Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Belle Époque (suite)

Plusieurs facteurs semblent avoir contribué à une telle élaboration légendaire. D'abord, elle participe du mythe de l'âge d'or portant avec son écume brillante les raisons mêmes de son déclin : les âges d'or sont toujours crépusculaires ; vers 1890, personne n'aurait songé à revendiquer son appartenance à une « belle époque » ; en revanche, l'expression « fin de siècle », alors largement répandue, suscitait elle-même sa propre imagerie et dévoilait ses hantises. Ensuite, des motifs - « l'Expo », la « fée électricité », « l'aéroplane » ou « l'année 1900 » - constituent quelques-unes des représentations à forte charge symbolique facilitant l'assimilation collective du caractère heureux, voire frivole, de la Belle Époque, saisie à la fois dans son dynamisme novateur et dans sa désuétude. Cette condensation se retrouve également dans les traces toujours perceptibles qu'a laissées la période : la tour Eiffel, les ferronneries « nouille » des stations de métro de Guimard, les affiches de Mucha, définissent et figent un style, l'Art nouveau, au mépris d'autres formes élaborées conjointement. Enfin, l'usage généralisé de la photographie et de la carte postale, à partir de 1889, et l'invention du disque phonographique (1893) et du Cinématographe (1895) permettent, pour la première fois dans l'histoire, d'enregistrer et de conserver durablement les empreintes du temps. Celles-ci sont rétrospectivement perçues comme des chromos nostalgiques couleur sépia, étranges par leurs images aux mouvements saccadés et leurs voix nasillardes. Ainsi, parce qu'ils coïncident avec l'ère de la reproduction technique, les poncifs de 1900 s'alimentent au moins autant aux archives traditionnelles de la mémoire qu'à ces sources jusqu'alors inconnues, offertes non plus seulement au chercheur mais au plus grand nombre ; expliquant par là même, quoique en partie seulement, la popularité du mythe de la Belle Époque.

Belleville (programme de),

programme républicain présenté par Léon Gambetta à Belleville, à l'occasion des élections du 23 mai 1869.

Candidat dans la première circonscription de la Seine, Gambetta expose sous le titre Cahier de mes électeurs et Réponse au cahier un « programme démocratique radical » fondé sur le respect des libertés fondamentales. Ce programme, qui passe pour la première charte du radicalisme, a été rédigé par des militants, conformément « au droit et à la tradition des premiers jours de la Révolution française ».

Invoqué à de multiples reprises par la suite, ce texte est une critique violente du cléricalisme - exigeant la suppression du budget des cultes, la séparation de l'Église et de l'État - et appelle à la suppression des armées permanentes. Dans le domaine des libertés publiques, ses ambitions sont vastes et diverses : « abrogation de la loi de sûreté générale », « liberté de la presse [...] débarrassée du timbre et du cautionnement », « liberté de réunion », « abrogation de l'article 291 du Code pénal » promulgué en 1810, renforcé en 1834, qui déclarait illicites les associations réunissant plus de vingt personnes. En d'autres termes, les grandes lois du ministère Jules Ferry de 1881 - loi sur les réunions publiques, loi sur la presse - ainsi que la loi du 1er juillet 1901 sur les associations trouvent ici leur inspiration. À ces propositions en faveur du respect des libertés fondamentales s'ajoute le souci de créer une « instruction primaire laïque, gratuite et obligatoire », qui annonce les lois scolaires de juin 1881 - sur la gratuité de l'enseignement primaire - et de mars 1882 - déclarant l'enseignement obligatoire et laïque. Concernant les problèmes sociaux et économiques, le programme de Belleville se montre en revanche beaucoup plus vague et prudent : en réponse aux vœux de ses électeurs, Gambetta souhaite « la suppression des gros traitements et des cumuls », « la modification du système d'impôts » et des réformes économiques afin de « faire disparaître l'antagonisme social ». Ainsi, priorité est donnée aux réformes politiques dont dépendent, selon Gambetta, les réformes sociales ultérieures.

Ben Barka (affaire),

enlèvement, le 29 octobre 1965, d'un opposant au gouvernement marocain, exilé à Paris.

Mehdi Ben Barka, né à Rabat en 1920, milite, dès 1944, au sein du parti de l'Istiqlal, pour l'indépendance du Maroc. Révolutionnaire et légaliste, tribun proche du petit peuple, il devient, après l'accession à l'indépendance, en 1956, président de l'Assemblée consultative marocaine. En désaccord avec le gouvernement, il crée en 1959 un parti d'opposition, l'Union nationale des forces populaires (UNFP). Accusé de complot contre le prince héritier, il s'exile et ne rentre au Maroc qu'en mai 1962, après un appel à la réconciliation lancé par Hassan II, devenu roi. Quelques mois plus tard, en novembre, après avoir échappé à un attentat, il s'exile de nouveau. Ayant pris parti, lors de la « guerre des sables », pour l'Algérie contre le Maroc, il est condamné à mort par contumace dans son pays. Le 29 octobre 1965, il est enlevé à Paris, en plein Saint-Germain-des-Prés, devant la brasserie Lipp : il serait tombé dans un piège tendu par le ministre de l'Intérieur du Maroc, le général Oufkir. L'aide apportée au gouvernement marocain par certains membres de la police française et du « milieu » est avérée. L'information judiciaire ouverte à Paris après cet enlèvement aboutit, en juin 1967, à la condamnation du général Oufkir à la réclusion criminelle à perpétuité par contumace. Mais l'affaire Ben Barka, qui envenima un temps les relations franco-marocaines, reste encore entourée de zones d'ombre.

bénédictins,

moines cénobites qui suivent la règle rédigée, au VIe siècle, par saint Benoît de Nursie.

Préconisant la discretio (modération), l'équilibre entre la prière, le travail manuel et la lectio divina (lecture et méditation de la Bible), et insistant sur l'obéissance et l'humilité, cette règle se diffuse dès le VIIe siècle. Elle ne prévoit pas l'union de monastères, chaque communauté demeurant autonome. En 817, pour rétablir l'observance, Benoîtd'Aniane propose un commentaire de cette règle, qui l'infléchit dans le sens de la liturgie ; mais son projet de réunir au sein d'un ordre unique tous les monastères de l'Empire carolingien n'aboutit pas.