de ses jours, assumant des charges gouvernementales aussi diverses qu'accaparantes : guerre, finances, mines, ponts et chaussées ; par la suite, il se consacrera plus spécialement aux questions culturelles, notamment au théâtre de la cour, qu'il dirigera de 1791 à 1817. Il collectionne décorations et titres, sera anobli en 1782 et nommé ministre d'État en 1815. À Weimar, Goethe prend ses distances envers le Sturm und Drang, le préromantisme allemand, mais aussi vis-à-vis de la littérature en général. Attentif aux réalités, plus riches que toute fiction, il s'initie à l'administration, à l'exploitation minière, à la géologie, à la botanique. D'une femme de qualité, plus âgée que lui, Mme von Stein, il apprend la modération, la patience, le renoncement, la maîtrise de soi. Il vantera le mérite de ceux qui travaillent sans relâche à parfaire en eux-mêmes le type de l'humanité accomplie. Toute sa vie, il se méfiera de ceux qui aspirent à changer la face du monde. Ni en géologie, ni en biologie, ni dans le devenir des sociétés, il ne croit aux bouleversements : l'évolution se fait lentement, à petits pas. L'unité de mesure de l'échelle des temps, c'est la génération.

Le retour à l'écriture

Mais Goethe voit son temps s'émietter à Weimar dans des tâches subalternes. Il rompt sa chaîne (sept. 1786) et va passer deux ans en Italie, d'abord à Rome. Là, enfin, il vit : en touriste, en amateur éclairé, en homme de loisir. Il dessine, peint ; il lui revient l'envie d'écrire. Il récrit en vers son Iphigénie en Tauride, termine son Egmont et reprend plusieurs autres ébauches. De retour à Weimar, il termine le drame en vers Torquato Tasso (1789), publie un fragment du Faust (1790), et entreprend ses Élégies romaines. Il ne néglige pas pour autant ses travaux scientifiques, auxquels il attache la plus haute importance. Métamorphose des plantes, ostéologie et paléontologie, généalogie, minéralogie, météorologie, théorie de la perception des couleurs : dans tous ces domaines, il est bien plus qu'un dilettante. Sa découverte de l'os intermaxillaire, qui relie la lignée humaine aux lignées animales, le range au nombre des transformistes précurseurs de l'évolutionnisme de Darwin. Son activité scientifique se fonde essentiellement sur une critique de l'analyse newtonienne et du rôle des mathématiques, auxquelles il oppose une saisie directe de la nature et des formes organiques (il crée, en 1822, le mot morphologie). Depuis 1788, Christiane Vulpius (1765-1816) partage l'existence de Goethe : il l'épousera en 1806. Sur les cinq enfants qu'ils auront, seul survivra Auguste von Goethe (1789-1830). Aux côtés du duc de Weimar, Goethe participe en 1792-1793 à la Campagne de France. Goethe raconte avoir assisté à la bataille de Valmy et avoir dit ce soir-là : « De ce lieu, de ce jour commence une ère nouvelle de l'histoire universelle, et vous pourrez dire : j'y étais. » La même année, il écrit en hexamètres classiques l'épopée Renard le goupil en 12 chants.

   En 1795-1797, il publie les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister que certains considèrent comme le plus grand roman de langue allemande. Il est le modèle d'un nouveau genre, le Bildungsroman, le roman d'une éducation par la vie, l'aventure et l'expérience, ou comment un adolescent devient un homme fait. À cette époque, Goethe doit beaucoup à Schiller, de dix ans son cadet, qui vient de s'établir à Iéna, non loin de Weimar, comme professeur d'histoire à l'université (1788). Les dix années de leur amitié, de 1794 à la mort de Schiller en 1805, sont marquées, pour l'un comme pour l'autre, par une série d'œuvres littéraires achevées dont on suit l'élaboration dans leur correspondance. Ils fondent ainsi l'âge classique allemand, que définit et résume le nom de Weimar. Goethe écrit alors de nombreux poèmes, en particulier des ballades, ainsi que l'épopée bourgeoise Hermann et Dorothée (1797). Mais surtout il puise dans cette amitié la force de remettre en chantier et de terminer la première partie de Faust, qu'il publie en 1808. En 1809, le roman les Affinités électives ne connaît qu'un succès d'estime. De 1811 à 1822, Goethe fait paraître ses souvenirs d'enfance et de jeunesse sous le titre Poésie et Vérité. Il publie également ses souvenirs du Voyage en Italie (1816-1817) et de la Campagne de France, ainsi que les Années de voyage de Wilhelm Meister (1821-1829).

   Tout au long de sa vie, Goethe a, comme il dit, des « bouffées de puberté » à répétition : il traverse alors une phase d'expression lyrique. La première, c'est l'époque de ses idylles de jeunesse : il cultive un style lyrique simple et proche du lied populaire. La seconde, c'est à 37 ans, à l'occasion du séjour en Italie, où il découvre la sensualité de la nature méditerranéenne : ses Élégies romaines (1795) sont un chef-d'œuvre de la poésie classique. À 65 ans, une idylle encore lui inspire le cycle du Divan occidental-oriental (1819). L'Élégie de Marienbad (1823) reflète l'échec de son amour pour Ulrike von Levetzow.

   Le second Faust, auquel il travaille jusqu'à la veille de sa mort, couronne et résume l'œuvre de cette longue existence. Il représente ce qu'on peut appeler la sagesse de Goethe. Faust n'est plus un individu, c'est l'humanité elle-même dans sa séculaire aventure. Le second Faust (et à travers lui Goethe) se situe à l'articulation d'où surgit un monde moderne, à l'aube de la révolution industrielle. Né à l'ombre du médiéval Saint Empire, Goethe est à la fin de sa vie le contemporain des premiers chemins de fer.