Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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La Chalotais (Louis René de Caradeuc de), (suite)

Figure essentielle de la résistance des parlements à l'autorité royale, La Chalotais en illustre toute l'ambiguïté : la défense des « libertés » et la dénonciation de l'arbitraire, même justifiées, dissimulent la volonté de maintenir les privilèges et de bloquer les réformes et la modernisation du royaume. En attaquant le duc d'Aiguillon, les magistrats bretons font le procès de la monarchie administrative : abus de la corvée royale, alourdissement de la fiscalité, dépenses excessives pour l'embellissement des villes, asservissement des états provinciaux. Violent, arriviste et plein de prétentions littéraires, La Chalotais n'hésite pas à utiliser les méthodes les plus douteuses, expédiant des lettres anonymes et envisageant même de faire chanter Louis XV, dont il détenait la correspondance amoureuse avec Mlle de Romans. L'affaire de Bretagne allait déclencher, en 1771, le « coup de force » de Maupeou contre les parlements et entraîner la réforme de la justice. Elle est un épisode majeur du conflit qui affaiblit la monarchie tout au long du XVIIIe siècle et devait finalement provoquer sa chute.

Lacordaire (Jean-Baptiste Henri),

dominicain et prédicateur (Recey-sur-Ource, Côte d'Or, 1802 - Sorèze, Tarn, 1861).

Fils de médecin, avocat au barreau de Paris, Lacordaire choisit d'entrer au séminaire de Saint-Sulpice, puis est ordonné prêtre en 1827. Il collabore alors régulièrement à la rédaction de l'Avenir, soutient Lamennais, mais, après la condamnation de ce dernier et du libéralisme par Grégoire XVI (encyclique Mirari vos, 1832), il se soumet aux commandements du pape. Ses conférences à Notre-Dame de Paris, à partir de 1835, le rendent célèbre et connaissent un vif succès auprès de la génération romantique, car elles illustrent un nouveau type d'éloquence. Entré chez les Frères prêcheurs à Rome en 1839, il rétablit cet ordre en France et donne la mesure de ses talents d'orateur dans les prêches qu'il prononce à l'occasion de ses nombreux déplacements à Lyon, Bordeaux, Toulouse ou Nancy. Soucieux de réconcilier l'Église avec le siècle, il se fait élire député à l'Assem-blée constituante en 1848, mais se retire rapidement, après l'émeute du 15 mai. Devenu par la suite provincial de l'ordre des dominicains en France, il s'illustre notamment par un sermon prononcé en l'église Saint-Roch, le 10 février 1853, dans lequel il exprime de façon voilée son hostilité au Second Empire. Exilé de Paris, il se réfugie à Sorèze, dont il dirige le collège. En 1860, il est toutefois élu à l'Académie française au fauteuil de Tocqueville.

Laennec (René),

médecin (Quimper 1781 - Kerlouenec, Finistère, 1826).

Il est l'un des plus brillants médecins de l'école clinique qui s'épanouit dans la France du début du XIXe siècle. Ses premiers travaux portent sur l'anatomie pathologique. Il observe alors principalement les tumeurs cancéreuses et, surtout, la cirrhose atrophique du foie, dont il caractérise les effets et le développement. Cette pathologie sera d'ailleurs plus tard baptisée « cirrhose de Laennec ». Cependant, c'est à l'étude des maladies des poumons et du cœur que sa contribution apparaît essentielle. En 1817, il tire profit d'un phénomène physique banal pour inventer le procédé de l'auscultation en concevant le premier stéthoscope. Cet instrument est réalisé en évidant un cylindre de bois à ses deux extrémités. Plaçant l'une d'entre elles sur la poitrine du malade, le médecin est ainsi en mesure d'entendre avec netteté la respiration en apposant son oreille à l'autre extrémité. Cette méthode d'investigation apporte d'importantes connaissances sur les maladies du système respiratoire. Laennec donne ainsi une nouvelle impulsion à la médecine en réservant une place privilégiée à l'observation, dont il expose les principes dans De l'auscultation médicale (1819).

La carrière de Laennec est à la mesure de son apport scientifique, mais elle est très brève. Médecin de l'hôpital Beaujon (1814), puis de Necker (1816), il obtient en 1822 la chaire de médecine au Collège de France. Nommé professeur de clinique médicale à la faculté de médecine de Paris, il meurt peu après, emporté par une tuberculose pulmonaire.

Lafargue (Paul),

homme politique et écrivain socialiste (Santiago de Cuba 1842 - Draveil 1911).

Les origines familiales de Lafargue sont extraordinairement mêlées : un grand-père bordelais ayant épousé à Saint-Domingue une mulâtre, une mère d'origine juive, une grand-mère maternelle caraïbe. Lui-même épouse une Allemande : Laura, la propre fille de Karl Marx. Ces origines expliquent peut-être que cet homme ait choisi de devenir un défenseur des peuples opprimés.

Issu d'une famille émigrée d'Haïti, puis installée à Cuba où elle cultive le café, Lafargue suit ses études de médecine en France. C'est la période où il s'imprègne de toute une littérature philosophique et rédige des articles hostiles à Napoléon III. Il adhère à la Ire Internationale et, dans ce cadre, fait la connaissance de Karl Marx, même s'il semble alors plus proche de Proudhon. Il participe à la Commune et doit fuir la France, après l'échec de l'insurrection, afin d'éviter d'être arrêté. Fixé à Madrid, il voyage beaucoup, rencontre Jules Guesde à Londres, début d'une longue collaboration. C'est dans le journal guesdiste l'Égalité qu'il publie en 1880 plusieurs articles qui fourniront la matière de son plus célèbre pamphlet : le Droit à la paresse. Franc-maçon et désormais militant du parti guesdiste, il est condamné à un an de prison pour incitation au meurtre au cours des événements de Fourmies (juillet 1891). Élu député de Lille en novembre, il est libéré. Battu aux élections législatives de 1893, il reste l'un des principaux propagandistes du Parti ouvrier français. S'étant promis « de ne pas dépasser les soixante-dix ans » Lafargue et sa femme se suicident dans la nuit du 26 novembre 1911.

La Fayette (Marie Joseph Paul Roch Yves Gilbert du Motier, marquis de),

militaire et homme politique (Chavaniac, Haute-Loire, 1757 - Paris 1834).

La Fayette fut une figure majeure de trois révolutions : l'une en Amérique, lors de la guerre d'Indépendance, et deux en France, en 1789 et en 1830. Exalté, ambitieux mais piètre politique, le « héros des deux mondes », « idole médiocre » selon Michelet, incarne pour beaucoup la fidélité aux principes libéraux. Cependant, il n'eut qu'une véritable passion : sa popularité.