Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Lefèvre d'Étaples (Jacques), (suite)

Protégé par François Ier, Lefèvre ne peut éviter les attaques des théologiens les plus conservateurs : en 1525, lorsque le roi est emprisonné après la défaite de Pavie, le cénacle est dispersé, et lui-même doit se réfugier à Strasbourg. Mais il est rappelé de son exil l'année suivante, dès le retour de captivité de François Ier, qui en fait le précepteur de ses enfants. En 1530, le durcissement de la lutte religieuse l'amène à accepter l'invitation de Marguerite de Navarre à Nérac. Cette même année, il fait publier, à Anvers, la Sainte Bible en françoys, travail qui servira de base à toutes les traductions françaises ultérieures.

Figure éminente des débuts de la Renaissance française, Lefèvre d'Étaples n'est pas, contrairement à Luther, l'homme d'une doctrine : il incarne plutôt, à l'instar de son contemporain Érasme, un humanisme chrétien soucieux de rétablir le dogme et l'institution ecclésiastique dans leur pureté primitive. Ce désir d'un retour aux sources vives du christianisme, allié à des méthodes philologiques novatrices, a profondément marqué la génération de Rabelais, Marot et Marguerite de Navarre.

Léger (saint),

évêque d'Autun (en Neustrie, vers 616 - près de Sarcinium, aujourd'hui Saint-Léger, Pas-de-Calais, 678).

Originaire d'une des plus riches familles germaniques de Gaule, possessionnée dans les pays de Langres, Nevers et Châlon, Léger (altération de Leudegaire : « illustre à la guerre ») est envoyé à la cour de Clotaire II, puis, vers 626-629, auprès de son oncle Didon, archevêque de Poitiers, qui se charge de son éducation. Il devient archidiacre, puis abbé de Saint-Maixent, vers 653. Pendant la minorité de Clotaire III, la reine Bathilde l'appelle à la cour (vers 657), où il se fait le porte-parole des grands de Bourgogne, opposés au maire du palais de Neustrie Ébroïn, lequel cherche à réaliser l'unification du royaume. Sa nomination en tant qu'évêque d'Autun (663) est sans doute une habile manière de l'écarter. Dans cette nouvelle charge, selon ses hagiographes, il développe les qualités idéales de l'évêque du VIIe siècle : initiateur d'œuvres caritatives, défenseur de la cité, excellent administrateur, il s'emploie à reconstruire les remparts de la ville, entreprend des travaux de restauration et d'agrandissement d'édifices religieux. En 670, il convoque un concile qui vise à réformer les mœurs du clergé.

En 673, à la mort de Clotaire III, Ébroïn place Thierry III sur le trône, coup de force inacceptable pour l'aristocratie de Neustrie et de Bourgogne, qui en appelle au roi d'Austrasie Childéric II et à son maire du palais, Wulfoald. Ébroïn et Thierry III sont chassés et enfermés dans des monastères. Léger, jugé trop encombrant, est à son tour écarté. Il rejoint son ennemi Ébroïn, captif à Luxeuil. Les deux hommes sont libérés vers 675, après l'assassinat de Childéric. Une lutte farouche s'engage alors entre le maire du palais de Neustrie, tenant d'une politique centralisatrice, et l'évêque d'Autun, défenseur des particularismes régionaux. Ébroïn écarte tous ses rivaux et envahit la Bourgogne ; en 676, il met le siège devant Autun. Pour épargner les habitants, Léger livre la ville à Ébroïn, qui lui fait crever les yeux, couper la langue et les lèvres et enfermer au monastère de Fécamp. Deux ans après (en octobre 678), allant jusqu'à l'accuser de la mort de Childéric, Ébroïn le fait décapiter dans la forêt de Sarcing, près d'Arras.

Homme politique, autoritaire et batailleur, Léger est pourtant très vite considéré comme un martyr, en grande partie à cause du long calvaire qu'il a subi. Il est notamment invoqué par les aveugles.

Légion étrangère,

formation militaire composée de volontaires, dont nombre d'étrangers.

La Légion procède de l'existence de régiments de mercenaires étrangers intégrés dans les armées françaises de la fin du XVe siècle à la Restauration, à l'exception de la période de la Révolution et de l'Empire. Destinée, en principe, à accueillir dans ses rangs les réfugiés politiques, elle est créée par Louis-Philippe le 9 mars 1831. Après avoir été cédée en 1835 à l'Espagne, elle est reconstituée dès l'année suivante. Installée à Sidi-Bel-Abbès et forte d'un régiment, elle participe à la conquête de l'Algérie, ainsi qu'à toutes les campagnes du Second Empire et à la guerre franco-allemande de 1870-1871. Sous la IIIe République, elle demeure un des instruments de l'expansion coloniale, rôle qu'elle joue jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

En 1940, une demi-brigade de la Légion participe à la campagne de Norvège et à l'occupation de Narvik. Repliée en Grande-Bretagne, cette unité est la première à se rallier à la France libre, et s'illustre, en 1942, à Bir Hakeim. D'autres régiments de la Légion relevant de l'armée d'Afrique du gouvernement de Vichy reprennent la lutte après le débarquement américain en Afrique du Nord (novembre 1942), et participent aux campagnes de Tunisie, d'Italie, de France et d'Allemagne. Après 1945, la Légion joue un rôle majeur dans les guerres liées à la décolonisation, en Indochine et en Algérie. C'est en 1952 que ses effectifs sont les plus nombreux : elle compte alors sept régiments d'infanterie, deux régiments de parachutistes et deux de cavalerie, soit près de 35 000 hommes au total.

Après l'indépendance de l'Algérie, la Légion abandonne Sidi-Bel-Abbès et se replie dans le midi de la France (Aubagne, Orange), en Corse, ainsi que dans le Pacifique, à Djibouti et en Guyane. Ses effectifs ayant été ramenés à 9 000 hommes, elle est engagée, depuis 1962, dans la plupart des opérations de « maintien de la paix » menées par la France. Troupe de métier quelque peu en marge de l'armée régulière, la Légion accueille des volontaires de tous les pays étrangers, européens pour la plupart. Lors de son engagement, le légionnaire, parfois désireux de prendre ses distances avec un passé douteux, donne une identité sans valeur légale ; au sein du corps, il fait figure d'inconnu. Dotée d'un véritable rituel - l'uniforme, le képi blanc et les épaulettes rouges, l'hymne le Boudin, la fête anniversaire commémorant le légendaire combat de Camerone, lors de l'expédition mexicaine (30 avril 1863) -, la Légion a longtemps symbolisé l'esprit d'aventure, et c'est à ce titre que le roman, le cinéma et la chanson, surtout dans les années 1920-1930, ont popularisé la figure du légionnaire, au point de lui conférer une aura mythique.