Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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François Ier. (suite)

Dans le domaine de l'économie, le chancelier Duprat énonce, dès 1517, le dogme de l'autosuffisance de la France. Pourtant, l'augmentation plus rapide de la population, combinée au retournement de conjoncture - dans le Nord dès le début du siècle, puis dans le Sud à partir de 1540 -, débouche sur le retour cyclique de famines localisées. À cela s'ajoutent la fragmentation de la petite propriété paysanne et la paupérisation des habitants les plus démunis des campagnes et des villes. La crise larvée pose vite des problèmes d'ordre public, et l'administration royale se penche en particulier sur la question du vagabondage. De nombreux édits se succèdent, jusqu'à celui de 1537 qui assimile le vagabond à un rebelle, qu'il est par conséquent légitime d'éliminer physiquement. Par ailleurs, plusieurs grandes révoltes urbaines (notamment la « grande rébeyne » de Lyon, en 1529) conduisent à une convergence manifeste d'intérêts entre la couronne et les grandes familles du patriciat urbain, mais aussi à la création de « bureaux des pauvres » (à Lyon en 1531, à Paris en 1544), ou au développement des politiques d'assistance et les hôpitaux. En outre, de sévères réglementations pèsent sur le commerce, pour éviter la fuite de l'argent à l'étranger et limiter les importations.

Dans tous ces domaines, l'autorité et la centralisation monarchiques se renforcent, mais il serait aventureux d'y voir une formulation théorique d'un quelconque absolutisme royal : s'il affirme sa préséance et sa volonté, le roi sait aussi tenir compte des corps constitués, notamment les villes, les parlements ou l'Université. Sa politique à l'égard des réformés en est une bonne illustration. Dans un premier temps, François adopte une attitude modérée : influencé par les sympathies évangélistes de sa sœur aimée, Marguerite, et admirant nombre de lettrés en odeur d'hérésie, il résiste vigoureusement aux exigences du parlement de Paris ou de la Sorbonne dans les années 1520. Mais, quelques années plus tard, pour faire face à certains défis des protestants, rallier à sa cause les catholiques les plus durs, justifier son titre de « Roi Très-Chrétien », ou refuser une profession de foi susceptible de se transformer en rébellion, François se montre plus rigide. C'est notamment le cas à l'égard des vaudois de Provence à partir de 1533, ou, dans tout le royaume, après la fameuse affaire des Placards en octobre 1534. Malgré l'édit de Coucy, signé le 16 juillet 1535, qui libère les emprisonnés sous réserve d'abjuration, la vague de persécutions reprend vite, et , en juin 1540, le roi va jusqu'à donner tous pouvoirs aux parlements contre les « hérétiques » et jusqu'à faire de toute assistance aux protestants un crime de lèse-majesté.

Les lettres, au-delà des armes et des lois

Mécène généreux, grand bâtisseur, amoureux des arts, le monarque voit son portrait souvent enrichi de la paternité de la Renaissance française - ce qui n'est pas indu, à condition de rappeler que la « Renaissance française » ne commence pas avec un roi ni avec les seules guerres d'Italie.

C'est d'abord l'architecture qui retient toute l'attention du souverain : les châteaux de la Loire, puis les chantiers parisiens et celui de Fontainebleau, témoignent de son goût pour la construction ou l'aménagement de demeures royales qui allient l'héritage de la tradition architecturale française et les nouveautés importées d'outre-monts. Mais François protège aussi volontiers les peintres, fait venir en France Léonard de Vinci, accueille Andrea del Sarto ou, plus tard, le Rosso ou le Primatice. Les peintres appelés à la cour laissent leurs tableaux à des collections royales, que les achats du souverain ou les dons des princes étrangers ne cessent par ailleurs d'enrichir, et qui ne se limitent pas à la peinture, puisque s'y amoncellent manuscrits, miniatures, sculptures, médailles ou tapisseries. L'exemple royal fait école, et les grands seigneurs ou les officiers du royaume rivalisent dans la construction de demeures ou l'embellissement d'intérieurs, qui contribuent à la diffusion du nouveau goût. Architectes et artistes français, qui sont de plus en plus nombreux à entreprendre le « voyage d'Italie », s'y emploient également. Quant à l'école de Fontainebleau, née d'un chantier singulier, elle marque tout l'art français du siècle.

L'attention du roi n'est pas moins grande pour les lettres proprement dites. Il est aussi libéral avec les poètes - notamment Clément Marot, jusqu'à l'affaire des Placards, et Mellin de Saint-Gelais - qu'avec les peintres, et la Bibliothèque royale connaît un essor sans précédent grâce à Guillaume Budé et à la création de l'ancêtre du dépôt légal (en décembre 1537), qui fait obligation à tous les imprimeurs du royaume d'y déposer un exemplaire de chaque ouvrage publié. François Ier n'hésite pas non plus à heurter la vieille Université en multipliant, toujours sous l'impulsion de Guillaume Budé, les « lecteurs royaux », qui seront l'embryon du futur Collège de France.

De la poursuite de la guerre à l'impossible réconciliation (1529-1547)

Malgré le triomphe de Charles Quint, qui reçoit la couronne impériale des mains du pape en février 1530, François Ier entend se réapproprier ce qu'il considère comme son dû au regard d'une conception dynastique classique des relations internationales. Mais, l'état de la France et de ses finances rendant impensable un nouveau conflit dans l'immédiat, le roi, qui a désormais abandonné tous ses amis italiens, choisit de poursuivre la guerre par alliés interposés. Paradoxalement, le Roi Très-Chrétien, qui est de plus en plus dur avec les réformés français, se présente à l'extérieur comme un adepte de la tolérance et de la conciliation, tout en s'opposant à un concile qui serait dominé par l'empereur et par le pape, et en recherchant ouvertement une alliance défensive avec la Sublime Porte, premier avatar des « alliances de revers » chères à la diplomatie française des siècles suivants. Dans un subtil et fragile équilibre, il s'agit pour François d'apparaître comme un homme de paix et, en même temps, de soutenir en sous-main, contre Charles Quint, aussi bien les princes allemands protestants de la ligue de Smalkalde que les Turcs, sans toutefois favoriser une vraie offensive ottomane qui recréerait l'union de l'empereur et de ses vassaux rebelles.