Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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franc.

Unité monétaire de la France depuis 1795, le franc est défini par la loi du 17 germinal an XI (7 avril 1803), à la fois par rapport à l'or et à l'argent. Il contient alors 5 grammes d'argent ou 322 milligrammes d'or à 9/10 de fin.

Une monnaie forte.

• Son nom reprend celui d'une ancienne pièce d'or frappée en 1360. Son poids de métal précieux est presque identique à celui qui avait été fixé en 1726 pour la monnaie de compte de l'Ancien Régime, la livre tournois. La volonté de continuité et de stabilité qui préside à sa création est donc manifeste. Pendant tout le XIXe siècle, la valeur du franc germinal reste immuable, gagée sur un stock d'or abondant et sur la prudence des dirigeants de la Banque de France dans leur politique d'émission de billets de banque intégralement convertibles au porteur, sauf pendant les rares périodes où le cours forcé doit être proclamé (1848-1850, 1870-1878). La seule modification d'importance apportée au système consiste à supprimer le double rattachement à l'or et à l'argent. La valeur du métal argent se déprécie en effet rapidement après 1870 du fait de la surproduction des mines d'Amérique du Nord. L'or tend alors à quitter la France, les spéculateurs le revendant à l'étranger contre de l'argent, à un cours très supérieur au rapport légal. En 1878, l'arrêt de la frappe libre des pièces d'argent met fin à ce trafic, instaurant, de fait sinon de droit, le monométallisme-or. La Belgique, la Suisse, l'Italie, la Grèce, regroupées dans l'Union monétaire latine, adoptent le système français et fixent la valeur de leurs monnaies à parité avec le franc, qui est alors l'une des grandes monnaies mondiales.

La fin de la stabilité.

• À partir de 1914, la proclamation du cours forcé du billet de banque ruine cette stabilité. Le franc est soutenu artificiellement par les trésoreries anglo-saxonnes pendant la guerre, mais il se déprécie de manière spectaculaire à partir de 1919, lors de plusieurs crises entretenues par l'inflation fiduciaire et la spéculation sur le marché des changes, étroitement liées aux péripéties de la vie politique. Le rappel au pouvoir de Raymond Poincaré, en juillet 1926, permet de réunir les conditions d'un retour à l'équilibre, tardif par rapport aux autres grandes monnaies européennes. En juin 1928, le franc est dévalué des quatre cinquièmes. La convertibilité du billet est rétablie, mais, pour freiner la spéculation, limitée à l'achat de lingots.

Cette première dévaluation inaugure une longue série d'opérations successives qui fixent de nouvelles parités, tantôt par rapport à l'or, tantôt par rapport au dollar. La plupart se bornent à enregistrer l'ampleur de la dépréciation survenue sur le marché des changes, lorsque les opérateurs jugent le franc surévalué, comme dans les années 1930, ou lorsque le rythme de l'inflation s'emballe par rapport à celui des pays voisins, comme de 1944 à 1958 ou de 1973 à 1983. D'autres dévaluations, plus rares, visent à rééquilibrer les échanges extérieurs et à placer l'économie dans de bonnes conditions face à la concurrence étrangère : il en est ainsi des francs Pinay (décembre 1958) et Giscard (août 1969). Depuis 1972, les dévaluations prennent la forme de simples réaménagements de parités dans le cadre du serpent, puis du système monétaire européen ou de mises en flottement du franc sur le marché des changes (1974-1975, 1976-1979).

Toutes ces opérations ont pour résultat de créer des francs plus ou moins durables, qui prennent le nom du ministre des Finances en fonctions. Par rapport aux grandes monnaies étrangères, l'affaiblissement est spectaculaire, même si le franc, totalement inconvertible de 1939 à 1958, est redevenu librement négociable en or et en devises au début de la Ve République, d'abord pour les détenteurs étrangers, puis pour les détenteurs français, depuis l'abolition du contrôle des changes en 1990.

En janvier 1960, pour rapprocher la valeur nominale du franc de celle des grandes monnaies étrangères, le général de Gaulle a créé le nouveau franc, égal à 100 anciens francs. Cette mesure, qui revient à exprimer les prix en une nouvelle unité cent fois plus forte qu'auparavant, n'est qu'une simple opération comptable, non une réévaluation.

La zone franc.

• Les tentatives pour construire autour de la France un espace monétaire commun à plusieurs pays ont subi de fréquents échecs au cours du XXe siècle. L'Union monétaire latine, créée en 1865, n'a pas survécu à la Première Guerre mondiale. Le Bloc-or, fondé en 1933 par les pays restés fidèles à l'étalon-or au cours de la crise, a disparu au bout de trois années d'existence. La zone franc, instituée en 1939, paraît plus durable. Elle regroupe encore aujourd'hui autour de la France quatorze États : sept en Afrique occidentale (Sénégal, Côte-d'Ivoire, Mali, Niger, Burkina Faso, Bénin, Togo), six en Afrique équatoriale (Gabon, Cameroun, Congo, Tchad, République centrafricaine, Guinée-Équatoriale), un dans l'océan Indien (République des Comores).

Mais son contenu a profondément changé. Il s'agissait initialement de rattacher par une parité fixe toutes les monnaies en circulation dans l'empire colonial, de centraliser à Paris les mouvements d'or et de devises, et de libéraliser les mouvements de capitaux libellés en francs. La décolonisation a provoqué le réaménagement de la zone. Plusieurs pays nouvellement indépendants, ceux de l'ancienne Indochine, puis ceux du Maghreb, ainsi que la Guinée, Madagascar, la Mauritanie ont refusé d'y adhérer. Principale monnaie en circulation, le franc CFA (Communauté financière africaine) conserve une parité fixe avec le franc français, mais la centralisation obligatoire des mouvements de devises et la libre transférabilité des capitaux ont disparu. En janvier 1994, la parité du franc CFA, inchangée depuis 1948, a été diminuée de moitié (de 0,02 à 0,01 franc français) afin de restaurer la compétitivité des exportations des pays membres.

Malgré les efforts de nombreux gouvernements pour fonder la politique économique sur le maintien de la stabilité monétaire, le poids international du franc est bien affaibli au début des années quatre-vingt-dix : 9 % seulement des emprunts libellés en devises le sont dans cette monnaie.