Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Catherine de Médicis, (suite)

La reine de la Saint-Barthélemy

• . Le rôle de la veuve d'Henri II dans le massacre parisien de la nuit du 24 août 1572 est difficile à cerner. Il n'est pas certain que Catherine se soit opposée à Charles IX au sujet du projet d'intervention militaire française aux Pays-Bas. Il faut penser que la mère et le fils jouent chacun un jeu savant au sein duquel se croisent astrologie et magie, visant à neutraliser les velléités guerrières huguenotes défendues par Coligny et à consolider la paix civile pour mieux replacer la France en situation de puissance europénne. Ce qui importe, c'est le succès qui accompagne cette pratique complexe du pouvoir : le mariage de sa fille Marguerite de Valois et du prince protestant Henri de Navarre (futur Henri IV), dont le sens est autant celui d'un renforcement symbolique de la paix que de l'entrée dans un nouvel âge de réconciliation entre les Français. Malgré le report entraîné par le soulèvement des Gueux et par la mort de Jeanne d'Albret, la cérémonie a lieu le 18 août 1572, dans une capitale où ont conflué nombre de gentilshommes huguenots mais qui est hostile à l'orientation politico-religieuse de la royauté. Il faut éliminer l'idée de préméditation par Catherine de la Saint-Barthélemy, sans doute improvisée en accord avec Charles IX, en réponse à la crise issue de l'attentat contre Coligny (22 août). À l'origine auraient été retenus les noms de plusieurs dizaines de chefs militaires huguenots devant être mis à mort. Mais l'amplification de cette « exécution » par le grand massacre populaire scelle l'échec du « rêve humaniste » de la reine et de son fils. La légende noire de Catherine, stigmatisée par les libellistes huguenots comme criminelle et dominatrice, magicienne et empoisonneuse, se constitue cependant à partir de 1574, après la mort de Charles IX, quand elle assume la régence en assurant le retour de Pologne d'Henri III.

La princesse de la paix

• . La mise au second plan de la reine mère sous le règne d'Henri III n'est qu'apparente. En effet, Catherine de Médicis continue de se vouer à une œuvre médiatrice de préservation de l'autorité royale et de neutralisation des factions : grâce à un réseau de fidèles (Villeroy, Pinart, Brûlart), elle intervient pour résoudre directement les problèmes auxquels le pouvoir est confronté. La royauté fonctionne toujours sur un principe de dualité. C'est Catherine qui, après avoir organisé à Chambord une entrevue du roi avec son frère, le duc d'Alençon, négocie avec lui la paix de Beaulieu (mai 1576). Puis elle signe avec Henri de Navarre la convention de Nérac (février 1579), au cours d'un grand voyage de plus d'une année durant lequel elle s'efforce d'apaiser les conflits en Languedoc, Provence, Dauphiné. C'est elle encore qui cherche à détourner les tensions vers l'Espagne (soutien à l'expédition de Strozzi vers les Açores, appui donné aux prétentions du duc d'Anjou sur les Pays-Bas). C'est elle enfin qui tente de désamorcer l'antagonisme entre la Ligue et le pouvoir royal. Sa rencontre avec le duc de Guise à Épernay (avril 1585) est à l'origine du traité de Nemours et, surtout, de l'édit de juillet 1585, par lequel Henri III s'aligne sur nombre d'exigences ligueuses. Catherine est sur tous les fronts : elle rencontre d'abord le roi de Navarre au château de Saint-Brice près de Cognac, pour l'inciter à une abjuration qui permettrait son retour à la cour et déstabiliserait l'ultracatholicisme (décembre 1586-mars 1587) ; elle a aussi, à Fère-en-Tardenois, une entrevue de conciliation avec le duc de Guise (mai 1587). Son action vise à éviter la rupture avec la Ligue, mais, lors de la journée des Barricades (mai 1588), elle échoue à s'interposer entre Henri III et Henri de Guise, puis se retrouve victime de l'accord entre ces derniers, quand ses fidèles sont la cible d'une purge du personnel gouvernemental, en septembre 1588. Il est difficile de dire si elle n'a été que le témoin passif des événements qui s'achèveront par l'exécution du duc de Guise (23 décembre 1588), ou si c'est l'épuisement qui l'a tenue à l'écart du pouvoir.

Catherine de Médicis meurt à Blois le 5 janvier 1589. En 1610, sa sépulture est transférée dans la rotonde funéraire qu'elle avait fait construire à Saint-Denis, nécropole royale.

catholicisme.

« France, fille aînée de l'Église, qu'as-tu fait des promesses de ton baptême ? » L'apostrophe du pape Jean-Paul II à la foule assemblée au Bourget le 2 juin 1980 définit, en quelques mots, la relation singulière qu'entretient la nation française avec le catholicisme.

Fidélité et exemplarité, en ce qu'elle a souvent été, de Clovis à Saint Louis, au premier rang des nations chrétiennes, a récusé la Réforme protestante, a assumé l'essentiel de l'effort missionnaire et a donné à profusion saints et saintes, prêtres et religieux. Indépendance et conflictualité, en ce que l'État a fait depuis des siècles prévaloir ses droits sur ceux de l'Église, a opéré, avec la Révolution française, une rupture violente avec la foi chrétienne et, par la loi de séparation, une sécularisation radicale de la société, octroyant ainsi très tôt une place à la liberté de conscience et de culte pour les minorités religieuses et aux valeurs issues de la laïcité militante et de l'humanisme athée. Aussi le catholicisme, s'il apparaît comme l'une des dimensions constitutives de la nation française, ne suffit-il pas à définir une identité ou un trait de nature comme en Espagne ou en Italie, en Irlande ou en Pologne. Le catholicisme français est à la fois le produit d'une histoire et la tradition vivante d'une foi.

La christianisation de la Gaule

Aux commencements se trouvent l'évangélisation d'un peuple et le baptême d'un roi. À la faveur de la paix romaine et de la crise des religions de la cité antique, la croyance au message du Christ incarné et ressuscité se propage lentement depuis la Méditerranée. En 177, les chrétiens de Lyon (l'évêque Pothin, Blandine) sont livrés aux bêtes ; mais le nouvel évêque Irénée enseigne à son tour « la seule foi vraie et vivifiante que l'Église a reçue des Apôtres et qu'elle transmet à ses enfants ». En 314, quarante-trois cités sont présentes au concile d'Arles convoqué par l'empereur Constantin, dont Arles, Marseille, Orange, Apt, Vaison, Vienne et Lyon, mais aussi Autun, Eauze, Bordeaux, Rouen et Reims. La christianisation s'est ainsi lentement étendue aux villes depuis la Provence, avant de toucher, du IVe au VIe siècle, les aristocraties rurales et les masses paysannes : c'est le mot paganus (« païen »), qui a donné notre paysan, signe d'une conversion tardive des populations campagnardes. Sous l'impulsion de personnalités fortes (Martin de Tours, Hilaire de Poitiers, Germain d'Auxerre) et sous l'égide d'un clergé issu principalement des familles de l'aristocratie gallo-romaine, les communautés s'organisent. Le christianisme s'insère dans les structures locales d'un Empire romain en rapide décomposition sous le choc des invasions germaniques.