Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
N

noblesse d'Empire,

groupe social composé des récipiendaires de titres nobiliaires créés par le statut du 1er mars 1808.

Dès le Consulat, Napoléon prévoit une réorganisation de la société française opérant une synthèse des principes de l'Ancien Régime et des données révolutionnaires : c'est dans ce sens qu'il crée, en 1808, une hiérarchie de titres nobiliaires, des chevaliers aux princes en passant par les barons, les comtes et les ducs.

Une méritocratie.

• Ces nouveaux titres récompensent le mérite et donnent naissance à une noblesse ouverte et respectueuse de l'égalité. Ils sont attribués à tous les titulaires de hautes fonctions : grands dignitaires, ministres, sénateurs, conseillers d'État, présidents du Corps législatif, archevêques, membres les plus éminents des cours de justice. Ils honorent également ceux qui se sont distingués sur les champs de bataille : la nouvelle noblesse compte, en effet, 67,9 % de militaires. Les anoblis reçoivent généralement des dotations et jouissent d'un seul privilège : celui de constituer des majorats, part de leur biens fonciers transmise à leur fils aîné sans être soumise au partage successoral. L'anoblissement par l'Empire ne touche qu'un groupe restreint de quelque 3 600 individus. S'il a permis l'ascension d'enfants du petit peuple, du moins lorsqu'ils disposaient d'une instruction suffisante, il a surtout consacré la réussite de fils de la bourgeoisie. Ceux-ci constituent plus de 50 % de la nouvelle noblesse et incarnent, de par leur formation, la France des Lumières, ce qui explique qu'ils aient été les soutiens d'une Révolution modérée. Mais, destinée à être le creuset de la fusion des élites, la noblesse impériale comprend 22 % de membres du ci-devant second ordre. Soudés par de nombreux liens d'amitié et de parenté, unis par un intérêt commun pour la propriété foncière et les biens nationaux, insérés dans la vie châtelaine et la vie de cour, préoccupés de l'honneur de leur nom, les titrés impériaux affirment, souvent dès la première génération, une réelle identité noble.

Une unité brisée.

• Cependant, l'unité du groupe se brise après 1815 : les deux tiers de ces nobles de fraîche date négligent d'obtenir une reconnaissance individuelle de leurs titres par les nouveaux souverains. En outre, 47 % d'entre eux demeurent sans postérité : à la fin du XIXe siècle ne subsistent que 475 lignages. Enfin, 2 anoblis sur 5 subissent un déclassement social, au terme duquel leur lignage rejoint les couches moyennes. Le reste du groupe, en revanche, se mêle, par mariage, aux noblesses anciennes et nouvelles ou à la haute bourgeoisie, et ce dès la première génération. Toutefois, un noyau demeure fidèle aux principes fondateurs établis par Napoléon : en proclamant leur dévouement à la nouvelle dynastie, ils cristallisent une identité conforme aux vœux de l'Empereur.

De dignes héritiers.

• Par la suite, les héritiers des lignages qui échappent au déclin participent à la « réinvention de la noblesse » (Claude Brelot). Ils sont, par leur éducation, encouragés à cultiver le goût de la réussite personnelle. Respectueux des devoirs qu'impliquent leurs titres gagnés sous l'Empire, ils s'emploient à se distinguer dans les hautes fonctions civiles et militaires, et jouent un rôle précurseur dans l'adhésion des élites à la méritocratie. La noblesse impériale demeure donc une noblesse d'épée : 54 % des fils d'anoblis dont la profession est connue deviennent officiers ; il en est de même pour 45 % des petits-fils. Et, si la tradition militaire décline, les anoblis ne quittent pas pour autant le service de l'État : 37 % des fils des anoblis font carrière au Conseil d'État, dans les ministères, les préfectures, la diplomatie ou la magistrature ; à la troisième génération, 38 % des anoblis choisissent ces voies administratives. De plus, nombreux sont ceux qui font œuvre de pionniers dans le monde des affaires, à l'instar, par exemple, du maréchal Soult.

En définitive, Napoléon est parvenu à créer une nouvelle élite, qui a joué un rôle non négligeable dans la société française du XIXe siècle en proposant aux élites traditionnelles un modèle de réussite fondé sur les talents personnels.

Nogaret (Guillaume de),

légiste (Saint-Félix-de-Caraman, dans l'actuelle Haute-Garonne, vers 1270 - 1313).

Guillaume de Nogaret contribue à la laïcisation du pouvoir civil si caractéristique du règne de Philippe le Bel. L'attribution d'un fondement juridique, et non plus théologique, à l'exercice du pouvoir royal, qui vise à libérer ce dernier du pouvoir spirituel exercé par la papauté, est en effet l'œuvre des légistes du roi.

D'abord conseiller juridique du roi de Majorque, Guillaume de Nogaret enseigne le droit à l'université de Montpellier. Ce docteur en droit civil est alors remarqué par Philippe le Bel, qui l'appelle à son service en 1294 et le charge notamment de la réforme administrative du comté de Champagne, avant de l'anoblir en 1299. Après la mort de Pierre Flotte (1302), Guillaume de Nogaret occupe une position politique de premier ordre et devient garde des Sceaux en 1307. Il joue un rôle majeur dans la controverse entre le roi et le pape Boniface VIII qui revendique la suprématie du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel. Sous l'influence de l'éminent légiste qui cherche à défendre les prérogatives royales contre les prétentions papales, Philippe le Bel accepte l'accusation d'hérésie prononcée contre lui par son rival. Tandis que Boniface VIII s'apprête à excommunier le roi, Guillaume de Nogaret se trouve mêlé à l'arrestation du pape à Anagni, en 1303. Il mène en même temps les poursuites qui conduisent à l'arrestation des templiers en 1307 et à leur procès, dont les interrogatoires sont confiés à l'Inquisition. Le réalisme l'emportant désormais sur le juridisme des légistes, le roi remplace Guillaume de Nogaret par Gilles Aycelin au poste de garde des Sceaux en 1309.

Noir (Yvan Salmon, dit Victor),

journaliste (Attigny, Vosges, 1848 - Auteuil 1870).

Sa mort tragique a fait de lui un symbole républicain. À peine engagé à la Marseillaise de Rochefort comme rédacteur, il se rend le 10 janvier 1870 avec Ulric de Fonvielle chez le prince Pierre Bonaparte, en qualité de témoin du journaliste Paschal Grousset de la Revanche, dont les rédacteurs se considèrent insultés par les articles de l'Avenir de la Corse, journal du prince. Pierre Bonaparte, exaspéré par un article de Rochefort, tue Victor Noir à bout portant. Napoléon III accepte de faire arrêter et juger son cousin en Haute Cour. Le 12 janvier 1870, jour de l'enterrement, une foule très nombreuse et hostile à l'Empire se rend, à l'appel de Rochefort, à Neuilly, au domicile de Victor Noir. Certains révolutionnaires, sous la conduite de Gustave Flourens, tentent d'entraîner le cortège vers le Père-Lachaise, mais, devant les risques d'affrontement avec la troupe, Rochefort exhorte la foule au calme, puis l'invite à se disperser lors du retour à Paris. À la demande d'Émile Ollivier, il est cependant mis en accusation, arrêté le 7 février, et emprisonné jusqu'au 4 septembre, où la foule le libère. Le 25 mars, Pierre Bonaparte est acquitté, malgré les charges qui pèsent contre lui.