Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

Massilia (affaire du), (suite)

L'affaire du Massilia demeure peu claire : si elle illustre bien le climat de confusion du mois de juin 1940, il n'est pas exclu qu'une manœuvre destinée à éloigner des opposants dangereux et à les discréditer ait été ourdie dans l'entourage de Pétain. Ce dernier voulait-il déjà se prémunir contre le personnel parlementaire, qu'il allait neutraliser par le vote du 10 juillet lui conférant les pleins pouvoirs ?

Mata Hari (affaire),

nom donné au procès et à la condamnation à mort pour espionnage de Mata Hari, exécutée en octobre 1917.

Margaretha Geertruida Zelle, dite Mata Hari, née le 7 août 1876 en Hollande, défraie à deux reprises la chronique parisienne. Divorcée d'un officier néerlandais, John Rudolf Mac Campbell Leod, avec lequel elle vécut en Indonésie, elle s'installe à Paris comme prostituée de luxe. Entre 1905 et 1910, elle devient célèbre sous le nom de Mata Hari (« œil du ciel », en malais), avec un numéro de « danse sacrée » mêlant exotisme et érotisme. À l'instar de Loïe Fuller et d'Isadora Duncan, son heure de gloire est éphémère. Mais cette mythomane ne se résigne pas à retomber dans l'oubli.

La guerre venue, elle est recrutée par les services de renseignements allemands. Continuant à voyager entre les Pays-Bas, l'Angleterre, la France et l'Espagne, elle propose ses services aux militaires français du 2e Bureau. Manipulée par les uns et par les autres, elle est arrêtée au début de 1917 à Paris, pour espionnage pour le compte de l'Allemagne. Jugée en quarante-huit heures par un conseil de guerre le 24 juillet 1917, sur la foi d'un dossier presque vide, elle est fusillée le 15 octobre suivant. Cette « idole de quelques jours » (l'Éclair du 27 juillet 1917), demi-mondaine scandaleuse et espionne séduisante, est devenue, après sa mort, une figure légendaire du XXsiècle. Au-delà de l'affaire judiciaire, le mythe de Mata Hari révèle une « fascination ambiguë » (A. Dewerpe) envers une femme fatale entourée de mystère, « danseuse aux cent voiles » dérobant des secrets d'État.

Matignon (accords),

accords conclus dans la nuit du 7 au 8 juin 1936 entre les délégués du patronat (Confédération générale de la production française) et ceux de la Confédération générale du travail (CGT) après dix heures de négociations menées par le président du Conseil Léon Blum.

Ils sont une tentative de règlement à l'amiable pour mettre fin aux grèves qui, écloses en avril 1936, se sont amplifiées après la victoire du Front populaire au second tour des élections législatives (3 mai). Ces accords prévoient d'importantes hausses de salaires (de 7 à 15 %, mais avec un rattrapage de la province par rapport à Paris qui peut doubler ces chiffres), l'élection de délégués du personnel, la libre adhésion à un syndicat, la signature de contrats collectifs de travail, la non-sanction du fait de grève et l'appel à la reprise du travail par les organisations ouvrières.

Ces deux dernières clauses n'entraînent pas pour autant la fin des grèves et des occupations, qui durent souvent jusqu'à la mi-juin. Les grandes lois sociales de 1936 - la semaine de quarante heures, les deux semaines de congés payés ... - ne découlent pas des accords Matignon, mais du programme de janvier 1936 : seule la loi fixant la procédure d'établissement des conventions collectives se rattache à la lettre de ces accords. En revanche, il semble que « Matignon » ouvre au gouvernement la voie pour présenter au Parlement ses premiers textes de réforme (ceux instituant les congés payés, les quarante heures et les conventions collectives sont votés par la Chambre des députés dès les 11 et 12 juin).

Les accords Matignon sont devenus une référence historique parce qu'ils affirment, dans une situation de crise sociale, un principe auquel patronat et syndicats sont restés attachés : faute de négociations à la base, organiser des grand-messes au sommet, qui légitiment des adversaires pressés par leurs troupes, et qui se déroulent sous l'arbitrage de l'exécutif.

Matignon (hôtel),

édifice du XVIIIe siècle, situé au 57 de la rue de Varenne, aujourd'hui résidence officielle du Premier ministre.

Avec sa vaste cour en hémicycle et ses deux avant-corps à pans coupés, il est sans doute le plus beau des hôtels qui ornent le faubourg Saint-Germain. Construit en 1721 par l'architecte Jean Courtonne pour le maréchal de Montmorency-Luxembourg, il est vendu peu après, inachevé, à Jacques de Goyon-Matignon. Mis sous séquestre pendant la Révolution, il ne cessera de passer de main en main tout au long du XIXe siècle. Acquis par Talleyrand (1808-1811), il l'est ensuite par Louis XVIII, qui le préfère à l'Élysée. Légué à la sœur de Louis-Philippe, Mme Adélaïde, il est occupé par cette dernière jusqu'en 1847. Propriété successive des ducs de Montpensier et de Galliera, il abrite l'ambassade d'Autriche à partir de 1888, et ce jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale. Affecté à la présidence du Conseil en 1935, il devient, en 1958, le siège du Premier ministre, de son équipe et de l'ensemble de ses services. Dans le lexique politique des dernières décennies, « Matignon » en est venu à désigner le pôle de l'exécutif chargé d'impulser et de coordonner la politique gouvernementale. Ironie du sort, c'est au moment où l'hôtel Matignon s'impose comme lieu stratégique du pouvoir qu'il abrite la fonction la plus ingrate et sans doute la plus exposée de la Ve République.

matines de Bruges,

révolte populaire survenue le 18 mai 1302 dans la Flandre occupée par Philippe IV le Bel.

Pôle essentiel de l'économie européenne du XIIIe siècle, grâce à son industrie drapière, le comté de Flandre présente pour la monarchie capétienne un intérêt stratégique certain. Depuis qu'en 1249 Saint Louis y a arbitré une querelle de succession, le roi de France intervient directement dans les affaires flamandes, parfois au-delà de son droit de suzerain. Il s'appuie sur la bourgeoisie des villes pour saper le pouvoir comtal, tandis que des conflits sociaux opposent les riches marchands léliaerts (partisans des fleurs de lys, donc de la France) aux artisans, soutenus par le comte.

Le comte de Flandre Guy de Dampierre s'étant allié à Édouard Ier d'Angleterre, en guerre contre Philippe IV le Bel, celui-ci, à partir de 1297, occupe la Flandre et y nomme un gouverneur, Jacques de Châtillon, dont la maladresse ne tarde pas à retourner la population contre les Français. Des révoltes éclatent, dont la plus grave est celle des matines de Bruges, où une centaine de soldats de la garnison française sont égorgés dans leur lit à l'aube du 18 mai 1302. Envoyé pour rétablir l'ordre, l'ost royal est écrasé à Courtrai le 11 juillet 1302 : la fine fleur de la chevalerie française y est massacrée.