Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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prostitution. (suite)

Toute la période classique condamne ouvertement la prostitution. L'État chasse les filles de « mauvaise vie », après avoir imprimé dans leurs chairs, au fouet ou au fer rouge, les marques de l'infamie. La prostitution ne disparaît pas pour autant, se cachant dans les étuves ou s'étalant dans certains quartiers : les courtisanes n'ont jamais quitté les salons ou les bals fréquentés par les grands hommes de chaque époque et, au début du XXe siècle encore, il existe, en France comme ailleurs, de nombreuses maisons closes privées où les prostituées sont sous surveillance médicale. Certains de ces établissements ont une réputation presque « irréprochable », tel Le Chabanais, dans le IIe arrondissement de Paris, connu depuis 1820 ; d'autres sont connus pour les mauvais traitements que les patrons infligent aux pensionnaires. Aussi, en 1945, Marthe Richard, conseillère de Paris, dépose un projet de loi devant son conseil municipal pour la fermeture des maisons closes de la capitale ; tout d'abord fermées pendant trois mois, celles-ci le sont définitivement à partir d'avril 1946, date à laquelle la loi Marthe-Richard est votée à l'Assemblée et étendue à toute la France. On assiste alors à la fermeture d'environ 1 400 établissements, dont 180 à Paris. Beaucoup de tenanciers deviennent propriétaires d'hôtels de passe, tandis que les prostituées redescendent dans la rue et les bars. Des œuvres, comme celle du Père Talvas, fondée en 1937, reçoivent des « repenties ». Depuis, du fait de la recrudescence des maladies sexuellement transmissibles (sida) et de la toxicomanie, l'idée d'une réouverture des maisons closes a été évoquée à plusieurs reprises : en 1990, Michèle Barzach, ancien ministre de la Santé, soutenue par Bernard Kouchner, a fait une proposition dans ce sens afin de mieux contrôler l'état de santé des prostituées et d'encourager le port du préservatif. En 1992, on a interdit les promenades nocturnes dans les allées du bois de Boulogne, fréquentées, depuis une trentaine d'années, par des prostituées et des travestis.

Si la prostitution est une activité libre aux revenus imposables par le fisc, son organisation est, elle, sévèrement punie (de six mois à dix ans d'emprisonnement). La répression du proxénétisme est effectivement organisée depuis 1960 et les souteneurs, autrefois appelés « ruffians » et « impunis », sont considérés comme exploitants d'esclaves : pour l'ONU et dans le droit français, la prostitution figure encore parmi les formes persistantes de l'esclavage. Il y aurait en France entre 15 000 et 30 000 prostituées professionnelles, dont une sur cent quitte chaque année le métier et entreprend une démarche de réinsertion.

protestants

Au cours de son histoire, la communauté protestante, minoritaire en France, a vécu des années d'affrontements armés, de tolérance précaire, de persécutions violentes, puis de clandestinité, avant d'être progressivement intégrée à la nation.

Bien qu'elle ne rassemble aujourd'hui que 2 % à 3 % des Français, elle n'en a pas moins joué un rôle non négligeable dans la société depuis cinq siècles, tant par la présence en son sein de personnalités de premier plan (Jean Calvin, le roi Henri IV, François Guizot, par exemple) que par certains de ses thèmes de réflexion, tels les droits imprescriptibles de la conscience individuelle, la démocratie politique, ou les liens nécessaires entre pensée religieuse et modernité scientifique.

Le temps de la Réforme

Les prémices.

• Fruit des aspirations spirituelles de larges fractions de la société européenne, la Réforme est issue de la doctrine de Martin Luther, qui publie une série de traités où il expose ses principes fondamentaux, principalement entre 1517 et 1525. On les résume en général en trois points essentiels : seule l'Écriture sainte - et non l'Église ou l'Écriture interprétée par l'Église - régit la foi, et donc toute doctrine qui ne figure pas dans la Bible doit être rejetée ; seule la foi sauve, ce qui signifie que l'homme, pécheur et donc perdu, est rendu juste, « justifié », par la foi que Dieu lui offre gratuitement (pas de salut par la foi et par les œuvres [comme pour les catholiques], où les protestants voient toujours la tentation ou le risque d'un « achat » du salut) ; le sacerdoce est universel, c'est-à-dire que tous les chrétiens (et non pas simplement la hiérarchie ecclésiastique) sont appelés à étudier l'Écriture, à la méditer et à l'expliquer.

En France, les promoteurs de l'idée de réforme se divisent en deux groupes. Le premier - qui comprend des hommes comme Guillaume Briçonnet (1472-1534), évêque de Meaux, appuyé, notamment, par Marguerite d'Angoulême, future reine de Navarre - tente cette rénovation en restant dans le cadre de l'Église traditionnelle : mais cet évangélisme humaniste est condamné par les autorités dès 1525. Tout en survivant quelque temps, il ne parvient pas à s'imposer. Le second, directement influencé par les écrits de Luther, donne naissance au protestantisme français.

Dès 1520, en effet, les textes les plus importants de Luther sont connus en France. À partir de 1523, ils sont traduits et adaptés, recopiés, publiés et finalement rendus accessibles à nombre de chrétiens, en dépit des interdictions formelles des autorités civiles et ecclésiastiques. Dès lors se constitue le courant dit « évangélique », qui emprunte certes le socle fondamental de ce qui va devenir le protestantisme français aux affirmations de Luther, mais qui se nourrit aussi des mouvements de réforme de l'Église tels qu'ils se développent à Strasbourg, à Bâle, à Zurich (où Ulrich Zwingli instaure une réforme radicale), à Genève et dans les cantons suisses francophones. Et, dès le début des années 1530, c'est plutôt par la Suisse (où l'influence du Dauphinois Guillaume Farel s'est révélée déterminante) que les idées nouvelles se propagent en France.

À ses débuts, la Réforme française gagne donc surtout ses adeptes parmi une certaine élite sociale, celle qui sait lire : imprimeurs, artisans, clercs, maîtres d'école, etc. Mais, assez vite, elle touche tous les milieux sociaux, même si les citadins, qui ont plus facilement accès aux livres, sont plus nombreux que les ruraux. Dès les premières années aussi, les autorités ecclésiastiques s'y opposent violemment et tentent d'éliminer tant les livres que les « hérétiques » eux-mêmes. Quant au pouvoir royal, il ne se montre franchement hostile qu'après l'affaire des Placards (de petites affiches critiquant la messe sont placardées à Paris, dans plusieurs autres villes, et jusque dans les appartements du roi à Amboise), en 1534. La répression s'exerce très brutalement jusqu'en 1560, car le roi considère les adeptes des idées réformatrices non seulement comme des hérétiques mais aussi comme des perturbateurs de l'ordre public. On estime en général à 450 (soit environ 10 % de ceux qui ont été arrêtés) le nombre des réformés français mis à mort par les autorités, pour cause de religion, pendant cette période.