Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Paris (suite)

Enfin, en termes symboliques, la prééminence parisienne s'affirme après la sanctification de Louis IX (Saint Louis), dont les reliques se trouvaient auparavant à l'abbaye de Saint-Denis. Philippe le Bel entend, en effet, confisquer au seul profit du roi et de sa chapelle privée les reliques de son grand-père. Selon Jacques Le Goff, « la monarchie française, dès le début de sa marche vers l'absolutisme, voulait écarter le peuple de la vertu des reliques de Saint Louis » : le roi ne peut triompher complètement de la résistance des moines de la célèbre abbaye mais réussit, avec l'accord de la papauté, à transférer la tête, considérée comme la partie la plus éminente du corps. La translation a lieu en 1306. « Par un macabre jeu de mots, l'opération fut, dès le XIVe siècle, justifiée par la considération qu'il était légitime et même bon que la tête du saint roi ait été transportée dans le lieu (la sainte chapelle du palais royal) qui était considéré lui-même comme ²la tête du royaume² (caput regni). »

Le roi et la ville

Parallèlement à la croissance de l'administration royale, une administration municipale s'est mise en place. Constitué autour de la hanse des marchands de l'eau, le « parloir aux bourgeois » édicte la justice en matière de navigation sur la Seine et de commerce. Le premier prévôt des marchands apparaît en 1263, assisté de quatre échevins et de vingt-quatre prud'hommes. Ce parloir n'est transféré en place de Grève (l'actuelle place de l'Hôtel-de-Ville) qu'en 1357, sous la prévôté d'Étienne Marcel. Le représentant du roi dans la ville, le prévôt de Paris, a alors son siège au Châtelet.

En ces temps de conflit entre monarchie anglaise et monarchie française - le roi Jean le Bon est alors prisonnier des Anglais -, pouvoir royal et pouvoir municipal connaissent des affrontements violents, qui se terminent par le triomphe du dauphin, le futur Charles V, et la défaite des partisans d'Étienne Marcel, en 1358. Ce dernier, héritier d'une riche famille de drapiers et de changeurs, s'érige en chef du parti réformateur, qui souhaite voir la monarchie en revenir à une fiscalité plus légère. Mais surtout, Étienne Marcel et ses partisans, qui vivent les temps difficiles consécutifs à la grande peste de 1348, rêvent d'un retour à l'âge d'or du « beau XIIIe siècle ». De leur échec date le lent déclin des franchises municipales.

La révolte des Maillotins (1382), la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons (1470-1422), la révolte cabochienne (1413), l'occupation anglaise de Paris (1420-1436), le siège par Charles VII (1436), ont distendu les liens entre le roi et la grande ville. La cour séjourne plus souvent en Touraine que sur les bords de la Seine. En mars 1528, François Ier écrit à la municipalité de Paris : « Notre intention est, dorénavant, de faire notre demeure et séjour en notre bonne ville et cité de Paris et alentours plus qu'en autres lieux du royaume, connaissant notre château du Louvre être le lieu le plus commode et à propos pour nous loger. » Le roi témoigne ainsi sa confiance aux Parisiens qui ont payé une partie de la rançon exigée pour sa libération après la défaite de Pavie (1525). En 1533, il leur donnera, d'ailleurs, une nouvelle marque d'attachement en confiant à l'architecte italien Domenics Bernabei, dit le Boccador, la construction d'un nouvel hôtel de ville.

Mais la décision de François Ier ne suffit pas à faire de la capitale la résidence exclusive du monarque. D'abord, parce que les troubles politiques rendent la cité dangereuse pour le pouvoir - on songe aux guerres de Religion ou à la Fronde - mais, surtout, parce que les rois de France différencient nettement la résidence de la cour de la capitale du royaume. Cette dualité spatiale du pouvoir royal a d'évidentes répercussions sur l'aménagement de Paris - « capitale en second », selon l'expression de Maurice Garden. Au début du XVIe siècle, alors que Paris est la première ville d'Europe, avec plus de 220 000 habitants - au même moment, Londres n'en compte que 50 000 et Rome moins de 60 000 -, le réseau de ses rues reste néanmoins mal organisé et les officiers royaux peinent à embellir une ville où l'habitat le dispute aux établissements religieux. La monarchie n'entend pas moins inscrire les symboles royaux dans le tracé urbain. Cette symbolique s'inspire de la redécouverte de l'Antiquité et des exemples italiens. La volonté des rois est, comme le souligne Maurice Garden, de « magnifier en Paris la réunion de Jérusalem, Constantinople et Rome ». Il faut fixer dans la durée de la pierre l'éphémère des entrées royales : d'où ces arcs de triomphe, ces portes, et surtout ces places royales, qui sont autant de mises en scène destinées à célébrer l'image du roi, mais aussi à aérer le tissu urbain ; les places royales abritent la statue du monarque et répondent à une volonté de réglementation du développement urbain ; les matériaux autorisés pour les bâtiments sont précisément déterminés, et l'ordonnance des constructions obéit à une exigence de symétrie. Ce programme se lit à la fois place Dauphine et place Royale (aujourd'hui place des Vosges), mais également place des Victoires et nouvelle place Royale (actuelle place de la Concorde).

Avant que la cour ne s'installe à Versailles (1682), Louis XIV décide de faire de Paris une ville ouverte, de manière à rendre difficile, sinon impossible, toute velléité de résistance aux troupes royales. La destruction du mur de Charles V, de la porte Saint-Honoré à la porte Saint-Antoine, s'accompagne d'une opération de lotissement de grande envergure et du dégagement de vastes avenues plantées d'arbres, les boulevards.

Une ville hors du droit commun

Pour administrer Paris, la monarchie a un double souci : limiter le pouvoir de ses bourgeois, et déléguer certains des pouvoirs détenus par son prévôt, qui est recruté dans la grande noblesse dès le milieu du XVe siècle. Elle lui adjoint d'abord un « garde de la prévôté », qui sera bientôt épaulé par des lieutenants (au nombre de quatre sous le règne de François Ier). En 1667 est instituée une cinquième lieutenance, dite « de police », responsable de l'éclairage, de la propreté des rues, de l'approvisionnement des halles, de la surveillance des imprimeries, du contrôle des corporations. Le lieutenant général - le premier en titre est La Reynie (1625-1709), qui restera en fonction pendant trente ans - est désormais le personnage le plus important de l'administration parisienne. Les pouvoirs de la municipalité continuent d'être vidés de leur contenu lorsqu'en 1681 les charges de l'Hôtel de Ville, à l'exception de celles du prévôt des marchands et des échevins, deviennent vénales. C'est précisément l'année suivante que le roi s'installe à Versailles.