Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Provence, (suite)

Des origines à l'implantation romaine.

• L'homme est présent dans la région depuis environ 900 000 ans. D'abord chasseur-cueilleur, il se met à pratiquer l'élevage et la culture il y a 7 000 ans. Parvenue à son apogée il y a 3 000 ans, sa civilisation subit au deuxième millénaire avant J.-C. des influences italiques et « nordiques », puis entre en contact, aux alentours du VIIe siècle avant J.-C., avec les Étrusques, les Phéniciens, enfin les Grecs. Dans les zones de contact s'élabore une nouvelle synthèse culturelle dont témoignent des cités (Entremont), les statues réalistes de Roquepertuse, des inscriptions indigènes en grec, l'usage de la monnaie et de la céramique massaliotes.

Les Grecs essaiment sur le littoral et en quelques points de la basse Provence occidentale. Avant tout préoccupés de commerce, ils doivent s'appuyer sur Rome à partir du IVe siècle avant J.-C. La capitale du Latium finit ainsi par dominer toute la région au IIe siècle avant J.-C. Elle y établit un réseau de colonies, d'où naît un ensemble urbain plus nouveau par l'organisation des villes que par leur implantation, puisqu'il s'inscrit le plus souvent sur des sites indigènes (Aix, Arles, Avignon, Cavaillon, Riez, Sisteron, Castellane...). À la différence de l'hellénisation, la romanisation semble avoir été profonde, au moins dans les zones de peuplement romain. En font foi Glanum, Vaison-la-Romaine, les nombreux monuments encore visibles, les traces du réseau de routes et des villae rurales.

L'âge d'or.

• Les mille ans qui suivent (fin Ve-fin XVe siècle) sont capitaux aux yeux des « provençalistes », depuis les anciens historiens provençaux jusqu'aux artisans du félibrige. Se succèdent les dominations barbare (Ve-VIe siècle), mérovingienne (VIe-VIIe siècle), carolingienne (IXe siècle), puis celle des trois dynasties comtales (949-1094, 1094-1245 et 1246-1481). Plusieurs fois dépecé et reconstitué, l'espace territorial sert de support à un véritable État à partir de la seconde dynastie (catalane) et à une véritable politique expansionniste régionale puis italienne (XIIIe-XVe siècle).

Plus que les incursions sarrasines (IXe et Xe siècles) ou l'histoire de l'Église provençale - deux thèmes à l'origine d'un riche légendaire - ou les déclarations « d'indépendance » de 879 ou de 1081, la formation du comté ou les exploits de sa féodalité, c'est la renaissance des villes et des institutions urbaines qui a nourri l'imagination des écrivains des siècles postérieurs. Refermée sur elle-même, rapetissée à la fin de l'époque romaine, la ville, siège du pouvoir épiscopal et du pouvoir politique, émerge de l'obscurité au XIe siècle, en même temps que reprennent les échanges commerciaux. Surgissent alors des institutions municipales de type oligarchique, dont la seigneurie est souvent l'initiatrice : les consulats. L'adoption de certaines pratiques électorales, les assemblées de chefs de famille, les privilèges, la construction d'enceintes, réussissent à les doter d'une certaine légitimité. Les comtes du XIIIe siècle sauront les empêcher de devenir de véritables républiques urbaines, particulièrement à Marseille. Néanmoins, le modèle institutionnel urbain gagne les campagnes, et les consulats semblent omniprésents à la fin du XVIe siècle.

Plus importante a sans doute été la réouverture aux influences étrangères. Elle est le fait de l'Église, sensible aux modèles italiens (particulièrement pendant la période de la papauté d'Avignon, au XIVe siècle), et des comtes, qui regardent du côté des cultures italienne, aquitaine et « nordique ». Au XIIe siècle éclate le « feu d'artifice roman », dont les traits spécifiquement provençaux se caractérisent par une simplicité - voire une sévérité - dans l'organisation générale et la décoration (Sénanque, Le Thoronet...). Plus tardif qu'ailleurs, le gothique reste sous l'influence des écoles italienne, catalane et bourguignonne, et tributaire des formules romanes. Quant à la littérature provençale, elle entame son long déclin en cette période de catastrophes démographiques, économiques et politiques que sont les XIVe et XVe siècles. Signe des temps nouveaux, les universités d'Avignon et d'Aix naissent respectivement en 1303 et en 1409.

La période française.

• L'annexion au royaume a lieu en 1481. Elle a peut-être favorisé le renouveau de l'expansion de Marseille en Méditerranée puis son ouverture sur l'océan au XVIIIe siècle, et la lente apparition, en quelques endroits privilégiés, d'une industrie plus moderne que le traditionnel artisanat du textile et du cuir (soie, coton, savon, papier, constructions navales). La campagne, vouée depuis toujours aux céréales, à l'arboriculture, à la viticulture et à l'élevage du mouton, s'est lentement, localement et tardivement tournée vers les cultures spéculatives. La présence d'une seule ville importante (Marseille) s'explique donc, dans une région qui reste une zone de petites villes et de bourgs urbanisés. Ce n'est pas avant le XXe siècle que Toulon et Nice d'abord, Aix, Avignon et Cannes beaucoup plus tard, dépassent les 100 000 habitants.

Pendant des siècles, la société provençale a été un monde de petites gens : nombreux artisans, domestiques et même paysans dans les villes, sans compter les pauvres (les salariés de l'industrie ne se rencontrent en nombre important qu'à Marseille puis dans les principaux ports). Dans les campagnes dominent une multitude de salariés et de petits exploitants, une quantité assez notable de petits propriétaires : la grande propriété (ecclésiastique, noble ou bourgeoise) n'a jamais été très répandue, sauf en certaines régions comme le pays d'Arles. Quant aux groupes dominants, hormis le cas marseillais, ils se recrutent avant tout dans les secteurs judiciaire et administratif, parmi les membres de certaines professions libérales et commerciales. En règle générale, la disponibilité en capitaux est faible.

Toutes les conditions de la prudence économique, sinon de l'immobilisme, sont donc réunies, d'autant que le seul pôle dynamique, Marseille, semble regarder davantage vers l'industrie textile languedocienne et la mer jusqu'à la crise révolutionnaire - et vers la mer exclusivement à partir de l'Empire. Ce sont des événements extérieurs qui bouleversent l'économie provençale à partir du XIXe siècle : l'irruption du chemin de fer et de la route, l'extension des marchés urbains, la politique agricole, le tourisme et la concurrence extérieure provoquent des mutations décisives, tandis qu'émigration et immigration secouent une société jusqu'alors relativement stable dans ses structures comme dans ses comportements.