Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Clemenceau (Georges), (suite)

« Le Père la Victoire ».

• L'entrée en guerre réveille l'ardeur du polémiste : les faiblesses, les fautes, les insuffisances des responsables, sont impitoyablement dénoncées dans son journal lancé en mai 1913, l'Homme libre, qui, interdit par le ministre de l'Intérieur en septembre 1914, reparaît sous le titre de l'Homme enchaîné. L'accession à la présidence des commissions sénatoriales de l'Armée et des Affaires étrangères, la réunion de « comités secrets » (séances à huis clos) du Sénat, représentent pour lui des occasions de se livrer à un sévère contrôle sur les gouvernements successifs : dans ce cadre, il s'informe, exerce des pressions, se soucie du sort des soldats, engage, en 1917, le combat contre le « défaitisme ». En novembre 1917, alors qu'une crise profonde sévit sur le front et à l'arrière, le président Poincaré, que Clemenceau avait combattu lors de son élection en 1913, fait appel à lui pour former le gouvernement. Le Tigre constitue un gouvernement composé d'hommes choisis à titre personnel, sans considérations de dosage partisan. Il ne rencontre guère d'opposition, sinon celle des socialistes et de certains radicaux. Il dirige alors avec un style très personnel, réglant les affaires entouré d'un petit nombre de conseillers, notamment le général Mordacq et Georges Mandel, mais faisant fréquemment appel à la confiance des Chambres. C'est avec l'appui de l'opinion publique, et en étroite coopération avec les chefs militaires, que le Tigre, mû par le souci constant de maintenir le contact avec les combattants, mène le pays à la victoire finale. Celle-ci acquise, il lui reste à négocier les conditions de paix.

Il ne partage nullement les vues du président américain Wilson concernant l'organisation future de l'Europe, mais il doit tenir compte à la fois des impératifs posés par la sécurité de la France et du point de vue des alliés anglo-saxons : le traité de Versailles (28 juin 1919) résulte d'un compromis entre ces différentes exigences. Clemenceau pense alors terminer sa carrière par l'accession à la magistrature suprême. Même si la nouvelle majorité de la Chambre « bleu horizon » admire l'homme qui a conduit la guerre, elle se méfie de l'anticlérical ; et, de nombreux parlementaires de tous bords ayant subi ses attaques ou ses sarcasmes, l'un de ses vieux rivaux, Aristide Briand, peut aisément mener la campagne qui aboutit à l'élection de Paul Deschanel à la présidence de la République (janvier 1920). Déçu et amer, le Père la Victoire s'éloigne définitivement de la vie politique. Il publie ses réflexions dans une ultime profession de foi positiviste : Au soir de la pensée (1927).

« Complice des communards », « tombeur de ministères », « briseur de grèves », « dictateur », mais aussi « Père la Victoire », Clemenceau laisse une image contrastée. Mais on peut observer que toute sa vie politique, si remplie et si ardente, a témoigné de son souci de concilier deux aspirations complémentaires : l'affirmation de l'autorité de l'État républicain, garant des libertés, et la primauté de l'individu, qu'il a toujours considérée comme la finalité dernière de l'organisation collective.

Clément V (Bertrand de Got),

pape de 1305 à 1314 (Villandraut, Gironde, milieu du XIIIe siècle - Roquemaure, Gard, 1314).

Fils de Béraut de Got, seigneur de Villandraut en Guyenne, Bertrand suit la carrière ecclésiastique de son frère Béraut, nommé cardinal par le pape Célestin V. Évêque de Comminges et juriste dans la Guyenne anglaise, il sert naturellement le roi d'Angleterre Édouard Ier et devient, grâce à lui, archevêque de Bordeaux en 1299.

Son élection comme pape en 1305, lors du conclave de Pérouse, marque un compromis entre les cardinaux profrançais et leurs opposants. Héritier du conflit qui met aux prises Boniface VIII et Philippe le Bel, Clément V est certes un pape faible, mais non soumis au roi de France. S'il ne rejoint pas Rome, c'est en raison des troubles qui y règnent ; en 1309, il s'installe à titre provisoire en Avignon (le Comtat Venaissin appartient alors à la papauté).

Deux différends, qui l'opposent à Philippe le Bel, le retiennent en France : l'affaire de l'ordre des Templiers et le procès posthume du pape Boniface VIII. En 1307, le roi fait arrêter tous les templiers et demande au pape la condamnation de l'ordre. Clément V temporise et adopte une demi-mesure : au concile de Vienne (1311-1312), l'ordre est supprimé mais non condamné. La même attitude temporisatrice lui permet de sauver la mémoire de Boniface VIII : la bulle Rex gloriae virtutem, de 1311, ménage la politique royale sans pour autant condamner le pape défunt.

Pape du procès des Templiers et de l'installation de la papauté en Avignon, Clément V souffre d'une mauvaise réputation. En position de faiblesse, il temporise et négocie pour éviter le pire, louvoyant sans cesse entre compromis habile et compromission douteuse.

Clément VII (Robert de Genève),

antipape de 1378 à 1394 (Genève 1342 - Avignon 1394).

Fils du comte de Genève Amédée III et de Mahaut de Boulogne, Robert de Genève est apparenté à la famille impériale et à celle des rois de France. Neveu du puissant cardinal Gui de Boulogne, il devient en 1364 évêque de Thérouanne et, en 1371, le « cardinal de Genève ». Le pape Grégoire XI, pressé de quitter Avignon pour rentrer à Rome, l'envoie en 1376, en qualité de légat, mater les révoltes dans les États de l'Église. Le pape retourne à Rome début 1377 et y meurt en 1378. L'élection de son successeur, Urbain VI, dans un climat d'émeute, est très vite contestée. Les cardinaux du parti français le déposent et élisent en septembre 1378 le cardinal de Genève, Clément VII. C'est l'origine du Grand Schisme, qui va déchirer la chrétienté pendant plus de quarante ans, jusqu'en 1417. En effet, Urbain VI, fort du soutien des cardinaux italiens, ne désarme pas. Clément VII est, lui, soutenu par la curie, le roi de France, les royaumes espagnols, mais, ne pouvant s'imposer en Italie, regagne Avignon en 1379. L'appui militaire de Louis d'Anjou ne lui permet pas de reconquérir l'Italie, et la mort d'Urbain VI en 1389 aggrave le schisme, car les Italiens élisent un nouveau pape. La rupture est consommée à la mort de Clément VII, en 1394, par l'élection de son successeur avignonnais. Courageux et diplomate, Clément VII est perçu comme légitime par la curie et plus de la moitié de la chrétienté, mais le contexte politique de la guerre de Cent Ans a durci les positions des différents adversaires.