Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

Algérie (guerre d'). (suite)

La proclamation du FLN et l'appel de l'ALN, datés du 31 octobre 1954, exposent au peuple algérien et aux militants nationalistes les causes et les buts de la guerre déclenchée en leur nom par un groupe de responsables anonymes qui leur ordonnent de les suivre ; en même temps, le premier texte propose à la France des conditions de paix. La guerre qui commence a pour cause l'oppression du peuple algérien par l'impérialisme français et le refus de toute émancipation pacifique. Son but est « l'indépendance nationale par la restauration de l'État algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques ». Le moment est favorable, ajoutent les auteurs de la proclamation, parce que, depuis 1945, le peuple algérien est prêt à se battre pour son indépendance, et que, depuis 1952, les partis frères de Tunisie et du Maroc ont pris les armes avec l'appui de l'Égypte nassérienne ; la crise du MTLD n'est qu'une raison supplémentaire de refaire l'unité par l'action. Les méthodes sont révolutionnaires : employer, pour atteindre le but fixé, « tous les moyens » efficaces, à l'intérieur (où cinq chefs politico-militaires autonomes se partagent le pouvoir de décision) et à l'extérieur (le coordinateur du FLN-ALN, Mohammed Boudiaf, a retrouvé les trois délégués au Caire de l'ex-MTLD, Ahmed Ben Bella, Hocine Aït-Ahmed et Mohammed Khider). La fin de la guerre peut être hâtée par une négociation avec la France, pourvu que celle-ci reconnaisse l'indépendance de l'Algérie afin de sauvegarder ses intérêts légitimes et ceux de ses ressortissants.

Ces déclarations et propositions ne sont pas prises au sérieux par le gouvernement de Pierre Mendès France, qui, le 12 novembre 1954, réaffirme en des termes apparemment définitifs le caractère français de l'Algérie, condamne la « rébellion » comme des actes de banditisme et dénonce l'« inadmissible ingérence » de l'Égypte. Il entend mener de front le rétablissement de l'ordre et l'accélération des réformes poursuivies depuis 1944 en faveur des « Français musulmans ». Le gouverneur général Jacques Soustelle, nommé par Mendès France et confirmé dans ses fonctions par son successeur, Edgar Faure, se consacre à cette double tâche de « pacification » et d'« intégration » ; mais son échec dans la première, manifesté par la sanglante insurrection du 20 août 1955 dans le Nord constantinois, le pousse à dénoncer de plus en plus la barbarie des fellaghas (« brigands ») et l'agression de l'« impérialisme panarabe », qu'il identifie au nazisme.

Le socialiste Guy Mollet, successeur d'Edgar Faure à la présidence du Conseil, définit le 31 janvier 1956 une nouvelle politique, qui a pour but de concilier le respect d'une « personnalité algérienne » et le maintien de « liens indissolubles » avec la France. Il organise des contacts secrets avec les chefs de la délégation extérieure du FLN, au Caire, à Rome et à Belgrade ; mais les pourparlers s'enlisent en raison de l'intransigeance des chefs de l'intérieur, qui réaffirment le préalable de l'indépendance et lui ajoutent la reconnaissance du FLN comme seul représentant du peuple algérien lors du congrès de la Soummam, réuni le 20 août 1956. Cependant, Guy Mollet et son ministre-résidant en Algérie, Robert Lacoste, renforcent la « pacification » policière et militaire, et mettent en accusation le panarabisme du colonel Nasser, que Guy Mollet présente comme un nouvel Hitler après la nationalisation du canal de Suez, le 31 juillet 1956. Ni l'interception de l'avion marocain transportant les chefs du FLN extérieur à Tunis le 22 octobre 1956 (initiative de l'état-major d'Alger, couverte par Robert Lacoste et par le secrétaire d'État à la Défense Max Lejeune) ni l'expédition israélo-franco-britannique contre le canal de Suez (30 octobre-6 novembre), interrompue par l'ONU et par la « collusion » des États-Unis et de l'URSS, ne découragent les « rebelles » algériens.

Ayant échoué à mettre fin à la guerre d'Algérie, Guy Mollet se justifie en recourant à l'anticommunisme, invoquant l'appui décisif de l'URSS à l'Égypte, celui des communistes algériens au FLN et la trahison du PCF. Pour le général Salan, nouveau commandant en chef en Algérie et ancien chef de l'armée d'Indochine, les conflits indochinois et algérien sont deux batailles successives d'une même lutte pour la domination mondiale, et relèvent d'une même stratégie révolutionnaire ou subversive : depuis 1920, et surtout depuis 1945, l'Union soviétique et le communisme international ont pour objectif de saper le monde capitaliste en provoquant la révolte des peuples colonisés, ces derniers étant encadrés par des mouvements révolutionnaires communistes ou nationalistes qui utilisent la propagande anti-impérialiste et le terrorisme. L'Algérie apparaît alors comme l'ultime ligne de défense de l'Europe : son éventuelle perte entraînerait à brève échéance l'avènement du communisme en Algérie et en France ; mais elle n'est pas inéluctable si les responsables militaires et politiques font du contrôle de la population l'enjeu de la guerre et la clé de la victoire. Cette théorie, qui surestime démesurément l'influence du communisme sur le nationalisme algérien, vise à dramatiser la guerre d'Algérie afin d'assurer l'armée française du soutien de la nation entière et de tous ses alliés occidentaux (tentés de voir dans le nationalisme arabe un barrage contre le communisme). Sa diffusion quasi officielle devient vite un obstacle à la recherche d'une solution politique négociée. Ce que prouvent, en 1958, le renversement du gouvernement de Félix Gaillard pour avoir accepté les « bons offices » anglo-américains dans le conflit franco-tunisien dû au bombardement de Sakiet-Sidi-Youssef (qui marque le début d'une internationalisation de la guerre d'Algérie) ; puis la prise de position des chefs militaires d'Alger contre l'intention du président du Conseil désigné, Pierre Pflimlin, de renouer les contacts avec le FLN en vue d'un cessez-le-feu, et enfin, le 13 mai 1958, leur ralliement à la révolte des Français d'Algérie contre l'investiture de celui-ci.