Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Lavoisier (Antoine Laurent de),

chimiste (Paris 1743 - id. 1794).

Scientifique rigoureux, initiateur de la chimie moderne, esprit éclairé attentif au progrès social, économiste et financier talentueux, Lavoisier occupe une place de choix dans la société française de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Issu d'une famille aisée du grand négoce parisien, élève du Collège des Quatre-Nations, il étudie le droit, et devient avocat au parlement de Paris en 1764. Mais, délaissant sa charge, il s'engage très vite dans la voie de la recherche scientifique et, à partir de 1772, se consacre à la chimie. Cette science connaît une évolution importante depuis le XVIIe siècle. Elle se concentre particulièrement sur l'étude de la composition de l'air, qui figure au cœur des problèmes posés par les phénomènes de combustion. La théorie qui prédomine alors suppose l'existence d'un « principe fondamental du feu », le phlogistique, présent dans tous les éléments combustibles. Se dégageant lentement de cette théorie, Lavoisier parvient, à la fin des années 1770, à identifier le principe combustible de l'air, qu'il nomme « oxygène ». Plus tard, en 1784, il démontre que l'eau est composée d'oxygène et d'hydrogène, et réussit ainsi, dans une expérience de 1785, à recomposer de l'eau. Sur la base de ces découvertes, qui ont rendu caduque la théorie phlogistique, il réordonne, avec Antoine de Fourcroy, Louis Guyton de Morveau et Berthollet, la nomenclature chimique dans un ouvrage de 1787 et, deux ans plus tard, publie un Traité élémentaire de chimie qui lui permet de diffuser et, finalement, d'imposer ses idées. Ses travaux ont été en grande partie financés grâce à l'immense fortune qu'il a accumulée en qualité de fermier général, un poste qu'il occupe depuis 1779. Financier fortuné, pensionnaire de l'Académie des sciences dès 1778, régisseur des Poudres et salpêtres, Lavoisier est une personnalité influente. Député suppléant aux états généraux de 1789, il accueille avec enthousiasme la Révolution et se consacre désormais à des fonctions publiques en relation avec la comptabilité nationale. Administrateur de la Caisse d'escompte, puis commissaire de la Trésorerie nationale en 1791, il rédige De la richesse territoriale du royaume de France, qui apparaît, après celles de Vauban et de Quesnay, comme l'une des meilleures descriptions économiques de la France au XVIIIe siècle. Arrêté le 28 novembre 1793 en qualité de fermier général, il sera condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire le 8 mai 1794 et guillotiné le jour même avec ses collègues de la Ferme générale.

Law (système de),

plan de réorganisation du système financier et économique tenté sous la Régence entre 1716 et 1720.

À sa mort en 1715, Louis XIV laisse un bilan désastreux : la dette de l'État est considérable et le commerce, plus que languissant. Une telle situation est due non seulement aux dépenses militaires et aux défaillances de la monarchie, incapable d'organiser ses finances - laissées aux soins de « financiers », tels les fermiers généraux -, mais aussi à la raréfaction du stock de monnaie métallique. L'Écossais John Law convainc le Régent (Philippe d'Orléans) de le laisser mettre en place un système novateur. En effet, il s'agit selon lui de relancer l'activité économique grâce à la multiplication des moyens d'échange et à leur rapide circulation, ainsi qu'à l'essor du crédit fondé sur la confiance. Aussi propose-t-il la création d'une banque d'État capable de drainer le stock métallique, puis d'émettre en abondance un papier-monnaie devant, à terme, supplanter le numéraire. Adjointe à cette banque, une grande compagnie de commerce, ayant le monopole du commerce extérieur, pourra seconder l'État - dont elle sera l'unique créancier - en percevant l'impôt et en se chargeant de la dette publique convertie en actions. Le 2 mai 1716, Law crée la Banque générale, qui émet des billets acceptés des caisses de l'État et devient Banque royale en 1718. En outre, en 1717, il fonde la Compagnie d'Occident, qui obtient le monopole de l'exploitation de la Louisiane - colonie dépeinte comme un nouvel Eldorado. En 1719, Law obtient le monopole du commerce extérieur, puis celui des monnaies et, enfin, le bail des fermes générales, tandis que les rentes sur l'État sont supprimées et déclarées remboursables en actions de la compagnie - devenue Compagnie des Indes -, dont le cours connaît une hausse vertigineuse du fait de l'agiotage. En janvier 1720, Law est nommé contrôleur général des Finances ; en février, la Banque et la Compagnie sont réunies.

Mais Law a émis d'énormes quantités de billets - richesses factices - et laissé la spéculation s'étendre alors que la colonisation de la Louisiane n'a guère progressé et que le négoce est loin de suivre. L'annonce des maigres dividendes de la compagnie provoque la vente frénétique des titres, qui chutent, Law ruinant sa banque pour racheter les actions et en maintenir le cours, le public s'empressant durant l'été de changer ses billets en métal. À l'automne 1720, c'est la banqueroute. Cet échec retentissant et traumatisant - il ruine des milliers de familles - engendre une défiance envers le papier-monnaie, le crédit et la banque dans une France qui ne rattrapera son retard en ce domaine qu'au XIXe siècle.

Lebrun (Albert),

président de la République de 1932 à 1940 (Mercy-le-Haut, Meurthe-et-Moselle, 1871 - Paris 1950).

Major de Polytechnique, conseiller général de Briey en 1892, parrainé par Alfred Mézières, à qui il succède comme député en 1900, il devient sénateur en 1920, ministre des Colonies de 1911 à 1914, du Blocus et des Régions libérées de 1917 à 1919. Avec des hommes tels que Paul Reynaud, il incarne la relève de l'Alliance républicaine démocratique. En 1931, il bat de huit voix Jules Jeanneney à la présidence du Sénat. Cette fonction, son effacement politique et le retrait de Painlevé lui permettent d'être élu à la présidence de la République le 10 mai 1932. De fait, il n'a guère d'in-fluence, bien qu'il songe à former un gouvernement d'union nationale avant même le 6 février 1934, et qu'il ait la tentation de démissionner en 1936 plutôt que de nommer Blum chef du gouvernement ; mais il se résout à appeler ce dernier à la présidence au Conseil. En 1939, Daladier le pousse à se représenter pour contrecarrer une candidature de Bouisson, proche de Laval et prêt à un accord avec Hitler. Mais, le 16 juin 1940, persuadé que la majorité des ministres veut l'armistice, Lebrun cède à la forte pression d'une minorité rassemblée autour de Pétain, qu'il appelle à la tête du cabinet à la place de Paul Reynaud, puis s'efface - sans démissionner - lorsque le Maréchal, fort de ses pleins-pouvoirs, se proclame chef de l'État. Albert Lebrun a été sévèrement jugé ; dans ses Mémoires, de Gaulle note : « Comme chef de l'État, deux choses lui avaient manqué : qu'il fût un chef ; qu'il y eût un «État». »