Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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mutineries de 1917.

De 1914 à 1917, un certain nombre d'actes individuels d'indiscipline ont été très gravement sanctionnés dans l'armée française.

En effet, la peine de mort a été appliquée en moyenne à vingt-cinq hommes par mois pour désertion ou refus d'obéissance. Mais, au printemps 1917, apparaît un tout autre phénomène : celui des refus collectifs d'obéissance, ou mutineries.

En avril 1917, une offensive est lancée par le général Nivelle entre Soissons et Reims, dont on attend beaucoup : son échec entraîne une désillusion à la mesure de cette attente. Une fois de plus, on a l'impression que les généraux ne sont pas à la hauteur de leur tâche, et c'est une fois de trop. Au lendemain de l'attaque manquée du 17 avril a lieu un premier incident, suivi, en mai et juin, de deux cent cinquante actes de désobéissance collective qui affectent 68 divisions, soit les deux tiers environ de l'ensemble de l'armée. Leur épicentre se situe dans la région du Chemin des Dames.

Contrairement aux allégations des généraux, ces mutineries ne furent que très rarement politiques ou « défaitistes » - il y avait très peu de slogans révolutionnaires, six mois avant la révolution bolchevique -, et ne furent nullement provoquées par la propagande pacifiste de l'arrière. Les hommes, en se refusant à continuer d'alimenter des massacres inutiles, se comportent simplement en soldats citoyens. Les troubles s'arrêtent cependant assez vite dans les secteurs où les officiers acceptent de renégocier les conditions de combat et de vie de la troupe. Le général Pétain, qui a remplacé Nivelle, le comprend bien : il fait ainsi améliorer l'« ordinaire » des premières lignes et renonce aux opérations inutiles. Les conseils de guerre jugent pourtant plus de 4 000 hommes, dont 554 sont condamnés à mort et une cinquantaine exécutés. On a pu penser que les autorités militaires s'étaient montrées relativement indulgentes. Pétain, en particulier, a été décrit par certains historiens sous un jour favorable, parfois non sans arrière-pensées pour justifier le reste de sa carrière. En réalité, les grâces signées par le président de la République attestent que les généraux n'avaient pas le choix. La société civile n'aurait pas admis une fermeté exagérée face à des mouvements qui n'exprimaient que le bon sens : les attaques inutiles ne pouvaient permettre de gagner la guerre. La majorité des hommes ont cependant continué à se battre et à mourir (15 000 par mois en moyenne) pendant ces événements : pourquoi et comment les soldats ont-ils tenu, au moment où la crise du moral de l'arrière et les grèves s'ajoutaient aux mutineries ? Telle est en fait la vraie question que posent les troubles de cette période. Après le conflit, les exécutions ont forgé le mythe de la décimation, qui a servi de base au mouvement pacifiste et antimilitariste des années 1930.