Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

collège, (suite)

Au début de la période moderne, les collèges sont fréquentés par des enfants d'artisans en ville, et par des fils de paysans aisés dans les campagnes. Au début du XVIIe siècle, on compte 60 000 élèves, dont 40 000 dans les institutions des jésuites, alors attachés à la gratuité de l'enseignement et réticents à l'égard du pensionnat. Mais cette ouverture sociale se restreint au cours de la seconde moitié du siècle : les élèves sont issus de plus en plus majoritairement des élites urbaines ou de l'aristocratie. Cette tendance s'accompagne de la multiplication des internats, où le prix des pensions est souvent élevé.

Critiques et déclin.

• Au siècle des Lumières, malgré certains établissements prestigieux, tel le collège Louis-le-Grand, où Voltaire fut élève, la prépondérance des langues mortes, une pédagogie fondée essentiellement sur la mémoire, ainsi qu'une discipline trop rigide, suscitent les critiques des Philosophes. Aussi, suivant l'exemple des écoles militaires ouvertes à des disciplines nouvelles, les plus grands collèges accordent-ils une place aux langues vivantes, à la géographie et aux sciences, tandis que les établissements provinciaux les plus modestes, trop lents à s'adapter, sont délaissés par les élèves.

En 1762, l'expulsion des jésuites, remplacés en partie par les oratoriens et les bénédictins, s'accompagne de nombreux projets de réformes réclamant une uniformisation de l'enseignement et son contrôle par l'État. Ces projets sont partiellement réalisés sous la Révolution : déjà largement démantelés en 1793, les collèges sont officiellement supprimés le 6 ventôse an III (25 février 1795) et remplacés par des écoles centrales. Dorénavant, l'instruction devient publique. Les lycées, qui se sub-stituent à leur tour aux écoles centrales par la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802), reprennent certaines caractéristiques de la pédagogie des collèges, tout en conservant les apports de la période révolutionnaire. Mais le terme « collège » perd sa force et son originalité : il n'est plus utilisé, au XIXe siècle, que pour désigner un lycée fondé par une municipalité. Au XXe siècle, il faut attendre les années soixante pour qu'il soit à nouveau employé, dans une acception spécifique.

Collège de France,

établissement d'enseignement, situé à Paris, dont la fondation remonte au règne de François Ier.

C'est en 1529 que l'humaniste Guillaume Budé (1467-1540), dédiant au roi ses Commentarii linguae grecae, demande la création d'un « temple des bonnes études » où seraient enseignées les langues anciennes. Suscitées par les développements de la philologie, des institutions similaires - Collège des Jeunes-Grecs à Rome, Collège des Trois-Langues à Louvain - ont déjà fait leur apparition dans les pays voisins. Accédant à la requête de Budé, François Ier nomme en 1530 plusieurs lecteurs royaux (grec, hébreu, mathématiques). Né sans éclat particulier, le futur Collège de France ne dispose pas de lieu réservé, contrairement au vœu de Guillaume Budé, et s'attire immédiatement les foudres de l'Université, qui s'estime atteinte dans ses prérogatives : poursuivis devant le parlement par la faculté de théologie, les lecteurs royaux sont accusés d'hérésie. L'engagement personnel du roi en faveur de l'institution nouvelle empêche que les poursuites soient suivies d'effet. En 1534, après la création d'une chaire d'éloquence latine, le groupe des lecteurs royaux prend le nom de Collège des Trois-Langues (latin, grec, hébreu). Porté à sept en 1545, le nombre de chaires ne cesse d'augmenter sous les successeurs de François Ier. C'est en 1610 que l'institution s'établit sur son emplacement actuel, rue des Écoles, et prend le nom de Collège royal. Les bâtiments seront remaniés par Jean-François Chalgrin en 1774. Si l'appellation change au gré des régimes (« Collège national » sous la Révolution, et « Collège impérial » sous Napoléon Ier), le Collège de France n'acquiert son nom définitif que sous la Restauration. Malgré ces changements, l'enseignement ne s'interrompt pas, et l'établissement accueille de prestigieux maîtres. En 1852, il est rattaché au ministère de l'Éducation nationale, tout en restant indépendant de l'Université. Son domaine d'enseignement s'étend alors bien au-delà des humanités traditionnelles (grec, latin), et englobe les disciplines scientifiques les plus variées (histoire et géographie, ethnologie, linguistique, sociologie, physique, mathématiques...). Ouvert à tous, l'enseignement n'est sanctionné par aucun examen. Les professeurs, qui n'ont pas nécessairement le statut d'universitaires, sont nommés par le chef de l'État sur proposition des membres de l'Institut et du corps enseignant du Collège. Les chaires sont actuellement au nombre d'une cinquantaine. Parmi les personnalités qui ont enseigné au Collège de France, on compte Michelet, Renan, Bergson, Valéry.

Collège de Navarre,

institution scolaire fondée à Paris en 1305 et supprimée par la Convention en 1793.

Lorsque Jeanne de Navarre, épouse de Philippe le Bel, exprime, dans son testament (1305), le vœu de fonder une maison pour soixante-dix étudiants grammairiens, artiens (philosophes) et théologiens, il existe déjà, à Paris, une dizaine de collèges. Ce sont des institutions charitables qui offrent un logis et une bourse à des étudiants pauvres de l'Université, comme le collège fondé par Robert de Sorbon au XIIIe siècle. Jusqu'à la fin du Moyen Âge, le Collège de Navarre, situé sur la montagne Sainte-Geneviève, est le plus grand et le plus prestigieux des collèges parisiens. Il est, comme les autres, doté d'un important patrimoine foncier et de statuts détaillés, et possède aussi une riche bibliothèque. Dès sa création, cette institution originale est un véritable établissement d'enseignement qui offre à ses boursiers - originaires de tout le royaume - un cursus complet de cours, en grammaire, en philosophie et en théologie, dans des écoles séparées de l'Université. Aux XIVe et XVe siècles, le collège royal de Navarre accueille de grandes figures intellectuelles telles que Nicolas Oresme, les humanistes Nicolas de Clamanges, Jean de Gerson, Jean de Montreuil, Jean Budé, et des serviteurs de l'Église et de l'État tels que Pierre d'Ailly et Guillaume Briçonnet. Du XVIe au XVIIIe siècle, les nombreux collèges parisiens et provinciaux deviennent des établissements d'enseignement secondaire, des « collèges d'exercice », réservés aux écoliers qui apprennent la grammaire et la rhétorique. Le collège royal de Navarre, à l'instar de quelques autres grands établissements parisiens, conserve, à l'époque moderne, la double vocation qu'il avait déjà au Moyen Âge. Il accueille, comme un collège d'exercice, enfants et adolescents, qui suivent des cours de grammaire, de physique et de rhétorique, mais il offre aussi, comme un collège universitaire, des bourses à des étudiants des facultés supérieures. Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, il bénéficie d'un grand prestige et reçoit, en 1752, la première chaire de physique expérimentale, confiée à l'abbé Nollet. Les plus riches familles y envoient leurs enfants : Richelieu et, plus tard, Condorcet étudient au Collège de Navarre. En 1793, la Convention vote la suppression des collèges et des facultés de l'Université de Paris. Le Collège de Navarre est démoli, de 1811 à 1836, pour faire place aux bâtiments de l'École polytechnique.