Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Bayeux (discours de), (suite)

Il n'y a là ni bonapartisme ni même présidentialisme, mais le prestige personnel du général de Gaulle inquiète. La gauche s'indigne. Le MRP préfère négocier avec la SFIO la Constitution qui sera adoptée en octobre suivant. Le discours de Bayeux reste donc sans effet immédiat, même s'il servira à l'élaboration de la Constitution de 1958, et inspirera en partie le projet de réforme du Sénat et des Régions, rejeté lors du référendum de 1969.

Bayeux (tapisserie de),

toile de lin brodée de laines polychromes contant la conquête de l'Angleterre par les Normands de Guillaume le Conquérant, en 1066.

 Improprement attribuée à la reine Mathilde, épouse de Guillaume, cette « telle d'ymages et escripteaux » a probablement été exécutée dans un atelier monastique de Cantorbéry à la demande d'Odon, demi-frère du duc bâtard et évêque de Bayeux. Sans doute exposée au public lors de la dédicace de la cathédrale romane le 14 juillet 1077, cette longue et étroite bande (68,30 m X 0,50 m) sert à légitimer l'accession de Guillaume au trône d'Angleterre autant qu'à répandre sa gloire chez ses sujets normands. En cinquante-huit séquences titrées en latin, la tapisserie montre comment Harold, passant outre la volonté du roi Édouard et reniant le serment prêté sur les reliques bajocasses, usurpa le titre de rex Anglorum. La bataille de Hastings n'apparaît plus alors que comme le châtiment, humain autant que divin, d'un parjure. Dès lors, le récit brodé rejoint la chanson de geste et sa structure manichéenne : aux bons Normands que guide le noble Guillaume en respect de la volonté du roi Édouard (qu'on montre pieusement enterré en « l'église de Saint-Pierre-Apôtre ») s'opposent Harold le félon et ses Saxons impies (lors de son intronisation, il est béni par l'archevêque Stigant, que le pape avait excommunié).

Chronique historique autant que récit épique, chef-d'œuvre d'art visuel, cette « Toilette du duc Guillaume », ainsi que l'appelèrent ses premiers analystes au XVIIIe siècle, est aussi un témoignage vivant du monde médiéval au lendemain de l'an mil.

Bayle (Pierre),

philosophe, érudit et moraliste (Le Carla, comté de Foix, aujourd'hui, Carla-Bayle, 1647 - Rotterdam 1706).

L'itinéraire philosophique de Pierre Bayle exprime la crise de la conscience européenne de la seconde moitié du XVIIe siècle. Fils de pasteur, de confession protestante, il est menacé par la monarchie de Louis XIV. Mais, refusant de contester radicalement l'absolutisme et favorable à une religion modérée, le philosophe est également attaqué par les théologiens calvinistes alors qu'il défend la tolérance religieuse.

En rupture avec le milieu réformé, il se convertit au catholicisme à l'âge de 21 ans, sous l'influence des jésuites du collège de Toulouse. Mais, peu après, il se confesse auprès de quatre pasteurs, dont son frère Jacob, et se réconcilie avec la religion de sa famille. Considéré désormais comme relaps, il doit s'exiler. Il se fixe en 1675 à Sedan, où il enseigne la philosophie, dans la célèbre académie protestante de la ville, jusqu'à sa fermeture par Louis XIV, en 1681. Il quitte alors définitivement la France pour s'établir à Rotterdam. Il se consacre à l'enseignement et à la publication de ses écrits, stigmatisant les superstitions qui subsistent dans les pratiques chrétiennes (Lettre sur la comète, 1682). Entre 1684 et 1687, il diffuse une revue littéraire, les Nouvelles de la République des lettres, qui connaît un succès européen. À partir de 1695, il publie un Dictionnaire historique et critique, avec l'intention de corriger les opinions fausses véhiculées à travers l'histoire et consignées notamment, selon lui, dans le dictionnaire historique de l'abbé Moreri (1674). Il en résulte une critique érudite et sèche, mais aussi une dénonciation des préjugés qui provoquent, par exemple, les chasses aux sorcières. Son examen des hérésies aboutit à une relativisation des religions révélées et à la condamnation de toute forme de fanatisme. La raison n'étant pas capable de répondre au paradoxe de l'origine du mal dans un monde créé par un Dieu à la fois infiniment bon et tout-puissant, Bayle réserve les choses spirituelles à la singularité de la foi. Si bien que, dans la Continuation des pensées diverses (1704), le philosophe manifeste une tolérance universelle, au point de reconnaître aux athées une morale sociale. Bien qu'interdit en France et critiqué par le théologien calviniste Pierre Jurieu, héros de la résistance protestante, le Dictionnaire est publié jusqu'en 1702, atteignant seize volumes. La pensée paradoxale de Bayle explique que les philosophes des Lumières l'aient considéré comme un agnostique masqué, alors que l'historiographie récente le définit plutôt comme un fidéiste sincère.

Bazaine (François Achille),

maréchal de France (Versailles 1811 - Madrid 1888).

Officier sorti du rang, Bazaine doit son avancement à des états de service exemplaires en Algérie et en Espagne. Après avoir participé comme général à la guerre de Crimée (1855) et à la guerre d'Italie (1859), il est élevé à la dignité de maréchal de France en 1864, lors de l'expédition au Mexique. Mais l'échec final de cette entreprise retarde quelque temps son ascension. Finalement, c'est sous la pression de l'opposition que Bazaine reçoit, en 1869, le commandement de la Garde impériale. Au début de la guerre de 1870, Napoléon III le nomme à la tête du 3e corps d'armée, et commandant en chef des armées impériales après les premières défaites. Toutefois, mal préparé aux conditions nouvelles de la guerre, Bazaine se laisse enfermer dans Metz avec 180 000 hommes et 1 400 canons. Ne cherchant pas à briser l'encerclement prussien, il reste étrangement inactif, puis semble même vouloir utiliser son armée à des fins personnelles, prévoyant l'effondrement de l'Empire. Toutes les subsistances de la place de Metz ayant été épuisées, Bazaine est contraint à la capitulation le 27 octobre, avec une armée intacte : son attitude lui vaut, en 1873, d'être traduit devant un conseil de guerre et condamné à mort, peine commuée en vingt ans de réclusion par le président Mac-Mahon. Emprisonné au fort de l'île Sainte-Marguerite, Bazaine s'évade en 1874 et finit ses jours à Madrid.