Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
N

Nimègue (traités de),

traités signés en 1678 et 1679, qui mettent fin à la guerre de Hollande opposant la France aux Provinces-Unies et à ses alliés.

Depuis 1674, Charles II d'Angleterre propose sa médiation ; à la fin de l'année 1676, les émissaires français arrivent à Nimègue. Des médiateurs pontificaux les y rejoignent : Innocent XI veut la paix pour mobiliser la Chrétienté contre le Turc. Les marchands hollandais désirent eux aussi un accord, mais Guillaume d'Orange espère encore un succès militaire. Après la prise de Gand (mars 1678), Louis XIV a l'habileté de proposer aux Hollandais une paix sans annexion. Elle est signée le 10 août 1678 : la France rend Maastricht et la principauté d'Orange, occupées depuis 1672, et baisse ses tarifs douaniers. Guillaume, après avoir livré un dernier combat le 14 août, doit s'incliner. C'est l'Espagne qui paie le prix de la paix ; par le traité du 17 septembre, elle cède la Franche-Comté, Saint-Omer, Cassel, Ypres, Valenciennes, Maubeuge et Cambrai à la France, qui lui restitue Charleroi, Binche, Ath, Audenarde et Courtrai. Suivant le souhait de Vauban, ces rectifications font disparaître les enclaves, et les places acquises composent une « ceinture de fer ». Quant à l'em-pereur germanique Léopold Ier, mis en difficulté par les révoltés hongrois, il accepte, le 5 février 1679, de céder Fribourg-en-Brisgau contre la restitution de Philippsburg, et cesse les hostilités contre la Suède. Avec les traités entre la Suède d'une part, le Brandebourg et le Danemark de l'autre (juin et novembre), Louis XIV est l'arbitre de l'Europe, mais il n'a pu mettre les Provinces-Unies à genoux.

noblesse

Comme dans les autres pays de vieille civilisation, la noblesse a longtemps joué un rôle éminent dans l'organisation et le fonctionnement de la société française. Même privée de son statut d'ordre depuis 1789, elle a conservé, jusqu'à nos jours, une visibilité sociale inversement proportionnelle à son poids numérique.

Pour autant que la « conscience de race » soit le principe de son essence, elle n'a jamais formé une caste, mais, jusqu'à l'instauration de la IIIe République, s'est constamment régénérée par l'apport de lignées nouvelles, dont elle consacrait l'ascension.

La genèse d'une élite sociale (ve-xiie siècle)

Les origines de la noblesse ont longtemps nourri d'âpres controverses idéologiques - c'est ainsi qu'à la veille de la Révolution, la théorie de l'ascendance franc-salienne, que le comte de Boulainvilliers avait reprise à son compte, autant pour dénoncer l'absolutisme que pour justifier l'inégalité sociale, fut retournée par Mably et Sieyès pour exclure la noblesse de la nation française, incarnée par le seul tiers état comme descendant des Gallo-Romains - avant de diviser les historiens. Au lendemain de la guerre de 1870, l'école historique allemande a énoncé la thèse de la disparition totale des institutions romaines et de l'adjonction, à l'époque carolingienne, à la noblesse franque « primitive », d'un groupe d'hommes libres, pourvus de charges dans la Maison du roi et formant à ce titre une noblesse de service (Dienstadel). Postulant l'extinction des lignages carolingiens entre le IXe et le Xe siècle, Marc Bloch fit coïncider l'émergence d'une nouvelle noblesse avec l'avènement de la féodalité. Plus récemment, Karl-Ferdinand Werner a remontré « l'origine romaine de la noblesse en Occident et sa continuité institutionnelle dans la noblesse franque » : loin d'éliminer les élites gallo-romaines, les Mérovingiens ont choisi la plupart des évêques et des comtes dans des familles d'ascendance sénatoriale, qui ont progressivement fusionné avec les élites germaniques.

Reste qu'à l'époque carolingienne, la noblesse constitue, non une catégorie juridique, mais un fait social défini par la conjonction de trois critères : l'appartenance à un réseau de parenté se rattachant de plus ou moins près à la maison royale, l'aptitude à exercer des fonctions publiques, et la possession d'une fortune territoriale constituée en grande partie grâce à la générosité du prince. Cette noblesse n'est cependant pas homogène : les plus hautes charges sont aux mains d'une Reichsaristokratie formée de groupes familiaux répandus dans tout l'Empire, alors que comtes, vicomtes et autres vassi dominici sortent de lignages au rayonnement plus localisé. Ce sont leurs descendants qui, à la faveur de la décomposition de la monarchie carolingienne, accaparent les pouvoirs de commandement et de justice et imposent aux populations vivant dans le ressort de leur château toutes sortes de « coutumes » recognitives de leur prééminence sur le sol et sur les hommes. Cette affirmation de la puissance banale s'assortit de l'émergence d'un groupe de guerriers montés à cheval, qui en constituent le bras armé : les milites castri. D'origine souvent obscure (sauf en Mâconnais, où ils appartiennent à des familles aisées et se prévalent des mêmes ancêtres que les sires), ils ne peuvent rivaliser, ni en puissance ni en fortune, avec les détenteurs du ban seigneurial, auxquels ils sont subordonnés par les liens vassaliques, mais n'en sont pas moins distingués de la masse rurale par leur participation à l'exercice du pouvoir châtelain.

La fusion des maîtres de châteaux et des chevaliers procède d'un double mouvement, plus précoce de l'Aquitaine au Languedoc et au Mâconnais qu'au nord de la Loire, et non encore amorcé en Normandie à la fin du XIIe siècle : d'une part, la sacralisation de la fonction militaire, sous l'impulsion de l'Église, qui place les bellatores au deuxième rang de la hiérarchie des ordres et exalte le modèle du « chevalier du Christ », auquel il incombe de défendre l'institution ecclésiastique et le peuple chrétien, selon une morale et des modalités que réglementent les paix de Dieu autour de l'an mil - il s'ensuit la diffusion de l'adoubement parmi les comtes et les sires et l'assimilation du qualificatif de miles à celui de nobilis - ; d'autre part, l'émergence, au sein de la chevalerie de château, d'une « conscience de race », qui s'exacerbe à mesure que, de concession viagère et révocable, le fief devient transmissible par agnation et que se conserve la mémoire des ancêtres. Outre la fréquence accrue des alliances entre chevaliers et filles de sires, maints indices attestent le rapprochement des conditions aristocratiques à la fin du XIIe siècle : non contents de se parer du titre de messire, jadis réservé aux maîtres de châteaux, et d'adopter des emblèmes héraldiques, les simples chevaliers font fortifier leur demeure et s'approprient des droits de ban et de justice.