Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XIV (suite)

La même sévérité marqua l'attitude royale à l'égard des catholiques qui s'écartaient de la doctrine de l'Église. Les jansénistes connurent ainsi, tour à tour, persécutions et tolérance. À la fin de son règne, Louis XIV dispersa les dernières religieuses de Port-Royal (1709) et fit raser les bâtiments de l'abbaye (1710) ; enfin, il obtint du pape une nouvelle condamnation du jansénisme par la bulle Unigenitus (1713).

Versailles.

• Cette nouvelle étape dans la vie du roi coïncide avec l'installation de la cour à Versailles, en 1682. Louis XIV décida de renoncer aux déplacements permanents de la cour, même si elle fit encore, chaque année, des séjours à Marly ou à Fontainebleau. C'était une façon de reconnaître que le poids nouveau de l'administration rendait difficile cette vie itinérante aux lointaines origines. Ainsi se créait une capitale politique et administrative du royaume, et ce n'était pas Paris. Il a été parfois déclaré que Louis XIV se méfiait depuis la Fronde, de la grande cité indocile. En tout cas, le roi ne vécut plus au milieu des Parisiens, et cela ne fut sans doute pas sans importance.

Le palais n'était pas achevé lors de cette installation, et les travaux continuèrent longtemps, car le roi avait un goût marqué pour ses « bâtiments » et aimait modifier en permanence le cadre luxueux dans lequel il vivait. Il avait pris à son service les artistes qui avaient travaillé pour Fouquet : Le Vau pour l'architecture, Le Brun pour la peinture, Le Nôtre pour le dessin des jardins. Hardouin-Mansart agrandit l'ensemble avec les bâtiments sur les jardins, les ailes, les écuries. Louis XIV avait appris de Mazarin le respect de l'art, la recherche de la beauté et le souci du faste : sa demeure devait l'emporter sur toute autre dans le royaume, voire dans le monde. La présence de la cour supposait que des locaux fussent aménagés pour l'administration du royaume, pour les chevaux et les carrosses, pour la vie quotidienne. Une ville fut créée autour du palais. Ce fut aussi le moment où Louis XIV, veuf de Marie-Thérèse, décida de mener une vie respectueuse des règles de l'Église. En 1683, il épousa secrètement Mme Scarron, la veuve du poète, qui était devenue, par la faveur royale, marquise de Maintenon. Cette femme intelligente mena à la cour une vie discrète et retirée, mais ne fut sans doute pas sans influence sur le monarque.

Une « défense agressive » ?

• Louis XIV souhaita prolonger ses succès militaires et diplomatiques en renforçant la défense du territoire. Il s'agissait d'acquérir de nouveaux domaines sur le pourtour du royaume. À cette fin, des juristes et des historiens furent chargés de fouiller les archives pour retrouver des documents rappelant de vieux droits féodaux qui faisaient dépendre des terres situées hors de France de fiefs nouvellement acquis. Si le seigneur ne reconnaissait pas ce lien ni l'autorité de Louis XIV, la terre était confisquée. Ces « réunions » permirent ainsi de nombreuses annexions en pleine paix. Dans le même esprit, Louis XIV occupa, sans raison et sans rencontrer de résistance, la ville de Strasbourg (1681). Ces provocations suscitèrent la colère de nombreux princes allemands, qui étaient lésés par ces procédures, et qui se tournèrent vers l'empereur, au moment même où celui-ci était menacé par les Turcs et réussissait, grâce au roi de Pologne Jean III Sobieski, à dégager sa capitale, Vienne, (1683).

La mobilisation progressive de l'Europe conduisit à un nouveau conflit, la guerre dite, en France, « de la Ligue d'Augsbourg » (1688-1697). Au même moment, en Angleterre, le débarquement de Guillaume d'Orange répondait au mécontentement des Anglais à l'égard du roi Jacques II Stuart, qui dut se réfugier en France. Guillaume d'Orange régnait désormais à Londres. Le conflit qui commençait eut donc une dimension maritime, les flottes françaises soutenant les efforts de Jacques II pour reconquérir son royaume. Le succès français remporté lors de la bataille navale de Béveziers, (1691) ne fut pas durable : en 1692, une grande partie de la flotte de guerre fut incendiée à La Hougue. Cette guerre d'escadre ruineuse laissa la place à une guerre de course. Au nom du roi, des corsaires, tel Jean Bart, attaquaient les navires marchands des ennemis, compromettant ainsi le commerce international. Sur le continent, les armées de Louis XIV ravagèrent le Palatinat : ce mélange de pillages et de menaces destinées à obtenir des versements d'argent blessa durablement l'Allemagne par son aspect systématique et impitoyable. Les victoires de la France furent nombreuses ; néanmoins, Louis XIV apparaissait de plus en plus isolé en Europe.

Le bilan des années 1680-1690 était ambigu - une guerre difficile et des tensions religieuses dans le royaume. À cela s'ajoutèrent des crises économiques graves dues principalement à des difficultés d'ordre climatique, comme ce fut le cas dans les années 1693-1694.

La vieillesse

Le temps des projets.

• La fin du règne fut marquée par de grands changements. Si Louis XIV vécut jusqu'à 77 ans, il vit en revanche la mort de ses principaux collaborateurs - Colbert en 1683, Louvois en 1691- et l'apparition d'une nouvelle génération de ministres, qui avaient sans doute des idées neuves. L'administration s'était étoffée, et elle s'efforça de mieux connaître le royaume, sa population, ses ressources, sa diversité, comme le prouvent les mémoires commandés aux intendants pour l'instruction du duc de Bourgogne (1697). De multiples projets de réforme furent préparés. Dans cet esprit, pour financer la guerre, un impôt par tête fut créé en 1695 ; il devait frapper tous les sujets, même nobles, selon la richesse ou le statut social. Plus tard, en 1710, un autre impôt, le « dixième », fut institué avec le même souci de respecter les capacités de chacun et la justice sociale. Enfin, il est possible que déjà une société et une économie nouvelles soient nées : en particulier, les ports de l'Atlantique commençaient à se tourner vers le commerce colonial.

Le temps des partages.