Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Pétain (Philippe), (suite)

L'armistice, Vichy et la politique de collaboration.

• Pétain revient au premier plan, dans une conjoncture de désastre national, le 18 mai 1940. Alors que se profile la débâcle militaire, le président du Conseil Paul Reynaud l'appelle à siéger dans son gouvernement comme vice-président du Conseil. Dans les discussions qui, à partir du 12 juin, opposent partisans et adversaires de l'armistice, le maréchal apporte son appui total au généralissime Weygand, favorable à un arrêt des combats. Le transfert des instances dirigeantes en Afrique du Nord, que rendrait inévitable la poursuite des hostilités, lui paraît irréaliste et moralement insoutenable car il suppose l'abandon du sol national. Fort de son prestige, il fait prévaloir son point de vue : le 16, Reynaud, hostile à l'armistice, doit démissionner et le président Lebrun fait appel à Pétain pour lui succéder. Celui-ci engage aussitôt le processus qui mène à l'armistice, signé le 22.

Le maréchal n'entend nullement quitter le pouvoir à cet instant : sa popularité est d'ailleurs immense aux yeux des Français, qui voient en lui un sauveur. Il lui semble indispensable de mener à bien l'œuvre de « redressement national », nécessitée selon lui par les circonstances. Or, Pétain, sans être monarchiste, subissait depuis longtemps l'influence d'idées réactionnaires, celles notamment propagées par l'Action française. Il se fait attribuer, grâce aux efforts de Pierre Laval, les pleins pouvoirs constitutionnels par les parlementaires réunis à Vichy en Assemblée nationale le 10 juillet 1940, avant de s'arroger par les actes constitutionnels des 11 et 12 juillet la totalité des pouvoirs exécutifs et législatifs. Dans le cadre de ce qu'il appelle la « révolution nationale », il fait procéder à la mise en sommeil des institutions électives et représentatives, à l'encadrement des structures éducatives et professionnelles, et à la persécution des francs-maçons, des étrangers, et surtout des juifs, privés de la plus grande partie de leurs droits. Ces mesures, adoptées en 1940-1941, ont toutes reçu l'approbation de Pétain, dont le grand âge (84 ans) n'atténue en rien la responsabilité.

Mais il apparaît vite que le principal problème posé au gouvernement de Vichy est celui des relations franco-allemandes. L'armistice, en effet, a considérablement amputé la souveraineté du gouvernement français, qui n'exerce une autorité que sur la zone sud (dite « libre »), la moins riche et la moins peuplée, et se trouve donc soumis au bon vouloir des Allemands. En outre, le maréchal espère, non sans illusions, une place honorable pour la France dans l'Europe nouvelle : il est donc conduit à se lancer dans une politique de collaboration avec le Reich, annoncée à la nation en octobre 1940, après la rencontre de Montoire avec Adolf Hitler. Certes, en décembre 1940, Pétain renvoie Laval, son principal ministre, qui a commencé la mise en œuvre de la « collaboration » : mais il s'agit davantage d'une rivalité de pouvoir que d'un désaccord sur le fond. L'amiral Darlan, nommé en février 1941, poursuit en effet la même politique avant que le maréchal, sous la pression allemande, ne soit contraint de rappeler Laval en avril 1942. Bien que son pouvoir de chef de l'État se trouve amoindri par le retour de Laval, désormais pourvu du titre de « chef du gouvernement », et surtout par l'occupation totale du territoire national par les Allemands à partir du 11 novembre 1942, le maréchal croit de son devoir de rester à son poste : il couvre alors par ce qui lui reste de popularité la satellisation de l'« État français », notamment la création de la Milice, police supplétive qui se livre à une féroce répression des activités de la Résistance. Les Allemands, qui avaient de plus en plus réduit sa marge d'initiative, l'enlèvent le 20 août 1944 pour le transférer en Allemagne. Assigné à résidence à Sigmaringen, Pétain refuse d'y jouer un rôle politique. De retour en France en avril 1945, il est arrêté, puis comparaît du 23 juillet au 15 août 1945 devant la Haute Cour de justice, juridiction qu'il récuse et devant laquelle il refuse de s'exprimer. Condamné à mort, le maréchal voit sa peine commuée, en raison de son âge avancé, en détention perpétuelle ; enfermé au fort de l'île d'Yeu, il y décède six ans plus tard.

Pétion de Villeneuve (Jérôme Pétion, dit),

homme politique (Chartres 1756 - Saint-Magne-de-Castillon, Gironde, 1794).

Avocat à Chartres, Pétion est l'une des figures de proue des « patriotes » de cette ville. Il est élu aux états généraux en mars 1789. À la Constituante, il compte parmi les proches de Robespierre et de Buzot, ce qui le place parmi les députés de la « gauche » ; également lié à Brissot et Clavière, il est aussi membre de la Société des amis des Noirs. Après l'arrestation du roi à Varennes, il fait partie de la délégation chargée de ramener Louis XVI à Paris. À la fin de la Constituante, sa très grande popularité contribue à le faire élire maire de Paris, en novembre 1791, contre La Fayette. Il défend, avec ses amis girondins, la répression contre les prêtres réfractaires, la liberté du commerce et le droit illimité de propriété. Lors de la journée du 20 juin 1792, il tente d'encadrer la manifestation contre le roi par la Garde nationale et intervient tardivement pour faire évacuer les Tuileries envahies par la foule. Il est destitué de son poste de maire le 6 juillet, mais l'Assemblée législative le rétablit peu après. Le 3 août, c'est lui qui présente l'adresse des sections de la capitale demandant la déchéance de Louis XVI. Après le 10 août, le pouvoir réel lui échappe, passant à la Commune insurrectionnelle. Élu député à la Convention en septembre, il démissionne de son poste de maire, et assure la présidence de cette assemblée. Dans les premiers mois de la Convention, Pétion attaque la Commune de Paris et les montagnards, coupables selon lui d'encourager l'« anarchie » et la « destruction des propriétés ». Il figure sur la liste des vingt-deux députés girondins décrétés d'arrestation le 2 juin 1793, mais il s'évade puis se cache près de Saint-Émilion. Se croyant dénoncé, il se suicide le 30 prairial an II (18 juin 1794).