Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Buchez (Philippe), (suite)

Après des études de médecine, Buchez adhère aux théories de Saint-Simon en 1825, collabore au Producteur, revue du saint-simonisme, avant de rompre avec le mouvement en 1829. Dès lors, il consacre tous ses efforts à la recherche d'une synthèse entre les idéaux de la Révolution française, les préceptes de l'Évangile et le socialisme. Sa grandiose Histoire parlementaire de la Révolution française (1834-1838), écrite en collaboration, est suivie quelques années plus tard de l'Essai d'un traité complet de philosophie au point de vue du catholicisme et du progrès (1839-1840). Buchez propage ses idées, à partir de 1840, dans le journal l'Atelier : il y prône le système de l'« association ouvrière », coopérative de production possédant un capital inaliénable augmenté par les bénéfices des participants. Adjoint au maire de Paris en février 1848, il est élu à la Constituante, dont il devient le premier président (5 mai-6 juin). Au mois de décembre, il soutient la candidature du général Cavaignac contre Louis Napoléon Bonaparte. Son échec à l'élection législative de mai 1849 met un terme à sa brève carrière politique. Il se consacre alors à la rédaction d'un Traité de politique et science sociale. De son vivant, ses idées n'auront guère connu que des applications très restreintes. Buchez appartient à cette mouvance du socialisme que Marx qualifiera d'« utopique ».

Budé (Guillaume),

humaniste et helléniste (Paris 1467 - id. 1540).

Figure emblématique de la première Renaissance, Guillaume Budé joue un rôle éminent dans le développement de l'humanisme français.

Après une formation juridique négligée - l'Université parisienne de la fin du XVe siècle manque de maîtres qualifiés - , Budé se remet à étudier à l'âge de 24 ans. Faute d'avoir trouvé un pédagogue capable de lui enseigner le grec, il se lance seul dans l'étude de cette langue, et devient rapidement le plus remarquable helléniste de sa génération. Son extraordinaire appétit de savoir embrasse, dès lors, les disciplines les plus diverses : philologie, histoire, droit, mathématiques, sciences naturelles, médecine. En 1508, il publie ses annotations latines aux pandectes (compilations des jurisconsultes romains) ; débarrassant le texte original de ses innombrables gloses médiévales, et cherchant à restituer l'esprit des institutions antiques, il ouvre la voie aux nouvelles méthodes juridiques. Six ans plus tard, le traité De asse (De la monnaie) confirme cette orientation : déchiffrant les monnaies antiques avec autant de zèle philologique que de passion archéologique, Budé a l'opportunité de dresser un tableau singulièrement riche et vivant du monde romain. Salué comme le « prince des hellénistes » par les érudits de son temps, l'auteur des Commentaires sur la langue grecque (1529) n'est pas seulement un savant de cabinet. Chargé de plusieurs missions diplomatiques, il accompagne François Ier au camp du Drap d'or. Maître de la Librairie royale de Fontainebleau, il obtient du souverain la nomination des lecteurs royaux (1530), dont le groupe prend le nom de Collège des Trois-Langues en 1534 (futur Collège de France).

Par les relations épistolaires qu'il entretient avec les plus grands esprits de son temps - Rabelais, Érasme, More -, il participe à l'édification d'une Europe du savoir qui transcende les clivages nationaux. Si la génération de Rabelais s'est senti une telle dette envers lui, c'est parce qu'il a libéré l'étude des textes anciens du carcan scolastique et ouvert la voie à une compréhension féconde de l'Antiquité. Mais la vénération de ses pairs et héritiers tint également, en ces temps d'aggravation des troubles, à la capacité profondément conciliatrice de Budé : jamais le philologue, attaché à la foi catholique, ne douta de la possibilité d'harmoniser hellénisme et christianisme, sagesse païenne et Révélation.

Buffon (Georges Louis Leclerc, comte de),

naturaliste (Montbard, Côte-d'Or, 1707 - Paris 1788).

 Auteur prolifique, admiré de ses contemporains, Buffon offre l'image d'un savant original dont les travaux ont modifié les perspectives traditionnelles de l'histoire naturelle.

Fils aîné d'un conseiller au parlement de Bourgogne anobli en 1717, il mène des études de droit à Dijon, puis s'initie aux mathématiques, à la médecine et à la botanique. À la suite d'un duel, il effectue un long voyage en Provence et en Italie. Rentré en France en 1732, il se fait remarquer par une étude sur les probabilités et devient, en 1734, adjoint-mécanicien à l'Académie des sciences. Au cours des années suivantes, il rédige plusieurs mémoires de botanique et de mathématiques, et traduit la Méthode des fluxions de Newton, dont il est l'un des premiers disciples français. Sa carrière prend un tour nouveau en 1739 lorsqu'il est nommé intendant du Jardin du roi. Il concentre alors son travail sur l'étude de la vie et entreprend la rédaction de son Histoire naturelle (trente-six volumes,1749-1788), dont l'écriture élégante lui ouvre, en 1753, les portes de l'Académie française, devant laquelle il prononce son célèbre Discours sur le style.

Admirateur de Locke, esprit éclairé, Buffon construit une œuvre scientifique fondée sur l'observation, l'expérience et une critique rationnelle débarrassée de toute considération religieuse. Associant la minéralogie, la géologie, la paléontologie, la zoologie, la physiologie, il compose un tableau du développement de la vie depuis l'origine de la Terre et affirme la prédominance de l'homme, doué de raison, sur l'ordre naturel. Si la qualité de ses travaux réside essentiellement dans sa description minutieuse des animaux (Histoire naturelle des quadrupèdes, en douze volumes, 1753-1767 ; Histoire naturelle des oiseaux, en neuf volumes, 1770-1783), ses réflexions sur la notion d'espèce ont ouvert la voie de l'évolutionnisme. Certes, Buffon n'a jamais admis le passage d'une espèce à une autre, condition du transformisme ; mais, en rejetant l'idée de la préexistence originelle des formes vivantes, en situant leurs modifications dans la très longue durée, en insistant sur la variabilité des espèces soumises aux influences du milieu, il est à l'origine du processus intellectuel qui a conduit aux théories évolutionnistes de Lamarck et de Darwin. L'influence de Buffon a cependant souffert de son opposition à Linné, dont il jugeait la classification arbitraire et inopérante, ainsi que de la complexité d'une pensée très mobile.