Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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socialisme. (suite)

Les premières années de la Ve République sont difficiles pour les socialistes. La SFIO quitte le gouvernement en décembre 1959. Affaiblie, elle doit faire face à la concurrence du Parti socialiste unifié (PSU), créé en 1960, qui regroupe le PSA, des mouvements de chrétiens de gauche, des communistes dissidents et des clubs politiques. Après la fin de la guerre d'Algérie et jusqu'en 1971, deux débats majeurs dominent au sein de la gauche non communiste : comment tenir compte des institutions nouvelles, tout particulièrement de l'élection du président de la République au suffrage universel ; comment rassembler les électorats de la gauche ? François Mitterrand, contre Mendès France, Guy Mollet et Gaston Defferre, impose sa stratégie d'union de la gauche avec le Parti communiste en mettant à profit le coup d'éclat que représente sa « glorieuse défaite » devant le général de Gaulle lors de l'élection présidentielle de 1965. Cependant, la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), qu'il constitue la même année, n'est qu'un cartel électoral regroupant la SFIO, le Parti radical et la Convention des institutions républicaines (CIR). Mai 1968 paraît tout remettre en cause. Les socialistes sont à nouveau divisés.

Le socialisme français et le pouvoir.

• L'échec de Gaston Defferre à l'élection présidentielle de 1969 impose une rénovation. La constitution du Parti socialiste (PS) au Congrès d'Épinay (1971) en est l'étape décisive. Car les socialistes ont désormais un dirigeant reconnu - François Mitterrand -, une stratégie - l'union de la gauche -, et un programme qui entend définir « une rupture avec le capitalisme » en alliant un ensemble de nationalisations, une volonté de planification, une espérance autogestionnaire. La conclusion d'un programme commun de gouvernement avec le Parti communiste puis avec les Radicaux de gauche marque les années 1970. Cependant, l'union profite surtout aux socialistes. Des militants d'une génération nouvelle adhèrent au PS. Les Assises du socialisme, qui se tiennent à l'automne 1974, voient l'entrée d'une partie des militants du PSU, groupés autour de Michel Rocard. Les succès électoraux socialistes inquiètent le Parti communiste, qui n'est plus le premier parti de la gauche. La renégociation du programme commun en 1977 entraîne la rupture de l'union. Le PS, qui juxtapose des courants différents, connaît de grandes controverses. Ainsi, le CERES de Jean-Pierre Chevènement défend, sur les rapports avec le Parti communiste, une ligne strictement unitaire, et se montre réservé sur la construction européenne. Exclu de la majorité en 1975 par François Mitterrand, qui entend ne pas compromettre la construction européenne, il y revient pourtant en 1979. Car le défi que lance Michel Rocard en 1978 est de plus grande ampleur puisqu'il remet en cause la notion de « rupture avec le capitalisme », en opposant deux « cultures » au sein de la gauche, l'une principalement étatiste, l'autre plutôt décentralisatrice, privilégiant les réformes de société. Ce conflit idéologique s'inscrit aussi dans une rivalité de pouvoir en vue de l'élection présidentielle de 1981. Avec l'appui du CERES, François Mitterrand demeure majoritaire. Le « projet socialiste » de 1980 et les « 110 propositions » de la campagne présidentielle de 1981 reprennent pour l'essentiel le programme traditionnel du socialisme en reposant sur le triptyque « nationalisation, planification, autogestion ».

Malgré la division de la gauche, les effets de la crise économique et l'affaiblissement de la droite permettent à François Mitterrand de remporter l'élection présidentielle du printemps 1981, et les législatives de juin donnent pour la première fois une majorité absolue aux socialistes à l'Assemblée. Pierre Mauroy forme un gouvernement auquel participent quatre ministres communistes, tandis que Lionel Jospin devient Premier secrétaire du PS. Dans un premier temps, des mesures importantes sont adoptées (abolition de la peine de mort, augmentation du SMIC, retraite à 60 ans, nationalisations, décentralisation, etc.). Mais la persistance de la crise économique, les politiques d'orthodoxie monétaire et financière menées par la plupart des pays occidentaux, conduisent le gouvernement de Pierre Mauroy à opter, dès 1982 et surtout en 1983, pour une politique de « rigueur économique ». Cette décision découle principalement du choix européen fait par François Mitterrand, alors que le courant de Jean-Pierre Chevènement défend la possibilité d'une « autre politique ».

Les efforts positifs pour juguler l'inflation et limiter les déficits font peu à peu sentir leurs effets, mais le chômage augmente. Le Parti socialiste enregistre un recul aux élections municipales de 1983 et aux européennes de 1984. Cette même année, la résurgence de la question scolaire contribue à affaiblir les socialistes. Les communistes critiquent de plus en plus nettement la politique du gouvernement auquel ils participent. En juillet 1984, Laurent Fabius remplace Pierre Mauroy et forme un gouvernement sans les communistes. Il définit une politique qui veut allier la modernisation et la solidarité. Le congrès de Toulouse (1985) marque une évolution idéologique importante, que traduit la progression du courant rocardien. Sans le dire explicitement, le socialisme français accepte la logique de la social-démocratie européenne et l'économie de marché. Les socialistes perdent les élections législatives de 1986, tout en limitant leur érosion ; François Mitterrand nomme Jacques Chirac à la tête d'un gouvernement de « cohabitation ».

En 1988, François Mitterrand est réélu avec 54 % des voix. Le candidat socialiste a fait campagne sur le thème de la « France unie ». Il nomme Michel Rocard Premier ministre. Les élections législatives de 1988 donnent une majorité relative au PS. Le gouvernement intègre des personnalités venues du centre. Mais le PS, seul grand parti à soutenir le gouvernement, connaît une crise interne. Le congrès de Rennes (1990) voit s'opposer durement les différents courants. Entre 1988 et 1992, les gouvernements de Michel Rocard et d'Édith Cresson donnent la priorité, à l'extérieur, à la construction européenne et au maintien d'une monnaie forte ; à l'intérieur, à des réformes portant notamment sur l'établissement d'un revenu minimum d'insertion (RMI), sur l'éducation et la politique de la ville. En 1992, Laurent Fabius remplace Pierre Mauroy à la tête du PS. À partir de 1991, le problème persistant du chômage, la multiplication des « affaires », touchant notamment au financement du PS, l'affirmation de la concurrence écologiste et d'un populisme d'extrême droite, la défiance à l'égard de l'Europe dans une part importante de l'opinion (une courte majorité des électeurs se prononce pour le « oui » au référendum sur le traité de Maastricht), entraînent un déclin électoral prononcé. Le gouvernement de Pierre Bérégovoy, de mars 1992 à mars 1993, ne peut redresser cette situation. Le PS est sévèrement défait aux élections législatives de 1993.