Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Chanson de Roland (la), (suite)

Tout porte à croire qu'un homme de génie (Turold ?) s'est emparé d'une légende fondée sur un événement frappant pour les esprits, qui s'est transmise oralement et s'est peu à peu déformée et enrichie. Mais, s'il la fixe justement vers 1100, c'est qu'il est porté par des circonstances politiques et idéologiques favorables. Si la Chanson, hormis des qualités littéraires intrinsèques irréductibles à la seule analyse des contextes, reste un témoignage historique essentiel, c'est moins en ce qu'elle relate un événement que dans la mesure où elle révèle les influences idéologiques caractéristiques de l'aube du XIIe siècle.

Chantiers de jeunesse, groupements de jeunesse créés par le général de La Porte du Theil en juillet 1940 et destinés à occuper les jeunes Français de la zone libre soustraits au service militaire par la signature de l'armistice.

Dans le cadre de stages d'une durée de huit mois, rendus obligatoires à partir de janvier 1941, les Chantiers de jeunesse privilégient la vie au grand air et les exercices physiques, sans armes. Le travail - travaux forestiers, restauration de bâtiments... - se veut éducatif. L'organisation en équipes et la tenue de veillées visent à favoriser le sens de la communauté. Une formation civique et morale complète le dispositif. En pratique, les Chantiers servent surtout à fournir du charbon de bois à une France victime de la pénurie. Lorsque le Service du travail obligatoire (STO) est mis en place en 1943, les jeunes des Chantiers deviennent des recrues toutes désignées pour les Allemands à la recherche de main-d'œuvre.

Présentés par leurs plus farouches partisans comme une armée de remplacement préparant en secret la libération du pays, les Chantiers de jeunesse apparaissent plutôt comme une des principales courroies de transmission du régime de Vichy. La mystique d'une jeunesse régénérée, l'usage intensif d'une propagande maréchaliste, rejoignent les préoccupations de dignitaires soucieux de mettre en place un ordre nouveau. Toutefois, s'ils ont parfois suscité l'admiration, les Chantiers se sont assez vite heurtés à l'apathie, voire à l'hostilité, de jeunes de plus en plus nombreux à rejoindre le maquis après 1941. Quant aux Allemands, ils ont longtemps considéré les Chantiers comme d'inoffensifs lieux de travail forcé. Mais, lorsque La Porte du Theil manifeste une hostilité trop affichée à leur égard, ils forcent Laval à le démettre. À la fois désorganisés et devenus trop encombrants pour l'ennemi, les Chantiers sont dissous en juillet 1944, laissant la trace d'une « institution emblématique » (selon l'historien Jean-Pierre Azéma) de la période vichyste.

Chaptal (Jean Antoine),

comte de Chanteloup, chimiste, industriel et homme politique (Nojaret, Lozère, 1756 - Paris 1832).

Fils d'un petit propriétaire, docteur en médecine, titulaire en 1780 de la première chaire de chimie de la faculté de médecine de Montpellier, Chaptal est avant tout un entrepreneur et un expérimentateur dynamique. Son aisance financière lui permet de fonder une fabrique d'acides et d'alun artificiel qu'il vend à l'industrie textile languedocienne et espagnole.

Sous la Révolution, il mène une carrière administrative. S'il est inquiété en 1793 comme fédéraliste, la protection de Berthollet lui vaut en 1794 d'être nommé inspecteur des poudres et salpêtres du Midi, puis directeur d'une poudrerie parisienne. Il reprend dès 1795 ses activités professorale et manufacturière à Montpellier, puis, en 1798, s'installe à Paris, où il ouvre une seconde fabrique, enseigne la chimie à l'École polytechnique et est élu membre de l'Institut.

Nommé conseiller d'État par Bonaparte, il devient son ministre de l'Intérieur (distinct de la Police) en novembre 1800. Il supervise la réorganisation administrative de la France et la réalisation de nombreuses enquêtes départementales (dont la statistique des préfets), mais ses compétences s'exercent surtout dans les domaines économique et sanitaire. Il réactive chambres et tribunaux de commerce, dirige le cadastre national, fait bonifier les marais du Cotentin, améliore l'élevage par l'importation de races étrangères, la création de haras et de deux écoles vétérinaires. Promoteur de l'enseignement technique au travers des écoles d'arts et métiers, il soutient le développement industriel en organisant une exposition à Paris en 1801 et en fondant la Société d'encouragement à l'industrie nationale, qu'il préside. Il modernise le fonctionnement des écoles de pharmacie, des hôpitaux et des prisons, institue une école d'accouchements (pour former les sages-femmes). Sénateur après sa démission en juillet 1804, il fait prospérer ses activités industrielles : création de deux nouvelles fabriques, application de la chimie à la vinification - la « chaptalisation » est l'accélération de la fermentation du raisin par ajout de sucre - et à la production du sucre de betterave. Éphémère ministre d'État (à l'Agriculture, au Commerce et à l'Industrie) pendant les Cent-Jours, pair de France en 1815, il siège à la Chambre des pairs sous la Restauration et achève sa vie dans une modeste aisance après que la faillite de son fils en 1823 eut compromis sa fortune.

La volonté de renouveler les savoir-faire traditionnels par la diffusion des connaissances scientifiques traverse ses écrits, tels Éléments de chimie (1790), Chimie appliquée aux arts (1807), De l'industrie française (1819), Chimie appliquée à l'agriculture (1823).

charbonnerie,

ensemble de sociétés secrètes politiques (d'inspiration libérale, bonapartiste, républicaine ou révolutionnaire) en lutte contre la Restauration.

Issus de sociétés secrètes forestières - attestées au XVIIIe siècle en Bourgogne et en Franche-Comté -, influencés par les modèles de la franc-maçonnerie et des « Illuminés de Bavière », les « bons cousins charbonniers » empruntent aux carbonari italiens de Filippo Buonarroti (en lutte pour l'unité, l'indépendance et la liberté de la Péninsule) leur organisation en ventes - groupes restreints et fragmentés de militants unis par des serments rigoureux - et en grades - apprenti, maître -, ainsi que des méthodes de clandestinité auxquelles les contraignent l'interdiction de l'association politique (art. 291 du Code pénal) et des projets de conspiration ou d'insurrection.