Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
T

Troppmann (affaire),

célèbre affaire judiciaire du Second Empire (septembre 1869-janvier 1870).

Le 20 septembre 1869, six cadavres atrocement mutilés sont découverts dans le champ d'un agriculteur de la plaine de Pantin, au nord de Paris. Ce sont ceux d'une mère de famille, et de cinq de ses enfants. Les Kink sont arrivés, le 19 septembre, de Roubaix pour un mystérieux rendez-vous - semble-t-il, avec le père de famille, parti faire fortune dans les Vosges. Au terme d'une enquête menée tambour battant par la police scientifique, Jean-Baptiste Troppmann, un jeune mécanicien alsacien de 19 ans, fait figure de principal suspect. Le mobile du crime, pourtant, reste obscur : crime passionnel ou meurtre motivé par la cupidité ? Nul ne le sait encore, le jour où Troppmann est condamné à mort. Son exécution, le 19 janvier 1870, draine une foule importante : celle des lecteurs du Petit Journal, qui vend jusqu'à 500 000 exemplaires par jour grâce à cette affaire ; celle des curieux qui vont en pèlerinage sur le lieu du crime ; celle des amateurs d'émotions fortes. Les journaux notent le courage du condamné. Mais ils témoignent surtout des peurs de l'opinion : phobie des ouvriers, incarnés par Troppmann qui s'est attaqué à une honnête famille bourgeoise, phobie du monstre au mobile incertain, phobie de l'Alsacien tenu pour un agent de l'Allemagne. En inventant le « fait divers », la presse populaire sait en tirer profit. Elle offre à l'historien une grille de lecture des angoisses de la fin du Second Empire.

troubadours et trouvères,

poètes qui mettent en œuvre diverses formes de l'idéologie courtoise.

Le terme de « troubadours » calque le vocable occitan trobadores, issu du bas latin tropare (« composer des mélodies appelées tropes », puis « trouver », « créer ») ; « trouvères » représente l'évolution septentrionale du mot. Comme cette étymologie l'indique, troubadours et trouvères écrivent des chansons (d'une cinquantaine de vers en moyenne).

Dans les années 1130-1150, une première génération de troubadours, venue du Poitou, du Limousin ou de la Saintonge, nuance et enrichit la fin'amor, dont Guillaume IX d'Aquitaine a jeté les bases. Sans réelle synthèse théorique, se met en place une métaphysique érotique : l'Amant, entièrement soumis, acceptant la concurrence avec ses rivaux, stimulé par tous les obstacles (notamment sociaux, la fin'amor étant essentiellement adultère), voue à sa Dame un amour sublimé, exclusif et définitif ; il discipline son langage et son désir, à soi-même sa propre récompense, bien que satisfait in fine. Mais chaque auteur adapte ce cadre. Ainsi, Cercamon reprend à Guillaume IX sa conception sensuelle de l'amour. Marcabru, son disciple présumé, inaugure la tradition du trobar clus (clos, fermé), c'est-à-dire d'un hermétisme présenté comme une nécessité, la perfection du chant garantissant la force de l'amour. Enfin, Jaufré Rudel développe le thème de l'« amour de loin », sentiment mystique envers la plus belle des femmes, réelle (la comtesse de Tripoli ?) ou imaginaire, qu'il n'a jamais vue et ne verra peut-être jamais.

Bernard de Ventadour, sans doute le troubadour le plus célèbre de son vivant, assure la transition avec la génération suivante. Ce protégé d'Aliénor d'Aquitaine et du comte de Toulouse Raimond V insiste sur les liens de vassalité qui unissent le soupirant à sa Dame, non toutefois sans réclamer ses ultimes faveurs. Grâce à sa créativité, le chant courtois, où tension de l'expression et élan du désir vont de pair, s'épanouit totalement.

La « génération classique », après 1150, a pour figures de proue les Périgourdins Arnaud de Mareuil, Guiraut de Borneil, friand de dialogue lyrique et de poésie morale, Arnaud Daniel - selon Dante, « le plus grand artiste » de tous, en raison d'une virtuosité dans le jeu des rimes et des sons - et Bertrand de Born, grand seigneur qui se tourne vers une poésie politique. Le Provençal Raimbaud d'Orange cultive, quant à lui, une forme précieuse et subtile, tandis que le Toulousain Peire Vidal, qui vit jusqu'au début du XIIIe siècle, choisit, pour exprimer sa fantaisie, une expression plus claire.

À partir de 1160, l'érotique des troubadours passe en France du Nord. Les poètes lyriques, les « trouvères », l'infléchissent : insistance sur l'ascèse de l'Amant, importance des épreuves chevaleresques, codification précise des étapes à franchir pour accéder à la Dame, retenue face à la sexualité et aux descriptions érotiques. Gace Brulé et Conon de Béthune (fin XIIe siècle), Guiot de Provins (début XIIIe siècle) et Thibaud de Champagne (deuxième quart du XIIIe siècle) contribuent ainsi à la vision « platonique » - en partie fausse - de l'idéologie courtoise.

troupes coloniales,

unités plus spécialement destinées à servir aux colonies. Sous l'Ancien Régime et encore au début du XIXe siècle, la défense des colonies fait l'objet de tâtonnements successifs.

À certaines périodes, cette défense est assurée par des troupes spécifiques, de recrutement local ; à d'autres, elle relève de régiments de la métropole, séjournant outre-mer à tour de rôle. Une clarification apparaît sous la monarchie de Juillet, avec la création de 2 régiments de marine en 1831, portés à 3 en 1838 et à 4 en 1858. En 1890, on compte 8 régiments stationnés en France et 4 aux colonies. L'infanterie de marine participe non seulement à la défense de possessions d'outre-mer, mais aussi à celle de la métropole, comme le prouvent les « marsouins », qui s'illustrent à Sedan (1870) et pendant le siège de Paris.

Avec la création du ministère des Colonies, détaché de celui de la Marine, l'infanterie de marine est placée sous la direction du ministère de la Guerre (1900) et prend le nom d'« infanterie coloniale ». Sur 19 régiments, 12 stationnent en métropole. Toutefois, des forces métropolitaines peuvent servir dans les colonies, ainsi que la Légion et des régiments de tirailleurs algériens ou tunisiens. Dès la fin du Second Empire, des troupes indigènes ont été intégrées dans l'infanterie coloniale. On compte 37 bataillons de tirailleurs sénégalais en 1914, et 92 en 1918. L'appellation est d'ailleurs trompeuse : le recrutement de ces soldats ne se limite pas au Sénégal mais concerne toute l'Afrique noire. S'ajoutent à ces unités indigènes, 7 régiments levés en Indochine et 3 à Madagascar.