Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
H

Holan (Vladimír)

Poète tchèque (Prague 1905 – id. 1980).

S'inscrivant dans une tradition hermétique, Holan part de la poésie la plus subjective et la plus abstraite (l'Éventail en délire, 1926 ; Pierre, te voici, 1937) pour revenir à la réalité de son temps (Septembre, 1938) qu'il ne cesse pourtant de considérer dans une perspective esthétique et métaphysique (le Rêve, 1939 ; le Voyage du nuage, 1945). Accueillant avec enthousiasme l'Armée rouge (Remerciements à l'Union soviétique, 1945), il réfute bientôt l'idéologie en cours (Aux ennemis, 1948) et revient à sa méditation sur la condition humaine (Douleur, 1949-1953 ; Une nuit avec Hamlet, 1964 ; Un coq pour Esculape, 1966-1967).

Holappa (Pentti)

Écrivain finlandais de langue finnoise (Ylikiiminki 1927).

Sa carrière littéraire a connu une nette évolution. Dans les années 1950, la poésie d'Holappa se tourne vers le modernisme français (il est le premier auteur étranger à entrer dans la collection « Poésie Gallimard », les Mots longs, 1950-1994), puis ses romans oscillent entre réalisme et fantaisie. Portrait d'un ami, roman qui décrit l'amour de deux hommes dans la Finlande d'après-guerre, a reçu le prix Finlandia en 1998. Dans les années 1980, ses poèmes seront conçus comme moyen de scruter l'individu à la manière d'un biologiste. Depuis 1990, c'est l'entreprise autobiographique qui domine.

Holbach (Paul Henri Thiry, baron d')

Philosophe français (Heidelsheim, Palatinat, 1723 – Paris 1789).

Il traduit des traités scientifiques anglais et allemands qui alimentent l'Encyclopédie, et fait éditer en Hollande des manuscrits clandestins antireligieux. Il compose une somme matérialiste, le Système de la nature (1770), résumée dans le Bon Sens ou Idées naturelles opposées aux idées surnaturelles (1772). Le Système social (1773), l'Éthocratie et la Morale universelle (1776) exposent un déterminisme athée qui s'unit à un réformisme prudent en politique.

Holberg (Ludvig)

Écrivain danois d'origine norvégienne (Bergen 1684 – Copenhague 1754).

Il parodie dans Peder Paars (1719-20) la poésie épique classique : son Énée est un brave commerçant naviguant entre les îles danoises accompagné d'un serviteur qui n'est pas sans rappeler Sancho Pança ; le succès fut tel que le comédien français Montaigu demanda à l'auteur un répertoire danois pour le théâtre qu'il ouvrit en 1722 à Copenhague. Holberg reprend des situations de la comédie italienne et crée des équivalents danois à Arlequin et Colombine. D'abord auteur satirique, c'est dans la vie quotidienne que sont ancrées ses comédies ; fidèle tenant de la raison, il recense les folies dont sont agités les hommes – ainsi de Jeppe de la montagne, comédie (1722-23) dont le thème, inspiré de la farce italienne est repris par Shakespeare dans son prologue de la Mégère apprivoisée. Enlevé ivre, sur le bord de la route, par un baron facétieux qui le fait porter dans son lit, Jeppe, paysan naïf et paresseux, se prend au jeu et devient tyrannique. Rendu à son état premier, il lui faudra se résigner à retrouver sa modeste condition. Erasmus Montanus (comédie publiée en 1731, représentée en 1747) montre un jeune paysan, qui, après s'être frotté aux écoles de la ville, scandalise son village par son pédantisme et sa science trop neuve : il retrouve parents, amis et fiancée, lorsqu'il consent à proclamer que la Terre est plate et immobile. Ses connaissances trop vite apprises se perdent au contact de la trivialité du quotidien.

   C'est en latin, pour atteindre un public européen, qu'Holberg écrit, à l'exemple des ouvrages de Thomas More ou de Swift, son Voyage souterrain de Niels Klim (1741) : Niels, dans les entrailles de la Terre, évolue parmi des êtres dont les plus doués sont ceux qui ont l'esprit le plus lent. Ce renversement permet la mise en cause de toutes les valeurs.

Hölderlin (Friedrich)

Poète allemand (Lauffen 1770 – Tübingen 1843).

Issu d'une lignée de pasteurs luthériens, il était dès l'enfance destiné à embrasser la carrière pastorale. Après de fortes études classiques et théologiques au grand séminaire de Würtemberg, il perd la foi et se fait précepteur. En France éclate la Révolution, dont il espère qu'elle gagnera l'Allemagne. Il compte y participer à sa façon, en prêchant la religion nouvelle, qui sera la religion poétique. Le lyrisme ne touchant qu'un public restreint, il entreprend un roman lyrique par lettres, Hypérion ou l'Ermite de Grèce, d'abord publié en fragments dans la revue Italia en 1794, et destiné à populariser ses idées, ses visions d'avenir. Il va de préceptorat en préceptorat, en Thuringe d'abord, puis à Francfort, dans la famille du banquier Gontard. Là, il s'éprend de la femme du banquier, Susette : c'est elle qu'il chantera sous le nom de Diotima, la prêtresse qui, dans le Banquet de Platon, instruit Socrate du caractère divin de l'amour. C'est pendant cette période heureuse qu'il achève et publie la version définitive d'Hypérion (1797-1799) : le héros, Hypérion (du nom d'un Titan de la mythologie classique), est un jeune Grec, né vers 1750, qui veut libérer sa patrie du joug turc et y instaurer une communauté généreuse, ayant retrouvé le sens de la nature et du sacré, inspirée de ce que rêvait la Révolution française à ses débuts ; la femme aimée, Diotima, partage son enthousiasme. Hypérion prend part à des combats de partisans, est grièvement blessé à la bataille de Tchesmé (1770). À la suite de l'échec de ses aspirations et de la mort de Diotima, il se retire dans une île où il vit en ermite, au rythme des saisons, à la recherche d'une sagesse plus contemplative. La situation devenant intenable, dans la famille de Gontard, Hölderlin va s'installer chez son ami Isaac von Sinclair. Là, il travaille à un drame philosophique sur Empédocle, le philosophe grec qui s'est jeté dans le cratère de l'Etna : les circonstances ne permettront à aucune des trois versions qu'il en entreprend d'aboutir à une œuvre achevée.

   Il devient de nouveau précepteur, en Suisse puis à Bordeaux (1802). De là, il revient à l'improviste pour apprendre la mort de Susette, qui n'a pas supporté la séparation. Éperdu de chagrin, il se retire du monde, ne veut plus voir personne et se voue entièrement à son œuvre lyrique. Sinclair l'accueille à Homburg une seconde fois ; mais il est impliqué dans une conspiration, Hölderlin étant dénoncé comme complice. On n'évite au poète d'être incarcéré à son tour qu'en le faisant passer pour malade mental et irresponsable. Sa mère le fait transférer de force dans une clinique où le traitement qu'on lui inflige achève de le briser. Il en sort pour prendre pension chez un menuisier, Zimmer, dont la famille l'accueille comme l'un des siens. Il y restera trente-six ans, jusqu'à sa mort, menant une existence d'ermite replié sur lui-même.

   Outre le roman Hypérion, les ébauches du drame Empédocle, des traductions originales de Pindare et de Sophocle, Hölderlin laisse une œuvre lyrique monumentale. Se modelant dans sa jeunesse sur la mystique de Klopstock et l'idéalisme de Schiller, il consacre une série d'hymnes à la Liberté, à l'Harmonie, à la Beauté, à l'Amitié et à l'Amour. Puis il pratique l'ode classique à l'instar d'Alcée et d'Horace, en strophes de quatre vers à la métrique rigoureuse. Survient l'expérience de la passion vraie, divine et déchirante. Il retrouve le sens et la raison d'être du distique élégiaque. Après l'Archipel (1800), hymne en hexamètres, il inaugure dans une nouvelle série de grands hymnes, le Rhin, le Pain et le Vin, Patmos, un rythme libre imité de Pindare, dont se réclamèrent en France aussi bien les poètes de la Pléiade que Saint-John Perse. De Pindare il retrouve la densité, le sens du sacré, l'élan visionnaire, la puissance de l'image pour annoncer, en termes mystérieux, la venue d'un Christ nouveau, frère de Jésus, d'Héraclès et de Dionysos.