Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
V

Volney (Constantin François de Chassebœuf, comte de), (suite)

Ses préoccupations multiples, ses recherches en histoire et en linguistique placent Volney parmi les précurseurs des disciplines anthropologiques. Il est à la charnière du siècle des Lumières et du romantisme.

volontaires nationaux,

soldats de la Révolution, en principe engagés volontaires.

Le 12 juin 1791, inquiète des sentiments politiques de l'armée de ligne de l'Ancien Régime, l'Assemblée constituante décide de créer, parallèlement, des bataillons de volontaires issus de la Garde nationale. Soldats citoyens vêtus aux couleurs nationales (et surnommés les « bleus »), ils sont mieux payés que les soldats de ligne (les « culs-blancs », en raison de la couleur de leur uniforme) ; ils sont soumis à une discipline moins lourde et élisent leurs officiers et sous-officiers ; leur engagement est limité à une seule saison de campagne. Ce sont environ 100 000 hommes qui répondent à l'appel de la Constituante : 80 % d'entre eux ont moins de 25 ans, 66 % sont artisans, 23 % paysans, 11 % bourgeois. Leurs cadres sont en majorité des bourgeois ou des nobles favorables au compromis.

Lors de la crise politico-militaire de l'été 1792, l'Assemblée législative lance un nouvel appel aux volontaires (11 juillet). Dans un grand élan soutenu par la propagande révolutionnaire, des dizaines de milliers d'hommes s'engagent (15 000 à Paris ; probablement plus dans le Nord et dans l'Est que dans l'Ouest et le Sud) : on compterait alors un total d'environ 200 000 volontaires. Ceux de 1792 sont jeunes, d'origine plus populaire qu'en 1791. Majoritairement sans-culottes, ils élisent leurs officiers, eux-mêmes sans-culottes militants ; se considérant avant tout comme des citoyens, ils sont politisés, lisent les journaux, forment des clubs, supportent mal la discipline et, souhaitant instaurer dans leurs bataillons les mêmes rapports de « démocratie directe » que dans leurs sections, ils revendiquent le droit à la parole et le contrôle des officiers élus. Ils contribuent largement aux victoires de l'automne 1792 ; cependant, considérant que leur engagement militaire est provisoire, beaucoup rentrent chez eux à l'hiver.

Pour résoudre cette crise des effectifs, la Convention ordonne une « levée de 300 000 hommes », le 24 février 1793 ; le volontariat est maintenu, mais si le contingent demandé à chaque département n'est pas atteint, il doit être complété selon des modalités fixées localement. La levée provoque alors sentiments d'injustice et révoltes (notamment dans l'Ouest), et ne permet de réunir qu'environ 150 000 recrues. Par ailleurs, le 21 février 1793 est votée la loi de l'amalgame, pour mettre fin aux divisions entre les volontaires et la ligne : fusionnés au sein de demi-brigades, ils porteront le même uniforme, seront soumis à un traitement identique en matière de discipline, de règlement et de solde, l'avancement se faisant pour un tiers à l'ancienneté et pour deux tiers par élection et cooptation. Ayant pour but de « nationaliser » l'armée, l'amalgame n'est pleinement achevé qu'en 1795.

Voltaire (François-Marie Arouet, dit),

écrivain (Paris 1694 - id. 1778).

Fils indocile d'un homme de loi parisien originaire du Poitou, Voltaire est l'écrivain sans doute le plus illustre, sinon le plus génial, des Lumières françaises. Deux fois enfermé à la Bastille, en 1717 et en 1726, interdit de séjour à Paris à partir de 1753, mais visité par toute l'Europe dans son château de Ferney, il incarne à la fin de sa vie une des plus fortes nouveautés du siècle : le culte du grand homme. Avec lui, l'image chétive et vaguement ridicule de l'homme de lettres se métamorphose, jusqu'à la consécration : le transfert de ses restes au Panthéon, en 1791.

L'écrivain classique.

• Et pourtant, Voltaire débute par les genres les plus traditionnels. Non pas, comme Marivaux et Montesquieu, le roman, genre moderne qu'il affectera toujours de mépriser, non pas l'essai philosophique, comme Diderot et Rousseau, mais la tragédie (Œdipe, 1718) et l'épopée (la Henriade, 1728). Pendant presque un siècle, Voltaire passera pour le grand poète épique français, tandis que ses meilleures pièces triomphent sur toutes les scènes d'Europe. Il aura composé avec exaltation, en soixante ans, une cinquantaine de pièces, dont près de trente tragédies.

Très conscient, bien avant les romantiques, des faiblesses de la tragédie française, Voltaire entend la rénover sans la bouleverser, contrairement aux tenants du drame bourgeois. Débordant du cadre antique, il renforce l'action et le plaisir de l'œil (« Nous avons en France des tragédies estimées, qui sont plutôt des conversations qu'elles ne sont la représentation d'un événement »). Il cherche de grands sujets : la fatalité, dans Œdipe (1718) ; le heurt des religions, dans Zaïre (1732) ; le choc des civilisations, dans Alzire ou les Américains (1736) ; le fanatisme, dans Mahomet, (1741), etc. Mais il maintient les unités, les bienséances, l'alexandrin, la pompe, car il ne conçoit pas de tragédie sans poésie.

Le prosateur a éclipsé le poète. Mais il serait déraisonnable d'opposer poésie et prose philosophique. Car le vers n'exclut nullement la philosophie, aussi bien dans les tragédies que dans des poèmes pleins de force (le Mondain 1736 ; les six Discours en vers sur l'homme, 1738-1739 ; Poème sur le désastre de Lisbonne, 1756, etc.).

L'énergie anglaise.

• Pas de grand homme sans coup de pouce du destin. Bâtonné, en février 1726 par les domestiques du chevalier de Rohan-Chabot, Voltaire cherche un duel réparateur. Mais il est enfermé à la Bastille sur plainte des Rohan. Quelques jours plus tard, le pouvoir l'autorise à partir en Angleterre, où il restera de mai 1726 à novembre 1728, le temps d'apprendre à parler, écrire et rêver en anglais. Il y publie la Henriade, interdite en France, et deux essais en anglais, sur les guerres de Religion en France et sur la poésie épique. Il découvre une société selon son cœur - libérale, tolérante et commerçante -, mais aussi Shakespeare, qui le fascine et horrifie ses goûts classiques, et qu'il révèle à l'Europe. Il forme un projet de Lettres sur l'Angleterre, tandis que la rencontre d'un familier du fameux roi de Suède Charles XII lui donne l'idée d'un récit historique. Rentré en France en 1729, il achève l'Histoire de Charles XII (1731), fait pleurer Paris avec Zaïre (1732), publie clandestinement les explosives Lettres philosophiques (1734), d'abord parues à Londres en anglais, puis en français (preuve éditoriale, maintes fois répétée et ici inaugurée, qu'il s'adresse à un public européen). Voltaire n'a certes pas découvert les idées anglaises en Angleterre, mais on ne peut nier qu'il en revient mûri.