Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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roi (suite)

Le sacre, instrument de légitimité

À Rome, le pouvoir impérial provient de l'élection par l'armée ; le sacre est alors inconnu. Après les Grandes Invasions, lors de la fusion des mondes romain et barbare, hérédité et élection sont utilisées, selon les circonstances, alternativement ou concurremment. Les rois francs païens marquent leur accession au pouvoir par des rites civils et militaires tels que la remise d'armes et l'élévation sur le pavois ; mais ils se distinguent des autres guerriers et aristocrates car la légende leur attribue une ascendance divine, leur sang étant censé leur conférer la capacité de remporter la victoire et celle d'obtenir d'abondantes récoltes. Les Mérovingiens ne se font pas sacrer, ces souverains se contentant des effets divins du baptême. Lorsque le Carolingien Pépin le Bref, maire du palais qui détient la réalité du pouvoir, entend exercer la royauté, il réussit à s'imposer grâce à l'appui des grandes familles aristocratiques, mais aussi grâce à celui du pape, qui le sacre en 751. Cette cérémonie fait du roi l'oint du Seigneur, et lui confère une légitimité, qui devient rapidement héréditaire. En effet, pour éviter toute querelle de succession, les rois associent leur fils aîné à l'exercice de la royauté en les faisant sacrer de leur vivant. Lorsque, à la fin du Xe siècle, le trône est disputé aux Carolingiens par les descendants des Robertiens, Hugues Capet se fait élire aux dépens de la lignée carolingienne ; il est sacré à Noyon en 987, tandis que son fils Robert le Pieux l'est, la même année, à Orléans. Il impose ensuite le principe de l'hérédité, assorti d'une élection de plus en plus symbolique. À partir du règne de Philippe Auguste, la succession héréditaire étant devenue automatique, il n'apparaît plus utile de sacrer le fils héritier du vivant de son père.

On lie aussi au sacre le pouvoir thaumaturgique des rois de France, l'onction du saint chrême faisant participer le monarque à la divinité. La croyance en ce don miraculeux apparaît dès l'époque de Robert le Pieux et se précise progressivement : ce sont les écrouelles, affection de la peau d'origine tuberculeuse, que les rois de France passent pour pouvoir guérir par simple imposition des mains. Ainsi, le toucher des écrouelles devient une pratique royale ritualisée, peut-être dès le règne de Saint Louis.

L'éducation du prince

Les qualités attendues chez un roi sont soigneusement répertoriées et commentées par les théologiens et les juristes. Certes, durant le haut Moyen Âge, les clercs ne tiennent pas à ce qu'un roi trop savant mette en cause leur statut d'intermédiaires uniques entre le ciel et la terre. Ainsi, Charlemagne, s'il connaît très tôt le métier des armes, n'apprend à écrire que fort tard. Mais peu à peu s'impose l'idée selon laquelle le roi, pour être digne de sa fonction, doit acquérir des qualités conformes à son rang grâce à l'éducation. Robert le Pieux est ainsi formé à l'abbaye de Fleury-sur-Loire, les Capétiens Louis VI et Louis VII le sont à l'abbaye de Saint-Denis. À partir du XIIe siècle, l'héritier reçoit une éducation individuelle fort soignée, selon le principe qui veut qu'« un roi illettré est un âne couronné ». La formation initiale est délivrée par la mère du souverain - ainsi Blanche de Castille pour Saint Louis - qui lui apprend les prières fondamentales et les rudiments de la lecture sur le psautier. Vers l'âge de 7 ans, le relais est pris par des précepteurs de grande qualité, les uns chargés de la formation militaire, les autres de la formation théorique. Très tôt, le prince paraît sur le champ de bataille. Les fils de Jean II accompagnent leur père à Poitiers (1356) ; le fils de Louis XV participe, à l'âge de 15 ans, à la bataille de Fontenoy (1745). Les précepteurs chargés de l'éducation théorique sont de savants docteurs en théologie : ainsi Gilles de Rome, précepteur du futur Philippe IV le Bel, qui compose pour son élève un De regimine principum célèbre ; Bossuet, précepteur du Grand Dauphin en 1670, écrit à l'intention de celui-ci un Discours sur l'histoire universelle ; le cardinal de Fleury rédige un catéchisme pour Louis XV.

L'éducation princière importe d'autant plus que la conscience du roi est la seule borne à son pouvoir. Cette éducation est d'abord religieuse, car il faut former le jeune prince à la prière et lui inculquer l'habitude de l'introspection : qui n'est pas capable de se discipliner ne peut discipliner autrui. L'éducation intellectuelle s'inspire de celle des grandes universités, à cette différence qu'elle est donnée en langue vulgaire. En effet, peu de princes maîtrisent ou connaissent le latin avant le XVe siècle, même si Louis XI et Charles VII le manient aisément. Les sept disciplines des arts libéraux - grammaire, rhétorique, dialectique, arithmétique, géométrie, astronomie, musique - leur sont enseignées. Mais le roi a droit aussi à une formation spécifique, en particulier l'étude des langues étrangères : de Louis XI à Louis XVI, tous parlent l'italien, auquel s'ajoutent l'espagnol pour Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, l'anglais pour Louis XVI. La géographie est parfois enseignée : ainsi pour Henri IV, Louis XIV ou Louis XVI. Quant aux lectures profanes, elles ne sont conseillées qu'à partir du XVIe siècle. Dès sa dixième année, le prince commence à participer aux cérémonies officielles et au Conseil du roi. Déjà censé être doté de qualités exceptionnelles par son sang, le roi de France acquiert par son éducation les caractères d'un homme pieux, sage, savant, vertueux et juste, cumulant les vertus du simple chrétien et celles du juge et du chevalier. Il ne saurait en France y avoir de mauvais roi ou de tyran.

Les devoirs du roi

Le premier de ces devoirs est de protéger les églises et le clergé, de favoriser l'encadrement des fidèles en prêtant à l'Église l'appui de la force publique. Il se doit également de lutter contre les hérétiques. Le roi dispose d'une chapelle, c'est-à-dire d'un ensemble de clercs qui répondent aux besoins spirituels de la famille royale et conservent les prestigieuses reliques que tout souverain se doit de posséder. Philippe Auguste prie avant la bataille de Bouvines (1214) et bénit ses troupes ; Charles VII multiplie les oraisons pour obtenir le retour à la paix. La vie du monarque est ponctuée de cérémonies et pratiques religieuses (messes dominicales, sermons, carême...). De même, toute cérémonie officielle a son versant religieux - messe et/ou procession -, notamment pour l'ouverture des états généraux, après une entrée royale dans une ville, à l'occasion des traités de paix ou des victoires.