Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
E

Eliot (Thomas Stearns)

Poète anglais d'origine américaine (Saint Louis, Missouri, 1888 – Londres 1965).

Harvard, la Sorbonne, Oxford ; philosophie, psychologie, sanskrit, pali : dès son émigration, Eliot cherche une autre image de civilisation, un mythe vivant. À l'ombre de Laforgue (le Chant d'amour d'Alfred J. Prufrock, 1911), il dit la dévitalisation de l'homme des foules et la dérision d'une androgynie caricaturale. Ses essais (le Bois sacré, 1920) prônent le retour au lyrisme dramatique des élisabéthains et des « métaphysiques ». La Terre Gaste (1922) évoque le gel intérieur et la sécheresse spirituelle de la cité contemporaine, la dissolution des valeurs dont peut surgir le sursaut. Tenté par le fascisme naissant, Eliot raidit ses positions ; anglo-catholique, royaliste, partisan des rigueurs classiques, il revient aux extases désespérées (Mercredi des Cendres, 1930) . Quatre Quatuors (1935-1942) tentent la libération par l'adhésion au passé et à la tradition, à travers les quatre saisons du désespoir moderne : le jardin évanoui (Burnt Norton, 1935) ; le sentier de campagne (East Coker, 1941) ; la plage aux débris (les Dry Salvages, 1941) ; la guerre (Little Gidding, 1942). Sa tragédie lyrique, Meurtre dans la cathédrale (1935), célèbre le martyr d'une foi sans compromission et l'opposition entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel (Anouil s'intéressera au même sujet dans Becket ou l'honneur de Dieu). La Réunion de famille (1939), la Cocktail Party (1950) soumettent, avec moins de bonheur, la croyance à l'épreuve de la vie quotidienne, familiale et bourgeoise. Éditeur influent, excellent traducteur et introducteur de Saint-John Perse dans les pays anglo-saxons, collaborateur de The Egoist, fondateur de Criterion, prix Nobel en 1948, Eliot exerça une influence idéologique et critique considérable (Usage de la poésie, Usage de la critique, 1933 ; l'Idée d'une société chrétienne, 1939 ; Poésie et Théâtre, 1951). Son œuvre poétique demeure l'un des témoignages les plus vrais du désespoir de notre temps, même si l'ordre et la foi, censés y porter remède, n'emportent plus guère l'adhésion.

Élisabeth Charlotte de Bavière, dite Liselotte

Princesse et femme de lettres française (Heidelberg 1652 – Saint-Cloud 1722).

Fille de l'Électeur palatin du Rhin, elle épousa, en 1671, le frère de Louis XIV, Philippe d'Orléans, veuf d'Henriette d'Angleterre. Laide, brusque, mais intelligente, elle fut peu aimée à la Cour, où l'on craignait ses foucades et son esprit mordant : en témoignent ses Lettres dans lesquelles elle se montre féroce pour l'étiquette et l'hypocrisie de Versailles, le tout dans un style qui, dans son caractère abrupt, ne manque pas d'originalité.

élisabéthain (théâtre)

Il n'y avait qu'un théâtre à Londres en 1576 ; il y en a dix-huit à la mort d'Élisabeth Ire (1603). Entre 1580 et 1642, année de la fermeture des théâtres par les puritains, plus de mille pièces sont « enregistrées ». Grâce au patronage de la Cour et des Grands, les acteurs atteignent une notoriété renforcée par le ralliement de la frange humaniste et hérétique de l'Université et des musiciens. Prodigieux atelier collectif – dont le répertoire paraîtra barbare aux hommes de culture et haïssable aux bourgeois, le plus souvent ridiculisés (sauf dans Arden de Faversham et chez Dekker) –, nationaliste, antipapiste, antisémite, le théâtre élisabéthain exalte d'abord la victoire du pouvoir central, qui met fin à la guerre des frères ennemis. Le courant s'assombrit en fin de règne : l'anarchie féodale menace à nouveau. Ambition et trahison prennent des dimensions tragiques. Vengeance, amour, folie menacent l'ordre si fragile, mais disent aussi le désordre de la volonté de puissance et l'insignifiance du pouvoir. Le parallélisme rigoureux entre ordre civil, ordre cosmique et ordre intérieur, permet, sous l'influence du calvinisme, du catholicisme  et de l'hermétisme, le dépassement de la psychologie, où le personnage est dominé par une « humeur » exclusive, vers l'analyse conflictuelle du « caractère »  : le tragique de la liberté succède au tragique du destin, tandis que l'aspiration surhumaine débouche sur la terreur et la désillusion faustiennes, qui emprunteront le langage de Sénèque (violence, atrocités, lyrisme cosmique, suicide). L'ordre, compromis par tout acte perturbateur, se rétablit soit par l'expulsion d'un émissaire comique ou tragique, soit par un rétablissement « providentiel ». Drames, carnavals, dissonances, les comédies romanesques remettent en perspective le pastoralisme de cour (euphuisme) pour ordonner les « saisons de l'âme », concilier l'homme avec ses rôles, assurer la dissolution ou l'expulsion du monstrueux et le triomphe de la musique des sphères.

Elísio (Francisco Manuel do Nascimento, dit Filinto)

Écrivain portugais (Lisbonne 1734 – Paris 1819).

Son œuvre comprend de nombreux poèmes classiques (odes, épîtres, épigrammes), mais il défendit, dans sa lettre De l'art poétique portugais (1816), le vers blanc, libéré de la rime, s'opposant in fine à l'Arcadie lusitanienne. Évocateur de la vie quotidienne, chantre des luttes pour la liberté, il fut dénoncé à l'Inquisition après la chute de Pombal, et finit ses jours à Paris.

Elkin (Stanley Lawrence)

Écrivain américain (New York 1930 – Saint-Louis, Missouri, 1995).

Humoristique ou fantastique, son œuvre évoque l'envers du rêve américain (ambition, succès, richesse) avec Boswell (1964), Un sale type (1967), où un directeur d'un grand magasin se fait le saboteur de la société de consommation, Au commencement était la fin (1979) ou encore le Prêteur sur gages (1985).

Ellan-Blakitnyï (Vassyl Mykhaïlovytch)

Écrivain ukrainien (Kozly 1894 – Kharkiv 1925).

Lié au nationalisme « borotbiste » (1917-1920), il est en 1923 le fondateur de l'association littéraire prolétarienne Hart (Trempe) et publie des vers lyriques (Coups de marteau et de cœur, 1920), des satires de la contre-révolution (Raison d'État, 1924 ; Moutarde soviétique, 1925) et des articles théoriques, où il combat le nationalisme et défend les thèses de Lénine sur l'héritage culturel (Sans manifeste, 1924).