Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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février 1934 (journée du 6), (suite)

La manifestation.

• Le soir du 6 février, des groupes et ligues d'extrême droite, mais aussi des mouvements d'anciens combattants - représentés notamment par la puissante Union nationale des combattants (UNC) et par l'Association républicaine des anciens combattants (ARAC), proche du Parti communiste -, ainsi que de simples mécontents sans appartenance politique clairement définie convergent vers la place de la Concorde et la Chambre des députés. Les motivations des manifestants sont des plus diverses : les anciens combattants entendent surtout exprimer leur indignation et, peut-être, dans le cas de l'UNC, apporter un soutien moral aux ligues ; les Croix-de-Feu du colonel de La Rocque semblent avoir pour but de faire une démonstration de force ; les ligues d'extrême droite, quant à elles - Action française, Jeunesses patriotes, Solidarité française -, cherchent délibérément l'affrontement pour mettre fin au « régime du profit et du scandale » (dans leurs tracts, les Jeunesses patriotes appellent leurs militants à « aller au Parlement crier leur manière de voir »).

La manifestation est plus violente que les précédentes : aux habituels jets de pavés s'ajoutent les incendies de kiosques à journaux et d'autobus. Dès 17 heures, la Garde républicaine barre le pont de la Concorde pour empêcher toute invasion du Palais-Bourbon. Mais, vers 19 heures 30, des coups de feu sont échangés. Arrivé avec ses Croix-de-Feu boulevard Saint-Germain vers 20 heures 45, le colonel de La Rocque ordonne à sa colonne, qui n'a pas participé aux affrontements, de se disperser. Après cette accalmie de courte durée, l'émeute reprend de plus belle jusque vers 2 heures 30 du matin, et les forces de l'ordre ouvrent le feu sur les manifestants. Le bilan est lourd : selon les chiffres officiels, 15 morts, dont 14 parmi les membres des trois ligues activistes, et 328 blessés hospitalisés.

Les conséquences de la nuit d'émeute.

• Le 7 février, Daladier, qui a obtenu la veille un vote de confiance par 360 voix contre 220, est contraint à la démission : seul Léon Blum l'exhorte à résister. La droite revient aux affaires : Gaston Doumergue est président du Conseil. Pour la première fois dans l'histoire de la IIIe République, un gouvernement cède devant la pression de la rue. Les militants de gauche, qui voient dans l'émeute un complot fasciste, aspirent à l'union afin de contrer ce danger ; mais, en raison des réticences des états-majors des partis, la riposte s'effectue d'abord en ordre dispersé. Le 9 février, les communistes appellent à une grande manifestation, dirigée à la fois contre les ligues et contre le gouvernement, et qui, en raison de la réaction policière, donne lieu à des affrontements très violents. La CGT lance, pour le 12, un mot d'ordre de grève générale, auquel s'associe la CGTU (communiste), tandis la SFIO organise un vaste défilé, au cours duquel on voit les cortèges socialiste et communiste fusionner. Ces rapprochements annoncent l'alliance des forces de gauche que sera le Front populaire.

Mais si, dans l'imaginaire politique de la gauche, l'existence d'un fascisme français ne fait aucun doute, plusieurs interprétations des événements du 6 février 1934 ont été fournies : pour l'historien israélien Zeev Sternhell, la dérive fasciste des ligues explique en grande partie la violence de l'émeute ; à l'inverse, pour Raoul Girardet et pour Serge Berstein, on ne saurait parler que d'un « fascisme diffus » - c'est-à-dire d'une utilisation, par les ligues, des formes extérieures du fascisme sans que la doctrine fasciste elle-même eût été reprise. Cependant, tous s'accordent à considérer la journée du 6 février 1934 comme l'expression paroxystique de l'antiparlementarisme français.

FFI (Forces françaises de l'intérieur),

unités créées le 1er février 1944 par un décret du Comité français de libération nationale (CFLN) en vue de parachever l'unification des forces clandestines de la Résistance.

Au noyau ancien de l'Armée secrète des mouvements de résistance s'ajoutent les maquis, les FTP communistes et des éléments de l'Organisation de résistance de l'armée (ORA), formée d'anciens militaires de l'armée de l'armistice. L'unification demeure cependant largement théorique, les FTP conservant une réelle autonomie et les membres de l'ORA étant souvent rejetés.

Les FFI sont placées sous le commandement du général Kœnig, installé à Londres et secondé, en France, par douze délégués militaires régionaux et un délégué militaire national (Jacques Chaban-Delmas). Mais un violent conflit surgit entre le CFLN et le Conseil national de la Résistance (CNR), qui prétend contrôler les FFI et exercer leur commandement depuis la France, par l'intermédiaire de son comité militaire (le COMAC). La doctrine d'emploi des FFI suscite un conflit tout aussi violent, aux relents très politiques, entre partisans de « l'activisme » (pour l'essentiel les communistes) et de « l'attentisme » (le CFLN).

Il est difficile d'évaluer le nombre des FFI. Au début de 1944, on peut estimer qu'environ 80 000 volontaires sont mobilisables, mais la plupart ne sont pas armés. À l'été 1944, lors des combats de la Libération, les effectifs croîtront brusquement (390 000 selon certaines estimations, de l'ordre de 200 000 plus vraisemblablement), et 137 000 membres des FFI finiront par être incorporés dans l'armée régulière du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF).

FFL (Forces françaises libres),

bras armé de la France libre, constitué des officiers, des soldats et des volontaires qui se mettent sous les ordres du général de Gaulle après l'appel à la poursuite du combat lancé par ce dernier sur les ondes de la BBC, le 18 juin 1940.

Faibles à l'échelle des effectifs engagés dans le conflit (on ne compte dans leurs rangs que 70 000 soldats en 1943) et soumises à la stratégie des Alliés, les FFL représentent toutefois pour de Gaulle un précieux atout politique.

L'enrôlement de soldats rapatriés de Dunkerque ainsi que les ralliements de territoires coloniaux permettent, dès l'été 1940, la création d'une petite armée. Au Moyen-Orient, deux brigades sont constituées et combattent, aux côtés des Britanniques, en Érythrée (début 1941), au Levant (juin 1941), et s'illustrent, sous les ordres de Kœnig, à Bir Hakeim (mai-juin 1942). En février 1943, les deux brigades forment la Ire division française libre (DFL). En Afrique-Équatoriale française, le colonel Leclerc, même s'il ne dispose que de moyens dérisoires, s'empare pourtant de l'oasis de Koufra (mars 1941), où il prononce le serment solennel de ne cesser le combat qu'une fois Strasbourg libéré, puis du Fezzan italien (février 1942), avant de participer à la campagne de Tunisie au printemps 1943 et de fondre ses forces dans la 2e DB.