Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Sedan (bataille de), (suite)

D'un point de vue historique, Sedan marque ainsi la défaite de la France impériale, et le 4 septembre, le moment initial de la Défense nationale. Cependant, cette bataille, célébrée annuellement du côté allemand (le Sedantag), ternit le sursaut du 4 septembre dans la mémoire nationale française. De ce fait, en 1880, quand s'instaure le débat parlementaire pour déterminer le jour de célébration de la fête nationale, le 4 septembre ne trouve guère de défenseurs car il évoque trop la défaite face à la Prusse, qui fut suivie d'autres événements funestes (le terrible siège de Paris, la Commune). Sedan est donc perçue comme le symbole de l'effondrement d'un régime et d'une société, même si le peintre Alphonse de Neuville brosse un tableau héroïque de l'épisode de Bazeilles (la Maison des dernières cartouches, présentée au Salon de 1873). Avant-dernier roman du cycle des Rougon-Macquart d'Émile Zola, la Débâcle (1892) fait de Sedan la sanction inéluctable du déclin moral et matériel de la France impériale. Si Verdun, la bataille de la Marne et la victoire de 1918 effacent l'image humiliante de Sedan, la défaite de mai 1940 apparaît à certains comme un second Sedan, dont le régime de Vichy prétend également tirer des leçons politiques et morales.

Seguin (Marc),

ingénieur (Annonay, Ardèche, 1786 - id. 1875).

Figure marquante de l'essor technique et industriel français dans la première partie du XIXe siècle, Marc Seguin baigne dès l'enfance dans le milieu des inventeurs et des manufacturiers : son oncle est le célèbre Joseph de Montgolfier et son père exerce la profession de fabricant de draps. Le jeune homme, qui apprend la mécanique dans la fabrique paternelle et acquiert de solides connaissances en chimie, excelle à perfectionner des systèmes existants. Il conçoit et construit en 1824 un pont suspendu en fer qui enjambe le Rhône. En 1826, il obtient avec ses frères - notamment Camille - la concession d'une ligne de chemin de fer entre Saint-Étienne et Lyon. Sur une distance de 58 kilomètres, il réalise en six ans une liaison moderne, ponctuée de tunnels. Les recherches de Seguin portent aussi sur la structure des traverses et sur les rails : il les construit en fer, et non plus en fonte. En 1827, il met au point une chaudière tubulaire qui permet d'augmenter la surface de chauffe et la puissance des machines. Il l'applique tout naturellement aux locomotives, et il en équipe la fameuse « Rocket » de l'Anglais Stephenson, en 1830. Celle-ci atteint alors la vitesse de 47 kilomètres-heure : la locomotive est désormais plus rapide que le cheval.

seigneurie,

territoire sur lequel un homme - le seigneur - réputé être l'unique propriétaire foncier détient l'ensemble des pouvoirs de commandement.

Apparue au Xe siècle, la seigneurie est la structure essentielle de tout l'édifice social de la France du Moyen Âge et de l'époque moderne.

Le démantèlement de l'État carolingien, au Xe siècle, permet à l'aristocratie foncière de transférer à son profit une très grande part des droits de la puissance publique, par usurpation pure et simple, mais également par délégation du souverain. Les droits militaires - construire des forteresses ou commander à une force armée - sont ainsi appropriés par des personnes privées ou par des institutions ecclésiastiques. Il en va de même pour le droit de rendre la justice et de percevoir les amendes ou pour celui de prélever des péages sur les routes dont le seigneur assure la sécurité et parfois l'entretien. Certains seigneurs possèdent aussi le droit de battre monnaie.

Les droits issus du foncier se situent dans l'exact prolongement de ce qu'exigeait, à l'époque carolingienne, un seigneur détenteur de domaine. Il s'agit donc essentiellement de redevances fixes (cens) et surtout proportionnelles à la récolte (champarts). La corvée peut également être requise si le seigneur a conservé une réserve - ce qui n'est pas toujours le cas. Droits économiques et droits politiques sont confondus à l'intérieur de cette organisation. Ainsi, le seigneur peut faire exercer la garde de son château par ses tenanciers ou encore les contraindre à des travaux d'entretien de ses fortifications.

L'arbitraire seigneurial.

• La seigneurie est une structure caractérisée, du moins à ses débuts, par une grande violence. Elle n'apparaît véritablement que lorsque les seigneurs, usant des droits qu'ils ont usurpés ou qui leur ont été concédés, s'approprient les terres paysannes et exigent de nouvelles taxes totalement arbitraires par leur montant et le caractère irrégulier de leur périodicité, telle la taille. Son émergence et sa consolidation correspondent à la volonté d'asseoir le revenu seigneurial sur la rente, et non sur le faire-valoir direct.

La fin du Xe siècle et la première moitié du XIe voient ainsi la disparition de la propriété paysanne parcellaire. Les seigneurs se font attribuer les exploitations paysannes par la contrainte ou les achètent à vil prix. Ils les restituent ensuite à titre de tenure. Le procédé n'est pas nouveau : il est attesté dès le IXe siècle, mais il devient général et, surtout, s'accompagne de violences extrêmes. Le groupe de combattants à cheval (milites ou caballarii, « chevaliers »), que le seigneur entretient, constitue une force de coercition, dont la fonction est de prélever de nouvelles taxes et de maintenir les paysans dans un état de terreur tel qu'ils acceptent d'être dépossédés et de payer.

Du point de vue économique, cette structure permet une intensification de la production paysanne. L'ampleur des prélèvements opérés favorise le développement des échanges. Des quantités croissantes de biens sont mises à la disposition des seigneurs, qui, sans avoir à investir directement dans la production, peuvent intervenir sur les marchés. Toutefois, le système souffre d'une certaine rigidité. En effet, le prélèvement est fixé par la coutume : son taux ne peut varier facilement. En outre, dès le XIIe siècle, les paysans rachètent certaines taxes ou s'abonnent. Ainsi, des prélèvements en nature peuvent être abandonnés soit contre le versement d'une somme unique importante, soit contre celui d'une rente en argent. En conséquence, sur le long terme, le revenu seigneurial a tendance à baisser. Cela crée périodiquement des tensions et suscite des tentatives de réajustements, que l'on désigne sous le terme de « réactions seigneuriales » : les deux principales se produisent à la fin du Moyen Âge - au XIVe siècle -, et durant la période pré-révolutionnaire.

La seigneurie, forme dominante de la grande propriété terrienne, est abolie en France dans la nuit du 4 août 1789.