Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Drancy (camp de), (suite)

Le 27 mars 1942, 565 internés du camp de Drancy se trouvent dans le premier convoi de déportés pour Auschwitz. Le tournant est amorcé, qui voit la transformation de Drancy, à l'été 1942, en camp de transit pour les camps d'extermination. Après la rafle du Vel'd'hiv', puis celles perpétrées en zone occupée ou en zone sud, la vie du camp - par lequel transitent aussi désormais, femmes et enfants - est rythmée par les déportations : trois convois de 1 000 Juifs par semaine de juin à novembre 1942, puis une nouvelle « pointe  » en février-mars 1943, une autre encore en juin-juillet1943, et enfin un flux régulier de septembre 1943 à la Libération. Dès la mi-1943, les internés juifs français subissent le même sort que les apatrides ou autres étrangers (seuls échappent à la déportation les Turcs, les Italiens ou les Suisses, ainsi que les conjoints d'« aryennes »).

Le 2 juillet 1943, les Allemands prennent officiellement la direction de Drancy, sous le commandement d'Aloïs Brunner, instaurant un climat de terreur jusqu'au 17 août 1944, date à laquelle ils quittent le camp avec un dernier convoi de 51 déportés. La Croix-Rouge libère les derniers 1 386 internés. Le camp de Drancy, où sont passés la grande majorité des 75 721 Juifs déportés de France, reçoit dès lors les collaborateurs arrêtés par les résistants.

Drap d'or (camp du),

camp dressé par François Ier pour recevoir - du 7 au 24 juin 1520 - le roi d'Angleterre Henri VIII Tudor, dans le but d'en faire un allié contre Charles Quint.

Ce dernier, roi de Castille et d'Aragon, vient en effet d'être élu au trône du Saint Empire romain germanique (1519) ; la France des Valois est dès lors encerclée entre les possessions des Habsbourg. Aussi François Ier, candidat malheureux à l'élection, cherche-t-il à impressionner Henri VIII afin de gagner son amitié : près du port de Calais sous domination anglaise, dans une plaine entre Guînes et Ardres, il fait monter un camp pour le recevoir, sous sa tente tissée de drap d'or et doublée de velours bleu. Mais, loin d'être conquis, le souverain anglais se montre indisposé par ce faste, par le luxe que déploie la cour du souverain du royaume le plus peuplé d'Europe et par la prestance même du monarque. Henri VIII poursuit son voyage, rencontre Charles Quint à Gravelines et signe avec lui le traité de Calais le 14 juillet 1520 ! Ces deux entrevues séparées, mais impliquant trois jeunes souverains qui commencent chacun leur long règne, constituent l'une des premières démarches dans lesquelles s'esquisse le futur souci d'équilibre européen entre grandes puissances : France, Angleterre, Espagne, Empire.

drapeau.

D'abord simple signe de ralliement des troupes, le drapeau devient, avec la Révolution et l'affirmation de l'idée de nation, le symbole même du pays. Au XIXe siècle, ses couleurs représentent un enjeu politique.

Du blanc au tricolore.

• Longtemps, l'étendard, sur lequel figurent les armes des chefs de régiment, ou une croix sur fond uni, permet au soldat de retrouver son unité. Le drapeau blanc des colonels généraux, quand ceux-ci commandent en l'absence du roi, signifie que les troupes sont placées sous leur seule autorité ; puis il devient prérogative royale lorsque Louis XIV abolit leurs charges en 1661. Mais la monarchie reconnaît pour seuls emblèmes l'azur, réputé remonter aux Mérovingiens, et les lys, apparus au XIIe siècle, encore que les Capétiens directs aient porté le rouge de saint Denis, protecteur du royaume.

La Révolution a besoin d'un signe de ralliement, et la tradition veut que, le 17 juillet 1789, Louis XVI, reçu par Jean Bailly, maire de Paris, ait ajouté un ruban bleu et rouge - les couleurs de la ville - à la cocarde blanche de son chapeau. En fait, ces trois couleurs ont été adoptées auparavant par La Fayette pour la Garde nationale, mêlant le blanc des gardes-françaises ralliées au bleu et au rouge de la milice parisienne. La fête de la Fédération consacre ces trois couleurs et les premières victoires remportées sous le signe de l'étendard tricolore assurent leur pérennité, malgré quelques réticences de conventionnels, lorsque s'effondre la monarchie constitutionnelle. Leur ordre reste imprécis jusqu'au décret du 15 février 1795, qui le fixe définitivement, et est copié ensuite par nombre de pays. Napoléon rêve, un temps, de vert et d'or, mais l'armée est si attachée au drapeau tricolore de ses victoires que l'Empereur se contente de remplacer le fer de lance de la hampe par un aigle.

Des conflits au consensus.

• Le 18 avril 1816, la Restauration impose le drapeau blanc, qu'émigrés et vendéens ont arboré en l'absence du roi, comme avant 1661. Mais il est identifié à la réaction ultra, de sorte que l'ancien drapeau tricolore reste cher aux libéraux, et réapparaît en 1830. Louis-Philippe Ier déclare : « La nation reprend ses couleurs. » Celles-ci ne sont plus assimilées à un régime, mais au pays. Lamartine les défend en 1848, au nom des souvenirs révolutionnaires et impériaux ; elles sont conservées par Napoléon III, puis par les républiques successives, et même par le régime de Vichy. Les tentatives de restauration du comte de Chambord, en 1873 principalement, échouent en partie à cause de l'attachement du prétendant au trône au drapeau blanc et à ce qu'il symbolise.

Le drapeau tricolore est alors réputé transcender la politique et les régimes. Peut-être parce que, plus qu'au drapeau blanc, il s'oppose désormais au drapeau rouge : signe de l'instauration de la loi martiale, ce dernier a été hissé par les forces de l'ordre avant l'assaut, lors de la fusillade du Champ-de-Mars (juillet 1791) ; en souvenir, Paris le déploie en juillet 1792 pour marquer son hostilité à la monarchie. Il flotte ensuite sur les barricades en 1832. En 1848, Lamartine le repousse, contre ceux qui y voient le « symbole de [leurs] misères et de la rupture avec le passé ». La Commune l'adopte, et il demeure le drapeau de la révolution sociale face à la France « bourgeoise ». Mais les socialistes dès août 1914, puis les communistes à partir de 1934, lui associent - voire lui substituent - les trois couleurs. Par ailleurs, l'aura du drapeau noir, signifiant à l'origine « pas de quartier », ne dépasse pas les frontières du mouvement anarchiste. Le drapeau tricolore, quant à lui, a longtemps fait l'objet d'un culte, développé avec les guerres de la Révolution et de l'Empire, culminant sous la IIIe République, mais s'affaiblissant à la fin du XXe siècle. Ainsi, il n'est plus scandaleux ni étrange aujourd'hui que des mairies mêlent les couleurs régionales à celles de la France, ou que, depuis 1988, le président de la République s'adresse aux Français sur fond de drapeaux français et européen. Mais est-ce l'attitude envers le drapeau qui change, ou celle envers la nation ?