Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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républicain (parti ou mouvement). (suite)

Le programme des opposants au régime a prévu un dernier banquet à Paris, le 22 février 1848. L'interdiction de cette réunion par Guizot provoque une manifestation qui, rapidement, se transforme en émeute et en insurrection. Une révolution s'improvise à partir de cortèges d'étudiants et d'ouvriers, qui s'opposent à des forces armées mal commandées, tandis que la Garde nationale hésite. Dans la nuit du 23 au 24 février 1848, des faubourgs populaires au centre de Paris, sont érigées des centaines de barricades, que gardent de jeunes militants républicains. Convaincus que la crise de régime, illustrée par l'incapacité du roi à réagir, peut être exploitée, les dirigeants républicains veulent éviter l'erreur de 1830. Le 24 février, le succès manifeste de l'insurrection pousse Louis-Philippe à l'abdication et empêche l'installation d'une régence. Dans la soirée, un gouvernement constitué de républicains s'installe à Paris et proclame la république. C'est le fruit d'un compromis, dont les limites apparaissent rapidement.

L'apprentissage de la république.

• De sensibles divergences séparent les hommes qui prennent le pouvoir au nom de la république. Certes, les républicains souhaitent construire un État libéral qui trouve sa légitimité dans le suffrage universel ; mais ce projet ne peut satisfaire toute la nébuleuse républicaine. Le succès républicain provient des masses populaires et ne peut occulter leurs aspirations à une autre société, à des réformes démocratiques qui ne resteraient pas cantonnées au domaine politique mais auraient une tonalité sociale.

La stratégie républicaine est en cause. Elle nourrit le débat auquel participent Lamartine - « une république à visage humain » - et Louis Blanc - « un socialisme de l'urgence » - et que tranchent les élections générales d'avril 1848. En donnant la majorité, sinon aux « républicains du lendemain », du moins aux républicains modérés, plutôt conservateurs sur les questions sociales, les résultats des élections poussent à l'insurrection populaire et ouvrière de juin 1848. Même si ces journées de juin traduisent le désespoir d'ouvriers mis au chômage, elles apparaissent alors, le plus souvent, comme un refus du verdict des urnes, comme une tentative antiparlementaire de la part des révolutionnaires parisiens.

L'illusion républicaine se brise sur la réalité sociale et politique. La rupture de la mouvance républicaine entre légalistes et révolutionnaires a pour conséquence de marginaliser, de fait, les républicains modérés face aux conservateurs. La mise en place des institutions de la IIe République - élection du président de l'Assemblée, désignation du gouvernement - s'effectue contre les républicains, qui sont écartés du pouvoir par le parti de l'Ordre. Le contenu même de la république est sévèrement réglementé, puis limité. Dès l'été 1849, les droits d'ex-pression et de réunion sont réduits, tandis que le droit de vote subit, au printemps 1850, une remise en cause spectaculaire.

La « dérépublicanisation » mise en œuvre avec l'élection de Louis Napoléon Bonaparte, en décembre 1848, ressoude l'opposition républicaine autour d'un projet « démocrate socialiste », comme l'illustrent les élections législatives du printemps 1849. Les « rouges » (ou « montagnards »), bien représentés dans la moitié méridionale du pays, perpétuent l'espérance républicaine. Un réseau tend à s'organiser, qui s'enracine aussi bien dans l'électorat citadin et ouvrier (Paris, Lyon, Marseille) que dans la population rurale (le Centre, le Sud-Est, le Sud-Ouest). Si la vie des « cercles » ou des « comités » devient de plus en plus difficile, les associations diverses qui tissent le réseau de « sociabilité coutumière » provinciale tendent à se politiser et à constituer l'embryon d'un parti. La presse devient un centre de ralliement de l'opposition, qui irrigue la province grâce à ses moyens de diffusion (le colportage, la lecture dans les cafés ou les chambrées). Les solidarités professionnelles, les relations familiales ou sociales, les proximités de quartiers, les fêtes populaires, permettent de contourner les limites imposées aux libertés publiques et de perpétuer le message républicain, par la chanson, le folklore, les affiches, les images. Avocats et journalistes sont de plus en plus nombreux, dans les bourgs de la France méridionale, à adhérer au projet d'une république de la démocratie fraternelle et solidaire. Les lettrés (Victor Hugo) reconstruisent une mystique de l'émancipation et de la résistance. Le groupe parlementaire de la gauche - où les députés restent nombreux jusqu'au 2 décembre 1851 - offre à la fois une tribune à la revendication républicaine et une forme d'organisation politique et partisane.

À la recherche d'une légitimité républicaine.

• Le coup d'État du 2 décembre 1851 marque le déclenchement d'une répression antirépublicaine massive car la résistance, pour l'essentiel, se déroule dans la « province rouge », où elle prend la forme d'un soulèvement populaire contre la violation du droit constitutionnel et contre ceux qui brisent le rêve d'une république de la démocratie sociale. Car, le coup d'État, malgré quelques accents démocratiques ou populistes, sanctionne la victoire du camp de l'ordre. Le souvenir de l'épuration demeurera dans la glorification emblématique de Marianne.

L'instauration de l'Empire autoritaire bâillonne l'opposition. Le Corps législatif, élu en 1852, ne comprend que trois députés républicains. Pourtant, malgré la censure, les déportations, les condamnations à la privation de liberté, les exils, l'enracinement du projet républicain persiste. Son cheminement est lent, difficile, longtemps clandestin puisque le parti républicain traverse un nouvel exil intérieur de plus de dix ans. La période est d'autant plus délicate pour cette opposition que le pays se modernise, que le capitalisme industriel et financier se développe, que s'engage la « révolution des transports », et que tend à revenir la prospérité. Dès lors, même si dans les années 1860 les républicains reprennent vigueur, notamment dans les grandes villes (Paris, Lyon, Marseille et la majorité des cités de plus de 50 000 habitants), la libéralisation ambiguë du régime entraîne des ralliements à l'Empire (Émile Ollivier) et une réflexion approfondie sur les « libertés nécessaires ». Une autre génération de républicains, plus réaliste, marquée par le positivisme et le sens de l'efficacité, émerge à la fin du Second Empire. Léon Gambetta, Jules Ferry, Jules Simon et d'autres figures commencent à l'illustrer tandis qu'un programme d'action - le programme de Belleville élaboré, en 1869, en prévision du retour au pouvoir - cherche à fédérer les divers courants républicains.