Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Monde (le),

quotidien du soir fondé en décembre 1944.

À la Libération, le général de Gaulle, en accord avec les projets de la Résistance, juge nécessaire de renouveler en profondeur les structures de la presse française. Dans ce cadre, un grand quotidien du soir doit constituer, par son sérieux et son indépendance, tant politique que financière, un organe de référence de stature internationale. Opposé à la reparution du Temps - trop lié aux milieux industriels et financiers dans l'entre-deux-guerres, puis au régime de Vichy jusqu'à son sabordage en novembre 1942 -, le général de Gaulle assigne cette mission à un nouveau titre : telle est l'origine du Monde, dont le premier numéro paraît le 18 (daté du 19) décembre 1944. Choisi pour diriger le journal, Hubert Beuve-Méry, démissionnaire du Temps au lendemain des accords de Munich (1938), imprime vite sa marque au quotidien de la rue des Italiens, qui manifeste de plus en plus sa liberté vis-à-vis du pouvoir en place. Signés « Sirius », ses éditoriaux défendent le lien entre la morale et la politique, et prennent volontiers l'opinion à contre-courant. Par ses prises de position, Beuve-Méry s'attire l'inimitié de ses concurrents, mais aussi de ses deux principaux associés, René Courtin et Christian Alfred Funck-Brentano, qui quittent le journal en 1949.

Entreprise de presse originale, le Monde ouvre son capital à ses rédacteurs, qui se constituent en société anonyme en 1951 (en 1985, les lecteurs entreront à leur tour dans le capital du journal). Dès le début des années 1960, le Monde devient une véritable institution dont les ventes ne cessent de progresser, pour atteindre 800 000 exemplaires au mois de mai 1968. Favorable à un règlement rapide de la question algérienne, le journal soutient le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958, avant de s'opposer à celui-ci dès le référendum d'octobre 1962 portant sur l'élection du président de la République au suffrage universel. L'évolution du journal vers la gauche est confirmée par l'accession de Jacques Fauvet à sa tête (il en est directeur de 1969 à 1982) : lors des scrutins présidentiels de 1965, 1974 et 1981, le Monde se prononce ainsi en faveur de François Mitterrand. Mais, pendant les deux septennats de ce dernier (1981-1995), le quotidien préserve son indépendance et joue un rôle important dans la révélation des « affaires » qui entourent le pouvoir socialiste.

En matière de politique étrangère, le Monde reste fidèle à ses orientations premières : il salue l'effondrement du système soviétique au tournant des années 1980-1990, et milite en faveur de la construction européenne (il se prononce ainsi nettement en faveur du « oui » lors du référendum de Maastricht). Après avoir connu de sérieuses difficultés financières et une érosion de son lectorat, le Monde voit sa situation se redresser à partir de 1994, date de l'arrivée de Jean-Marie Colombani à la direction du journal. Depuis 2003, le Monde fait partie d'un groupe de presse comprenant les publications de la vie catholique (Télérama, La Vie…) et les journaux du Midi (dont le Midi Libre). Mais secoué par de violentes polémiques survenues en 2003, concernant notamment la ligne éditoriale du journal et par la crise générale de la presse écrite, le Monde connaît une érosion de ses ventes.

Mondeville (Henri de),

médecin et chirurgien (vers 1260 - vers 1320).

Le nom d'Henri de Mondeville est attaché à un ouvrage célèbre de chirurgie rédigé en latin à l'instigation de l'école de médecine de Montpellier et de l'un de ses plus célèbres maîtres, Bernard de Gordon (mort vers 1320). Composée entre 1306 et 1320, la Chirurgia réunit différents traités sur l'anatomie, les plaies, les maladies, et diffuse nombre de théories médicales inspirées des méthodes avancées des universités italiennes (Salerne, Bologne). Henri de Mondeville s'élève notamment contre la doctrine de la suppuration, préconisée par la médecine traditionnelle dans le traitement des plaies, et recommande l'utilisation de bandages non corrompus. Ses pratiques s'inscrivent aussi dans la mouvance des enseignements de Jean Pitart, chirurgien des rois de France Philippe le Bel (1285/1314) et Charles IV (1322/1328) ; Mondeville lui-même devient chirurgien de Philippe le Bel en 1298. Dès lors, professeur réputé, dont les cours d'anatomie sont diffusés en langue vernaculaire, il enseigne l'anatomie à l'université de Montpellier en 1304, puis dans les écoles de chirurgie à Paris en 1306, dispense son savoir médical dans le nord de la France (Arras) et même en Angleterre dans les années 1310. Il exerce également son art de chirurgien sur les champs de bataille, lors des campagnes militaires du roi de France. On lui attribue l'embaumement des corps des rois Philippe le Bel et Louis X le Hutin (1314/1316).

Monge (Gaspard),

mathématicien (Beaune, Côte-d'Or, 1746 - Paris 1818).

La magnifique carrière de Monge résume à elle seule le rôle prépondérant de la science française en Europe à la fin du XVIIIe siècle et l'évolution décisive de l'influence politique et sociale des savants sous la Révolution et l'Empire. Élève du collège de Beaune puis du collège de la Trinité à Lyon, Monge se fait remarquer dès 1764 par un officier de l'École du génie militaire de Mézières. Admis dans cette prestigieuse institution en 1765, il y enseigne les mathématiques et la physique, en qualité de répétiteur, puis de professeur, pendant près de vingt ans. C'est là qu'entre 1766 et 1775 il invente et développe la géométrie descriptive, qui va s'imposer rapidement en Europe comme une branche à part entière des mathématiques. Durant la décennie 1770, il publie de nombreux mémoires, se lie avec Condorcet et Vandermonde, et participe aux débats scientifiques les plus pointus du moment, qui opposent d'Alembert et le mathématicien suisse Leonhard Euler, ou le physicien français Daniel Bernoulli. La qualité de ses travaux lui permet d'entrer à l'Académie des sciences, en 1780, et d'être nommé examinateur de la Marine en 1783 ; des charges auxquelles il se consacre pleinement après avoir abandonné son poste à Mézières en 1784. Ses intérêts et ses apports sont multiples : mathématiques, physique, chimie (il réalise en 1783, indépendamment de Lavoisier, la synthèse de l'eau) et même technologie ; il devient un véritable expert en métallurgie.