Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Laffitte (Jacques), (suite)

À l'origine, la banque Laffitte est liée à la protection politique de Napoléon, et elle demeure une banque « politique », d'orientation libérale. Régent (1809), puis gouverneur (1814-1819) de la Banque de France, Laffitte est élu député libéral à plusieurs reprises entre 1815 et 1830 (à Paris, puis à Bayonne), avant de devenir, à la suite de la révolution de 1830 - à laquelle il participe activement - ministre sans portefeuille puis des Finances et, enfin, président du Conseil (novembre 1830 - mars 1831). Sa carrière est interrompue par la faillite de sa banque, lorsqu'il se trouve incapable de rembourser une avance de la Banque de France. Mais il garde une part de sa fortune, relance ses affaires en 1837, et retrouve un siège de député, alternativement à Paris et à Rouen, entre 1831 et 1842.

Météore de la politique et de la banque, Laffitte ne laisse aucune postérité solide, mais une trace durable dans les mémoires, celle d'un des grands « bourgeois conquérants » de la première moitié du XIXe siècle.

Lagrange (Léo),

homme politique (Bourg-sur-Gironde 1900 - Évergnicourt, Aisne, 1940).

Léo Lagrange s'engage dans les rangs socialistes dès 1921. En 1927, il participe à la création de « Bataille socialiste », une tendance interne à la SFIO opposée à toute participation gouvernementale. Député du Nord de 1932 à 1940, il argue de sa formation d'avocat pour rapporter l'affaire Stavisky à la Chambre. Mais c'est surtout dans le cadre du Front populaire que l'action du militant socialiste prend toute sa mesure. Chargé de l'organisation des Sports et loisirs au ministère de la Santé publique en juin 1936, Léo Lagrange passe l'année suivante sous l'autorité de Jean Zay à l'Éducation nationale et ajoute l'Éducation physique à ses fonctions. Il adopte un large éventail de mesures - billets populaires de congés annuels, tarifs réduits sur les hôtels et les installations touristiques, croisières populaires, développement de campings et d'auberges de jeunesse - destinées à promouvoir les loisirs pour les ouvriers. La démocratisation de la culture est une autre de ses priorités. Il cherche à réduire le coût des spectacles pour les organisations ouvrières, à subventionner les troupes théâtrales s'adressant à un public populaire, à promouvoir les prêts d'œuvres du Louvre à des musées de province, mais il ne réussit pas à mettre en place des cinémathèques et des bibliothèques ambulantes. Dans le domaine du sport, deux réalisations significatives peuvent être portées à son actif : le brevet sportif populaire et l'incitation à construire des stades urbains, notamment en banlieue. Lagrange oppose donc une vision démocratique de l'organisation des loisirs à l'embrigadement de la jeunesse proposé au même moment par l'Italie fasciste et l'Allemagne nazie. Personnage emblématique du Front populaire, inscrit au panthéon de la gauche française, il était honni des conservateurs, qui vilipendaient son « ministère de la paresse ». Hostile au défaitisme de la France, il s'engage dans l'armée française au début de la guerre et meurt au combat.

Laguiller (Arlette),

femme politique, porte-parole de Lutte ouvrière (Paris 1940).

Pour protester contre la guerre d'Algérie, elle rejoint dès 1960 le PSU, puis en 1963 l'Union communiste internationale, reconstituée après mai 68 sous le nom de Lutte ouvrière (LO), organisation trotskiste caractérisée par un goût du secret, nécessaire pour préparer la révolution : « Les travailleurs devront détruire l'appareil d'État de la bourgeoisie. » Lutte ouvrière présente Arlette Laguiller, « Saint-Just au féminin » selon le Figaro, à l'élection présidentielle de 1974 : elle réunit alors 2,3 % des voix. Elle est de nouveau candidate aux élections présidentielles successives, obtenant 2,2 % des suffrages en 1981 et 1,9 % en 1988. En 1995, elle recueille le vote protestataire des déçus du socialisme, et son score de 5 % peut surprendre mais elle le renouvelle en 2002 (5,7%). Cette permanente syndicale de Force ouvrière (FO) au Crédit lyonnais, qui prend des congés sabbatiques pour faire campagne, bénéficie en effet de l'estime d'une partie de l'opinion publique, choquée par les scandales politiques et les « affaires », et qui apprécie sa simplicité et la constance de son programme : fidélité à Marx, Rosa Luxemburg, Lénine et Trotski, interdiction des licenciements dans les entreprises bénéficiaires, nationalisation des banques, augmentation des bas salaires et hausse des impôts sur les revenus de la bourgeoisie. Attendant le « grand soir », Arlette Laguiller affirme : « Je ne suis pas naïve, je sais bien que la révolution sera meurtrière, mais sans doute moins que les guerres, alors... »

laïcité.

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Cette définition, donnée à l'article 1er de la Constitution du 27 octobre 1946, a été reprise à l'article 2 de celle du 4 octobre 1958.

Si le mot de « laïcité » ne figure dans le dictionnaire que depuis 1871 - et il est significatif qu'il ait été admis d'abord dans celui de Littré, disciple d'Auguste Comte -, le caractère qu'il confère à la République française apparaît donc à la deuxième place, après l'unité, dans les textes qui la régissent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Déduction logique de la loi du 9 décembre 1905, loi de séparation des Églises et de l'État, dont l'article 2 stipule que « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » - mais cet article même ne faisait que réitérer la décision des députés de la Convention, formulée à l'article 354 de la Constitution de l'an III : « Nul ne peut être empêché d'exercer, en se conformant aux lois, le culte qu'il a choisi. - Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d'un culte. La République n'en salarie aucun ». La laïcité a ainsi été jugée indispensable et même consubstantielle à la République pour des raisons qui tiennent à la fois - Claude Nicolet l'a souligné - aux conditions historiques de son enracinement dans le pays et à ses présupposés philosophiques fondamentaux. Ce régime, qui apparaît à presque tous les Français d'aujourd'hui comme le seul garant de leur unité nationale, a mis près d'un siècle à recevoir l'appui de la majorité des citoyens, et quelques décennies encore à réduire ou à surmonter l'opposition de ceux qui en contestaient les principes ou en redoutaient les désordres. Et, tout au long de cette lutte commencée en 1792, l'Église dominante s'est rangée dans le camp de ses adversaires, obtenant d'eux, lorsqu'ils détenaient le pouvoir - sous la Restauration, sous le Second Empire, sous le gouvernement de Vichy -, les moyens de retrouver ou d'accroître son influence. L'alliancetraditionnelle entre le trône et l'autel suffit à expliquer l'intransigeance des laïques à chacune des grandes étapes de la consolidation républicaine. Défense laïque, bloc, puis front républicain : ce vocabulaire de combat, écho d'une mémoire militante, rappelle ce qu'il a fallu de patience et de volonté pour faire triompher l'idée républicaine de l'État-nation.