Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Bernis (François Joachim de Pierre, cardinal de),

prélat et homme po-litique (Saint-Marcel-en-Vivarais, aujourd'hui Saint-Marcel-d'Ardèche, 1715 - Rome 1794).

Issu d'une famille d'ancienne noblesse militaire languedocienne, il fait, grâce à la protection de Fleury, de bonnes études au collège Louis-le-Grand. Son caractère, sa brillante conversation et quelques publications poétiques lui valent rapidement une reconnaissance mondaine, au point qu'il est élu à l'âge de 29 ans à l'Académie française (1744). La protection de Mme de Pompadour lui permet d'obtenir une ambassade à Venise en 1751, d'entrer au Conseil en 1755 et de devenir secrétaire d'État aux Affaires étrangères en 1757. Il est l'un des principaux négociateurs du rapprochement de la France avec les puissances catholiques continentales, et en particulier l'Autriche, ce qui lui vaut d'être créé cardinal en 1758. Mais les succès de Frédéric II lors de la guerre de Sept Ans le poussent à la conciliation, en opposition avec le parti de la marquise de Pompadour. Cette indépendance à l'égard de la favorite entraîne sa disgrâce. Revenu en faveur, il est nommé archevêque d'Albi (1764), et se consacre à l'administration de son diocèse, où il réside. Chargé des affaires de France auprès du Saint-Siège (1769), il s'associe à la décision de Clément XIV de dissoudre la Compagnie de Jésus (1773). En raison de son refus de prêter serment à la Constitution civile du clergé et de son opposition à la Révolution, il est destitué en 1791. Auteur de poèmes et de textes divers édités de son vivant, il laisse également une correspondance avec Voltaire (publiée en 1790), ainsi que des Mémoires et des lettres, parus en 1878.

Berry,

ancienne province de France, dans le centre du pays, dont les limites correspondent pour l'essentiel à celles des actuels départements du Cher et de l'Indre.

Formé à l'époque celtique du territoire des Bituriges, soumis par César, le Berry est intégré à la province romaine d'Aquitaine, avant d'être envahi par les Wisigoths vers 469. Conquis par les Francs, disputé entre les différents royaumes mérovingiens, il est érigé en comté indépendant au VIe siècle. Soumis à l'hostilité conjointe des ducs d'Aquitaine et des comtes de Blois, démembré autour de 930, le Berry entre en plusieurs étapes dans le domaine royal : la partie orientale, autour de Bourges, est acquise sous le règne de Philippe Ier, près de deux siècles avant que l'ensemble de la région soit placé sous le contrôle des Capétiens. En 1360, le roi Jean II le Bon érige le Berry en duché et le donne en apanage, assorti de l'Auvergne, à son troisième fils, Jean, qui en fait le cœur d'une principauté puissante dotée d'une administration développée et d'une cour fastueuse. À la mort du duc, en 1416, le Berry retourne à la couronne, avant d'être donné au dauphin Charles. Lors de l'occupation anglaise, le Berry devient ainsi le refuge et le symbole de la résistance des Valois, le point de départ de la reconquête du royaume entreprise par Charles VII, qui n'est, à l'origine, que le « petit roi de Bourges ». Confié par la suite à plusieurs cadets royaux, dont Charles de France, le frère de Louis XI, le Berry n'est définitivement réuni à la couronne qu'en 1584.

Berry (assassinat du duc de),

assassinat, le 13 février 1820, du second fils du comte d'Artois (futur Charles X), qui était destiné à monter sur le trône de France à la mort de son père.

Cet événement marque un tournant majeur dans l'histoire politique de la Restauration, car il favorise le retour au pouvoir des ultraroyalistes. En effet, ces derniers sont irrités, depuis l'arrivée au pouvoir des constitutionnels en septembre 1816, par les progrès du libéralisme. Ainsi, en 1819, sous le gouvernement Decazes, les lois de Serre ont aboli la censure pesant sur la presse, et les élections législatives ont permis aux libéraux de remporter les deux tiers des sièges à pourvoir. En réponse aux inquiétudes de la droite, Decazes se fait alors le défenseur de l'ordre : il nomme de nouveaux ministres désireux de se rapprocher des ultraroyalistes et prépare une nouvelle loi électorale donnant droit à un double vote aux électeurs les plus imposés. C'est la veille du jour où la bataille doit être engagée à la Chambre en faveur de cette loi que survient l'événement. Le duc de Berry sort de l'Opéra quand l'ouvrier sellier Louvel le poignarde : le prince meurt quelques heures plus tard alors que le gouvernement craint une émeute, persuadé que Louvel n'a pas agi seul. En réalité, l'assassinat ne déclenche contre Decazes que les foudres des ultraroyalistes. L'attitude initialement libérale du ministre est jugée responsable de la conjoncture politique qui a favorisé le crime. Le 20 février, Louis XVIII se résout à renvoyer Decazes : « Les pieds lui ont glissé dans le sang », commente Chateaubriand.

Berry (Jean de France, duc de),

troisième fils du roi Jean le Bon et de Bonne de Luxembourg (Vincennes 1340 - Paris 1416).

Jean de France est fait comte de Poitiers en 1356, puis duc de Berry et d'Auvergne en 1360, lorsque le Poitou est restitué par le traité de Brétigny au roi d'Angleterre. La même année, il épouse Jeanne d'Armagnac, fille du comte Jean Ier d'Armagnac, puis devient otage en Angleterre à la place du roi son père. Pendant toute la durée de son règne, de 1364 à 1380, Charles V tient son frère Jean de Berry à l'écart des affaires, lui confiant parfois le commandement d'expéditions militaires en Languedoc. À la mort de Charles V, les oncles du jeune Charles VI, dont le duc de Berry, tiennent le gouvernement du royaume. Jean de Berry, lieutenant du roi en Languedoc, s'y enrichit exagérément. Très impopulaire, il est écarté du gouvernement de 1388 à 1392, lorsque y reviennent les marmousets, anciens conseillers du roi Charles V. Mais la folie de Charles VI permet aux oncles du roi de reprendre le pouvoir. Le duc de Berry partage alors son temps entre son duché, ses châteaux et le Conseil du roi. S'il soutient d'abord son frère Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, contre le duc d'Orléans, frère de Charles VI, il se pose en médiateur, à partir de 1404, dans le conflit plus sévère qui oppose Louis d'Orléans à Jean sans Peur, nouveau duc de Bourgogne. Lorsque Louis d'Orléans est assassiné en 1407, Jean de Berry tente d'arbitrer le conflit, puis penche en faveur du duc d'Orléans en 1410. Il intervient encore avant Azincourt : afin d'éviter que le roi ne soit fait prisonnier, comme Jean le Bon en 1356 à la bataille de Poitiers, il retient à Rouen Charles VI et le dauphin.