Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Gaule (suite)

En effet, à partir du VIIe siècle, les cités méditerranéennes (Phéniciens, Carthaginois, Étrusques, Grecs), à la recherche de matières premières indispensables à leur économie (métaux, bois, aliments, esclaves, etc.), pratiquent le cabotage le long des côtes, et implantent des comptoirs, proposant des produits de luxe aux chefs barbares. Ces produits (cratères, cruches en bronze, coupes) sont liés essentiellement à la consommation du vin, dont la production est encore inconnue sur le territoire gaulois, et qui exerce une fascination sur les notables indigènes. Bientôt naissent de véritables villes grecques : Marseille, fondée en 600 avant J.-C. par des Grecs originaires de Phocée en Turquie, puis ses dépendances - Ampurias, sur la côte catalane espagnole, mais aussi Nice, Antibes, Olbia (près d'Hyères), Agde, etc. Les rapports commerciaux se développent avec l'arrière-pays méditerranéen, où l'influence culturelle est directe et conduit à des innovations techniques (architecture en pierre, four et tour de potier, etc.), ainsi qu'à l'apparition de véritables villes à l'urbanisme orthogonal strict, entourées de murailles de pierre renforcées par des tours carrées ou semi-circulaires, et parfois dominées par un donjon, comme à Nages, Nîmes, Ensérune, Martigues ou Entremont. On parle alors, à partir du VIe siècle, mais surtout du Ve, d'une « civilisation des oppidums » à propos de la France méditerranéenne.

Le commerce de luxe méditerranéen atteint aussi le monde hallstattien, par la vallée du Rhône et les cols alpins. Mais le pouvoir des chefs hallstattiens, fondé sur l'échange de produits de luxe et sur le prestige, reste visiblement fragile, et, dès le début du Ve siècle, les résidences princières sont abandonnées, tandis que les tombes très luxueuses disparaissent. C'est le commencement du second âge du fer, ou « période de La Tène », qui, dans l'espace du complexe nord-alpin, n'est marqué par aucune rupture fondamentale dans les traditions stylistiques et ne s'accompagne pas de mouvements de population particuliers. Il s'agit en fait du retour à des formes sociales plus simples, entraînant la disparition temporaire de l'artisanat et du commerce de luxe. L'archéologie a bien mis en évidence dans le Bassin parisien les petits villages de cette époque, régulièrement échelonnés le long des cours d'eau tous les quatre ou cinq kilomètres. Ils se composent de maisons quadrangulaires en bois, mesurant de 5 à 10 mètres de long, coiffées de toits à double pente. L'agriculture repose sur les céréales, et l'élevage, sur le bœuf et surtout le porc, accessoirement le mouton et la chèvre. La basse-cour est déjà présente, tandis que la chasse occupe désormais une place limitée.

Les migrations celtiques

Au IVe siècle avant J.-C., on assiste de nouveau à une hiérarchisation sociale. Les personnages les plus importants sont inhumés sur des chars de guerre à deux roues, et accompagnés de vaisselle de bronze, importée ou locale, d'objets de parure et de pièces de harnachement. De telles tombes princières sont particulièrement spectaculaires en Champagne, même si elles sont présentes également dans le sud de la Belgique et en Rhénanie. Mais les IVe et IIIe siècles sont surtout caractérisés par de nombreux mouvements de population, dits « mouvements celtiques », dont les textes antiques et la recherche archéologique rendent compte précisément. Partis de la zone d'origine du complexe nord-alpin, ils s'orientent dans différentes directions. Ils semblent dus à la croissance continue de la population et à l'attrait des civilisations méditerranéennes d'où étaient issus les objets de luxe. Ils aboutissent, dans les régions de départ, à un affaiblissement des différenciations sociales, les tombes riches disparaissant à nouveau. Dans certains territoires, ces migrations se présentent comme une colonisation dense : ainsi en Europe centrale et orientale (Slovaquie, Transylvanie, Serbie), et jusqu'en Turquie (royaume des Galates). Dans d'autres, la domination celtique sera plus éphémère : siège de Rome par Brennus en 385 avant J.-C., attaque de Delphes en 279 avant J.-C. Ailleurs, enfin, il semble que les populations celtiques se soient mêlées aux autochtones, engendrant des civilisations mixtes : ainsi parle-t-on de « Celtibères » en Espagne, ou de « Celto-Ligures » en Provence.

Ce dernier cas de figure est en fait assez complexe à saisir. C'est parce que s'y mêle une question linguistique. On appelle en effet langues « celtiques », un groupe de langues qui ne sont plus parlées aujourd'hui que dans les îles Britanniques (Irlande, pays de Galles, Écosse et, anciennement, Cornouailles et île de Man) et en Bretagne (le breton résulte d'une colonisation médiévale issue des îles Britanniques). Or, le peu que nous sachions des parlers gaulois (dont on trouve de rares traces écrites sur des inscriptions funéraires ou votives) les classe aussi parmi les langues celtiques. Mais on ignore la date d'arrivée exacte des porteurs de ces langues, même si l'on tend généralement à faire coïncider complexe nord-alpin, Celtes et langues celtiques. Le débat est vif en Grande-Bretagne, où certains archéologues ne décèlent pas de colonisation massive à l'époque des mouvements celtiques des IVe et IIIe siècles avant J.-C., ce qui reporterait bien avant dans le temps la « celtisation » de cette région. Un problème identique se pose pour la moitié sud de la France. On y remarque, au IIIe siècle avant J.-C., l'arrivée d'objets typiquement celtiques tels que les armes et les parures de la nécropole d'Ensérune, tandis que la poterie poursuit, semble-t-il, les traditions indigènes. Mais, par ailleurs, une partie des populations rencontrées par les commerçants méditerranéens semble porter déjà des patronymes celtiques : c'est le cas des Ségobrives, sur le territoire desquels s'implante Marseille en 600 avant J.-C., donc avant les mouvements celtiques. Ainsi, il y a actuellement débat sur la caractérisation culturelle et ethnique de ces populations méridionales.