Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Delavigne (Jean-François Casimir)

Écrivain français (Le Havre 1793 – Lyon 1843).

La gloire lui vint avec les Messéniennes (1818-1822), recueil d'élégies patriotiques qui lui valut une place de choix dans la constellation « libérale » d'alors. Comme nombre de libéraux, il se rallie au roi-citoyen, dont il chanta l'avènement dans la Parisienne. Mais c'est au théâtre qu'il connut une gloire durable, en montrant un goût constant tant pour l'innovation modérée (les Vêpres siciliennes, 1819 ; Marino Faliero, 1829 ; Louis XI, 1832) que pour l'idéologie du juste milieu (l'École des vieillards, 1823 ; les Enfants d'Édouard, 1833 ; la Popularité, 1838). En tentant explicitement d'accorder Racine et Shakespeare, ses pièces allient le respect des normes classiques à un soupçon de modernisme  par l'usage de la couleur locale et de péripéties rocambolesques et mélodramatiques : système hybride qui lui permit de rester à mi-chemin des deux écoles en conflit et de devenir ainsi le héros de tous.

Delay (Florence)

Écrivain français (Paris 1941).

Fille de Jean Delay, elle est la quatrième femme élue à l'Académie française (2000). Depuis Minuit sur les jeux (1973), son œuvre se tient à l'écart des modes contemporaines, dans la lignée de la courtoisie médiévale et de la préciosité classique ou giralducienne. Elle y évoque ses temps et lieux de prédilection : Moyen Âge (Graal théâtre, 1977-1981, avec Jacques Roubaud), Renaissance (l'Insuccès de la fête, 1980), Pays basque (Etxemendi, 1990), Italie (Course d'amour pendant le deuil, 1986) ou Andalousie (Riche et légère, 1983, prix Femina). Mêlant provocation ludique et érudition raffinée, intelligence légère et sensibilité aiguë, goût pour la maîtrise et élan des émotions, cette amoureuse des marges cultive, dans la vie comme dans l'écriture, l'élégance et la Séduction brève (recueil d'articles, 1997). Elle incarne en 1962 Jeanne d'Arc pour Robert Bresson et travaille depuis pour le théâtre (avec Jean Vilar, Georges Wilson) et le cinéma (avec Chris Marker, Benoît Jacquot, Michel Deville).

Delbo (Charlotte)

Écrivain français (Vigneux-sur-Seine 1913 – Paris 1985).

Communiste, résistante, déportée à Auschwitz puis à Ravensbrück, elle laisse un témoignage majeur, sobre et grave, sur l'abomination concentrationnaire : le Convoi du 24 janvier, 1965 ; la trilogie Auschwitz et après (I. Aucun de nous ne reviendra, 1970 ; II. Une connaissance inutile, 1970 ; III. Mesure de nos jours, 1971) ; la Mémoire et les Jours, 1985, qui mêle récits et poèmes. Elle dénonça la guerre d'Algérie (les Belles Lettres, 1961), écrivit plusieurs pièces politiques dont la Sentence (1972, contre le régime franquiste), Maria Lusitania et le coup d'État (1975), Kalavitra des Mille Antigones (1979), ainsi qu'un dialogue imaginaire avec Louis Jouvet, dont elle fut la secrétaire, Spectres mes compagnons (1977) et un essai, la Théorie et la Pratique (1969).

Delécluze (Étienne)

Peintre et écrivain français (Paris 1781 – Versailles 1863).

Traducteur de Dante, romancier (Mademoiselle Justine de Liron, 1832), il est aussi l'auteur d'un Journal (publié en 1948) et de Souvenirs de soixante années (1862) qui fournissent un utile témoignage sur les salons littéraires de l'époque. Lui-même anima un cénacle de jeunes rationalistes nourris de classicisme qui prônaient le développement de l'esprit critique et l'ouverture sur la littérature étrangère, et traçaient ainsi la voie à l'esprit de la monarchie de Juillet.

Deledda (Grazia)

Romancière italienne (Nuoro 1871 – Rome 1936).

Son œuvre très vaste, couronnée en 1926 par le prix Nobel, s'inspire pour l'essentiel de sa Sardaigne natale. Après des débuts précoces et éclectiques, elle affirme son originalité dans la Voie du mal (1896), évocation du monde sarde à travers la beauté primitive de ses paysages et la sensibilité archaïque et tourmentée de ses héros. Élias Portolu (1903), souvent considéré comme son chef-d'œuvre, réunit ses principaux thèmes romanesques : rébellion impuissante contre l'injustice sociale, fatalité de la passion et de la faute, obsession de la culpabilité et de l'expiation. La Sardaigne bucolique, immémoriale et légendaire sert de décor à ses drames et leur confère la dimension du mythe et de la fable : dans Braises (1904), Des roseaux sous le vent (1913), Dans l'ombre, la mère (1920) et Ie Dieu des vivants (1922), le véritable protagoniste est un destin inexorable et implacable qui écrase les héros. La dernière phase de son activité, plus éloignée de la Sardaigne, est marquée par le charme de l'autoportrait esquissé dans Cosima (publié à titre posthume en 1939).

Delfini (Antonio)

Écrivain italien (Modène 1908 – id. 1963).

L'atmosphère provinciale de ses récits est toujours liée à l'humour et au fantastique qu'il a tirés de l'expérience du surréalisme, en particulier dans le court roman le Petit Feux de la Battimonda (1940), contenu dans le recueil de récits, Rosine perdue, 1957. Les nouvelles rassemblées dans le Dernier Jour de la jeunesse, 1938, sont également très intéressantes. Cette anthologie, dont l'Introduction, ajoutée à l'édition de 1956, est un précieux document, peut être considérée comme l'exemple le plus éloquent de la pensée et du style de Delfini.

Delibes (Miguel)

Écrivain espagnol (Valladolid 1920).

Avec Camilo José Cela et Gonzalo Torente Ballester, il est l'une des éminences de la littérature espagnole du XXe (prix Cervantès 1993). Il peint dans ses premiers romans, où le réalisme se teinte de poésie, la vie des petites gens de la Castille profonde (l'Ombre du cyprès s'étend très loin, 1947 ; Journal d'un chasseur, 1955), avant d'élargir son analyse à l'ensemble de la société dans des récits où il fustige l'intolérance religieuse ou politique (Cinq heures avec Mario, 1966 ; le Suffrage disputé de M. Cayo, 1978) et poursuit sa quête de l'homme espagnol exemplaire, héritier du paysan pur et bon, à travers, entre autres, l'exploration de la psychologie enfantine (le Chemin, 1950 ; les Rats, 1962), une fable rousseauiste (les Saints innocents, 1981), l'étude de la vieillesse (Lettres d'amour d'un sexagénaire voluptueux, 1983) et un texte largement autobiographique hanté par le spectre de la guerre civile (377 A. Étoffe de héros, 1987).